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Six artistes iraniens au "off" de la foire internationale d’art contemporain à Paris
Ces dernières années, l’art contemporain iranien s’invite régulièrement aux grands événements artistiques et culturels français. Le public parisien se souvient des deux expositions de photographies organisées il y a tout juste un an au Musée du Quai Branly et à la Monnaie de Paris, dans le cadre de la seconde Biennale des images du monde, connue sous le nom de Photoquai, sous la direction artistique d’Anâhitâ Ghabâiân Etehâdieh, fondatrice de la Galerie Silk Road de Téhéran. A cette occasion, le bord de Seine face au Musée du Quai Branly avait servi de cadre à une exposition de photographies de grand format, dont un grand nombre venait d’Iran.
Au printemps dernier, le centre Georges Pompidou et le Musée National d’Art Moderne de la ville de Paris avaient invité des artistes et intellectuels iraniens, peintres, plasticiens, éditeurs d’art, cinéastes, à l’occasion de la sortie d’un numéro spécial du magazine Art Press consacré à l’Iran.
Le secteur privé n’est pas en reste avec de nombreuses galeries d’art qui exposent régulièrement des artistes venus d’Iran pour l’occasion, ou installés à Paris depuis plusieurs années, l’exemple le plus récent étant celui du peintre Mamali Shafâhi.
Le Festival d’automne de Paris programmait le mois dernier la pièce « Where were you on January 8th », d’Amir Rezâ Koohestâni, auteur et metteur en scène iranien dont la dramaturgie, inspirée de la tradition persane du Tazieh, s’impose sur la scène internationale depuis 2000. Ce spectacle avait été créé en décembre dernier dans la toute nouvelle salle Iranshahr, scène théâtrale de la Maison des Artistes de Téhéran.
La Revue de Téhéran rend compte régulièrement de ces événements, notamment sous la plume de nos collaborateurs Jean-Pierre Brigaudiot et Alice Bombardier. [1]
Cet automne, c’est dans le cadre du Slick, l’une des foires d’art contemporain organisée en marge de la 37e édition de la FIAC, installée à Paris du 21 au 24 octobre derniers, que l’art contemporain iranien a été exposé. Les partenaires de cette manifestation (la Mairie de Paris, le Palais de Tokyo, la chaîne de Télévision franco-allemande Arte, le magazine Beaux-arts, la compagnie Air France-KLM, et quelques autres) ont eu la bonne idée d’organiser cette année une section Slick-Orient réunissant une dizaine de galeries venues d’Asie et du Moyen-Orient, proposant un éclairage sur la création artistique du monde asiatique-indien-arabe-oriental. C’est ainsi que quatorze nouveaux venus, parmi lesquels : le Liban, l’Inde, le Pakistan, l’Iran, l’Afghanistan, les Philippines, la Chine, participent pour la première fois à ce salon.
Les œuvres de six artistes iraniens : Shohreh Mehrân, Shahriâr Ahmadi, Mehrdâd Mohebali, Adel Younesi, Sâdegh Tirafkan, et Nastaran Safâie, tous installés à Téhéran et formés dans les universités ou académies des Beaux Arts des grandes villes d’Iran, y sont exposées par la Galerie Etemâd [2], bien connue des cercles francophones de Téhéran. Amir Hossein Etemâd, créateur de cette galerie de Téhéran en 2002 – après qu’il eût fermé celle de la rue de Lille à Paris – anime le stand. Dans sa démarche d’ouverture au marché international de l’art, Amir Hossein Etemâd vient d’ouvrir une nouvelle galerie à Dubaï et participera au salon d’Istanbul en novembre 2010.
Les œuvres exposées sont indéniablement inspirées par l’Iran d’aujourd’hui, mais leurs auteurs plongent leur palette ou leur objectif dans l’Iran traditionnel. Le thème de la femme y est omniprésent. Une sculpture (intitulée Jambe de mannequin, chaussure, extensions de cheveux, rubans) et une installation (une série d’escarpins en bronze), réalisées par la sculptrice Nastaran Safâei, elle-même présente sur l’emplacement réservé à la Galerie Etemâd, attirent d’abord le regard, qui s’échappe rapidement vers les superbes tableaux hyperréalistes suspendus aux cloisons.
Parmi ceux-ci, une étonnante toile de grand format, peinte à l’huile par Mehrdâd Mohebali, représente des personnages historiques (on croit y reconnaître Rezâ Shâh Pahlavi, Mohammad Mossadegh et Amir Kabir, le célèbre premier ministre de Nassereddin Shâh Qâdjar), indifférents au monde qui les entoure, représenté par un groupe d’hommes d’aujourd’hui, occupés à examiner avec la précision d’un entomologiste une femme effarouchée par leur regard incisif. Mehrdâd Mohebali, né en 1960 à Téhéran a participé, dès 1987, à de nombreuses expositions, soit en groupes, soit individuellement, dans différentes galeries de Téhéran ainsi qu’au Musée d’Art Contemporain de Téhéran puis, à partir de 2001, en Turquie, à Zagreb, au Japon.
L’une des belles huiles sur toile de Shohreh Mehrân, artiste née à Ardebil en 1957, côtoie la précédente. Elle fait partie de sa spectaculaire série Femmes. Sa méthode d’exécution consiste à photographier ses sujets, à en manipuler la couleur, le fond et la composition en les numérisant, puis à imprimer le résultat obtenu. Soigneusement peinte par l’artiste, l’œuvre qui en résulte approche de très près le réalisme de la photographie. Shohreh Mehrân expose régulièrement ses œuvres à Téhéran. Elles ont également été présentées à New-York et en Allemagne.
Une photographie de grand format, tirée de la série Human tapestry de Sâdegh Tirafkan, représente une foule d’écoliers téhéranais portant un masque de protection lors d’un exercice de sensibilisation à la pollution. Cet artiste, né en 1965 à Karbala en Irak de parents iraniens, illustre, dans ses photographies, ses collages et ses installations vidéo, les thèmes liés à la culture iranienne : histoire, identité, sociopolitique, religion… Ainsi, ses personnages évoluent dans les décors de Persépolis ou de tapis persans, devant des calligraphies géantes, des tentures d’Achoura, ou dégustent des grenades d’où coule un jus rouge vif évoquant le martyre glorifié lors des fêtes religieuses chiites.
La Galerie Etemâd propose également une toile peinte à l’acrylique, de Shahriâr Ahmadi, artiste né en 1979 au Kurdistan iranien, tirée de sa série Archaic techniques of chimia. Cet artiste, régulièrement exposé en Iran, aux Etats-Unis, à Londres et en Chine, s’est fait remarquer avec sa série inspirée des poèmes mystiques de Roumi.
Enfin, Adel Younesi, né en 1985 à Hamadân, (on se souvient de sa série de scènes de la vie quotidienne des rues de Téhéran), qui expose depuis 2003 dans de nombreuses galeries en Iran, est également présent avec l’une de ses nouvelles compositions aux couleurs acryliques si lumineuses.
A quelques mètres de là, la galerie parisienne Nikki Diana Marquard présente des artistes afghans dont Zoleykhâ Sherzâd. Cette styliste afghane, connue dans de nombreux pays – elle expose ses créations à Dubaï, Delhi, New-York, Londres et Paris – souhaite faire connaître la beauté des textiles afghans et, par là même, montrer que les Afghanes sont capables de créer autre chose que des burqas. Ses collections sont dessinées et produites à Kaboul, à partir d’étoffes traditionnelles. Zolaykhâ Sherzâd était également présente à la Biennale de Venise en 2009, dans le cadre de la section East-West Divan, qui présentait une dizaine d’artistes venus d’Iran, du Pakistan et d’Afghanistan.
[1] Jean-Pierre Brigaudiot : La photographie iranienne à l’honneur à Paris – n° 49, décembre 2009
Jean-Pierre Brigaudiot & Alice Bombardier : Un artiste iranien à Paris : Mamali Shafâhi – n° 55, juin 2010
Jean-Pierre Brigaudiot, L’art contemporain tel qu’en lui-même, une présence croissante sur la scène française – n° 57, août 2010
[2] Adresse de la Galerie Etemâd à Téhéran : N°4 rue Boukan, rue Sâdeghi-e-Ghomi, place Yâser, Avenue Bâhonar - Tél. : (+98 21) 22 72 44 42 – Site Internet :www.galleryetemad.com