N° 55, juin 2010

Jardin persan


Fereshteh Molavi
Traduit du persan par

Sylvie M. Miller


Fereshteh Molavi est née en 1953 à Téhéran. Elle a publié un roman intitulé Khâneh-ye abr o bâd (La maison des nuages et du vent) ainsi que plusieurs œuvres dont "Bâgh-e irâni" (Le jardin persan), "Nârendj o Torandj" (L’orange et le citron), "Pari aftâbi va dâstânhâ-ye digar" (La fée soleil et autres histoires). Lorsqu’elle vivait en Iran, elle a également traduit plusieurs nouvelles et œuvres littéraires. Elle y a récemment publié Do pardeh-ye fasl (Le Départ des Saisons) ainsi qu’un recueil de nouvelles intitulé Sag-hâ va âdam-hâ (Des chiens et des hommes).

Jardin persan

Partout des mosaïques vertes
Partout des mosaïques bleues
Je ne sais ni quand
Ni où
Ni si peut-être je dormais
Ou si peut-être je rêvais
Lorsque ma mère s’est égarée

Tout est nuages, tout est pluies
Vents et orages
Ma mère, elle, aimait son ciel ensoleillé
Un ciel azur
Un bleu d’azur
Ensoleillé

Tout est montagnes, tout est forêts
Tout est rivières tout est mers
Pourtant le corps de ma mère est un désert
Il est poussière
De la poussière de désert

O, toi, la fille au front de lune
Ne sais-tu pas que le visage de ma mère
Baigne dans le clair de lune ?

Vous les couleurs
Pourpres, bleu marine,
Ocres, vertes, orange, violettes,
Jaunes et azur
Ecoutez-moi : la couleur de ma mère était bleue
Bleue
Bleue
Du même bleu que les turquoises

Partout géraniums odorants
Jasmins, sauges, mirabilis
Partout dahlias, belles de jour,
Pourtant la fleur de ma mère était
La rose rouge

Tout sent le musc et l’encens
L’aloès et l’ambre gris
La fleur d’oranger, le jasmin,
Alors que ma mère avait
Une odeur de rose rose

Partout des tracés célestes,
Motifs de fleurs, géométrie
Mais le dessin de ma mère
Se trouve au centre des tapis.

Que de pins, que de Tubas,
Que de hêtres, que d’érables,
De chênes, de pins parasols,
Combien de peupliers blancs
Pourtant l’arbre que ma mère aimait
Etait le cyprès
Pommes sauvages, amandes, glands
Nèfles et oranges amères
Pourtant le fruit qu’aimait ma mère
Est le fruit du grenadier

Combien de tigres et de zèbres,
Combien d’ours et de sangliers,
Quand la plaine de ma mère
Est celle où courent les gazelles

Simorgh, verdiers, huppes,
Perdrix du Caucase, palombes,
Quand l’oiseau que ma mère aimait
Etait le rossignol errant.

Que de cymbales, de haut bois,
De timbales, de tambours,
Que de cordes, cordes, cordes,
Quand l’instrument de ma mère
Etait le Setar à trois cordes

Tout est rubis, jaspes, topazes
Tout est agathes
Mais la pierre
De ma mère est la turquoise
La turquoise bleue turquoise

Dôme d’émail, nappe de lin blanc,
Quand le bol où ma mère buvait
Etait d’argile

Paroles d’or, conseils de sages
Fables, chants, conversations,
Flots de paroles
Mais le parler de ma mère
Etait de la poésie

Vertes les mosaïques
Bleues
Peut-être bien que je dormais
Peut-être que c’était en rêve
Que ma mère s’est égarée

 
Où est ma mère dont le ciel
Est bleu d’azur et dont le corps
Est poussière de désert ?

Où est ma mère dont le visage baigne dans le clair de lune
Et dont la couleur est turquoise
Et le parfum la rose rose ?

Où est ma mère dont le dessin se trouve au centre des tapis
Et dont l’arbre est le cyprès et dont la fleur est la rose rouge
Son fruit, celui des grenadiers ?

Où est ma mère pour qui la plaine est celle où courent les gazelles,
L’oiseau, le rossignol errant et l’instrument
Le Setar.

Où est ma mère dont la pierre est bleue turquoise, dont le bol est fait d’argile
Dont la parole est poésie ?

Partout des mosaïques vertes
Partout des mosaïques bleues


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