N° 107, octobre 2014

Parya Vatankhah
Artiste iranienne


Mireille Ferreira


Parya Vatankhah est née en 1978 à Téhéran et a grandi au bord de la mer Caspienne. A l’âge de 22 ans, elle s’installe à Téhéran pour suivre des études d’arts plastiques. Vivant en France depuis cinq ans, elle se consacre à la peinture, à la photographie et à la réalisation de vidéos, qu’elle expose régulièrement dans les grandes manifestations artistiques internationales (Etats-Unis, Mexique, Espagne, Dublin, Edinburg, Paris, Toronto, etc.). Avant de quitter l’Iran pour la France, elle exposait dans différentes galeries à Rasht et, à Téhéran, à la Galerie Daryâbeygi et au centre culturel Niavarân. Au printemps dernier, elle était présente, en France, au festival international d’art numérique Vidéo Formes de Clermont-Ferrand. Actuellement, elle présente une série de vidéos dans le plus grand centre d’exposition de Malmِ en Suède, avec les œuvres d’un groupe d’artistes iraniennes. Dès son arrivée en France, elle s’est engagée dans des études d’art et achève deux masters à l’université.

Une vocation artistique précoce

Le dessin et la peinture ont toujours été présents dans sa vie. Dès l’âge de trois ou quatre ans, elle réalisait déjà des peintures pour elle-même et pour les enfants de son entourage. Dès l’âge de 12 ans, elle s’est intéressée à l’Histoire de l’Art, achetant livres d’art et biographies d’artistes. Elevée par une mère peintre et un père médecin, son éducation fut très classique. La maison familiale possédant une importante bibliothèque, à l’âge de 18 ans, elle avait lu les œuvres de Balzac, Tolstoï, Dostoïevski, André Gide, traduites en persan. Pour ses parents et, plus généralement, pour la société dans laquelle elle évoluait, les études artistiques étaient une activité par défaut. Il lui était permis de pratiquer la peinture, mais à côté d’activités et d’études plus académiques. Sous la pression de ses parents, elle s’engagea dans un premier temps dans des études d’ingénierie, mais en parallèle, elle suivait en cachette des cours de peinture. Au bout de deux ans, elle arrêta ses études et passa avec succès le concours d’accès aux cours d’arts plastiques de l’Université Azâd. Elle s’installa alors à Téhéran, découvrant enfin, à 22 ans, l’art moderne.

Acrylique sur toile 2008

Parallèlement à la préparation d’une licence puis d’un master, elle organisa chaque année une exposition individuelle de ses œuvres. En quatre ou cinq ans, elle produisit une centaine de toiles et deux cents dessins, qu’elle exposa dans les grandes galeries de Téhéran : Galerie Day, Galerie Golestân, Maison des Artistes. Elle donna aussi des cours aux étudiants préparant les concours d’art et enseigna à l’Université Azâd, puis à l’Université de culture et d’art « Elmi Karbordi » où elle animait également des ateliers pratiques.

Une œuvre entre figuratif et abstrait

Que ce soit pour la peinture, la photographie ou la vidéo, Parya n’inscrit ses œuvres dans aucun courant particulier. Elle représente aussi bien du figuratif que du non figuratif. Elle mit en scène d’abord des femmes, réalisant principalement des autoportraits, puis des toiles abstraites. Aujourd’hui, elle fait de fréquents allers-retours entre figuratif et abstrait, réalisant aussi des autoportraits vidéo.

L’œuvre qu’elle crée en France lui permet une grande diversité des sujets. Parya aime jouer avec le paradoxe, l’ambigüité et la violence. Sa série de peintures intitulée Qui sont-elles ?, réalisée en France, en est l’illustration. Elle y met en scène une femme aux vêtements couverts de sang, une autre pendue à une corde. La première s’est-elle blessée elle-même, l’autre se pend-elle, ou est-ce qu’on la pend ? Elle attend peut-être qu’on la sauve. Est-ce qu’elle le sera ? Ou bien, elle attend la mort, son homme est-il en sécurité, va-t-on le tuer ? Nul ne le sait. Il s’agit d’une personnalité fragile. C’est une femme soumise au contrôle des hommes, comme un peu partout dans le monde. Dans une autre toile de cette série, elle représente deux femmes avec une auréole, à la fois ange et diable. Pour elle, chaque être humain est paradoxal, ni totalement mauvais, ni totalement pur. Comme elle le fait remarquer, la religion chrétienne, aussi bien que l’islam, évoque ce concept de la coexistence du bien et du mal.

Acrylique sur toile 2007

Dans ses premières œuvres figuratives, elle réalisait des autoportraits, sans doute parce qu’il lui était plus facile d’illustrer ses propres sentiments. Les yeux vides de ses personnages figurent la métamorphose des femmes qui sont mentalement perdues, ne sachant où elles se trouvent. Une ambiance crépusculaire, un linceul, un drapeau blanc signifient : Laissez-moi tranquille, je suis en paix, je n’ai pas envie de me battre. Dans une autre toile, les plaques des soldats iraniens sont aussi sans doute symbole de la mort. Des bougies allumées sous la pluie constituent un paradoxe ; restant allumées dans un milieu qui leur est hostile, elles représentent l’espoir.

Dans ses œuvres, le passage du figuratif à l’abstrait s’est fait par hasard. Alors qu’elle avait décidé de peindre une nouvelle série qu’elle voulait figurative, elle traça des lignes brillantes, dorées, monocolores, brunes, noires, violettes ou encore grises. Elle a ressenti à ce moment-là que les trous laissés entre les lignes formaient un chemin pour aller vers d’autres mondes, pour aller vers ses parents, tous deux décédés lorsqu’elle était encore jeune, pour passer du monde matériel au monde de l’esprit. Cette série, peinte dans l’obscurité, a été réalisée en Iran en 2005. Elle attendait la nuit et peignait sans allumer la lumière.

Vidéo et photographie

Dans sa première vidéo, elle se fait ensevelir sous dix centimètres de terre par deux amis artistes. Elle convient que ce fut une expérience très particulière car soumise au froid et à l’inconfort de la terre et à la difficulté physique d’en sortir. Elle explique cette épreuve par le désir inconscient de partager cette expérience avec ses parents. Cette vidéo, intitulée Métamorphose, était sans doute aussi une mort pour une renaissance, un passage entre ses deux vies, l’une en Iran l’autre en France.

Pour elle, la technique vidéo constitue, par l’utilisation du son, de la lumière et du mouvement, un complément plus contemporain à l’expression picturale. S’y mettant elle-même en scène, elle peut y entrer, marcher, vivre. [1]

Acrylique sur toile, 2008

La photographie permet également une autre interprétation de la réalité. Dans les portraits photographiques qu’elle produit actuellement, rien ne permet d’identifier la personnalité, l’origine et l’époque de ses personnages. En coupant leur visage et ne montrant que leur corps, elle les veut universels, le spectateur pouvant ainsi s’identifier à eux. Dans l’une de ses photographies, on peut observer un homme et une femme, ils ne semblent pas ensemble, chacun regardant de son côté. On ne sait pas s’ils se connaissent ou pas, s’ils s’aiment ou pas. Chacun est libre d’interpréter cette photographie comme il le souhaite.

Parya a bien l’intention de continuer à s’exprimer à travers tous ces médias. La peinture, notamment, est essentielle pour elle. Quand elle peint, elle éprouve une joie, un bien-être, un besoin de toucher les pinceaux, la toile, de voir les couleurs.

Notes

[1Ses vidéos, ainsi qu’une partie de ses autres œuvres, sont visibles sur le site Internet : www.parya-vatankhah.com


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