N° 82, septembre 2012

Entretien avec Bahâ-od-Din Khorramshâhi, professeur de lettres et traducteur du Coran


Arwin Rajabi


Ecrivain, traducteur, journaliste, encyclopédiste, poète et professeur d’université, Bahâ-od-Din Khorramshâhi est une figure connue en Iran en tant que grand connaisseur de Hâfez et de sa poésie. Né en 1945 à Qazvin, il commença des études de médecine qu’il abandonna trois ans plus tard pour s’engager dans l’étude de la littérature persane sous la direction de professeurs tels que Zabihollâh Safâ, Mehdi Mohaghegh, Seyyed Ja’far Shahidi, Parviz Nâtel Khânlari, ’Abd-ol-Hamid Badi-oz-Zamâni Kordestâni, etc. En 1974, il obtient un diplôme en bibliothéconomie à l’université de Téhéran. Il est cependant reconnu en tant que spécialiste du Coran de par ses multiples ouvrages et articles, ainsi que sa célèbre traduction en persan du Coran.
L’entretien porte plus spécifiquement sur la traduction du Coran qu’a faite M. Khorramshâhi en 1995 et son opinion personnelle sur le Coran.

Arwin Rajabi : Quel est la place du Coran dans votre esprit, et plus concrètement, dans votre vie ?

Bahâ-od-Din Khorramshâhi
Photo : Mohsen Rezayi

Bahâ-od-Din Khorramshâhi : Le Coran détient une position unique entre les livres sacrés et est considéré comme une révélation complète de la Parole divine. Concernant la place du Coran dans mon esprit et ma vie, je ne pense pas être à la hauteur pour répondre à une telle question. Mais en tant que musulman amoureux du Coran, traducteur du Saint Coran, auteur du glossaire complet des versets coraniques en persan ainsi que de plus de douze ouvrages coraniques et de plus de quatre cents articles coraniques, j’avoue que l’effet d’un ouvrage spirituel d’une telle envergure n’est comparable à rien d’autre. Pas même avec le Divân de Hâfez dont j’ose dire être un grand connaisseur depuis longtemps, avec plus de douze livres et cent articles autour de sa poésie. Hâfez occupe pour moi la deuxième place après le Coran, mais avec une très grande distance. Le Coran est un livre d’une grande force vitale. Néanmoins, je ne suis pas un hâfiz du Coran [quelqu’un qui sait le Coran par cœur, ndt], mais je le lis en permanence et j’ai écrit des commentaires et des critiques sur des traductions du Coran en persan et en anglais, publiés dans un livre intitulé Etudes sur les traductions modernes du Saint Coran en persan et qui contient des critiques et des commentaires coraniques autour de trente neuf traductions ayant été faites depuis cent ans, de la traduction de Bassir-ol-Molk Sheybâni à l’époque de Nâssereddin Shâh jusqu’à la plus récente traduction de Gholâm-’Ali Haddâd ’Adel. Comme je viens de le dire, je ne suis pas un hâfiz du Coran mais puisque depuis plus de cinquante ans je lis tous les jours le Coran, mon esprit, ma conscience et ma vie éprouvent une familiarité incroyable avec ce Livre de par son esthétique artistique-littéraire et surtout son enseignement moral.

De plus, j’ai coopéré pendant un an avec monsieur Kâmrân Fâni, mon maître et collaborateur, pour la rédaction d’un dictionnaire thématique du Coran. Nous avons comparé plusieurs sources coraniques englobant commentaires et dictionnaires phrase par phrase, au regard des versets du Livre, et nous les avons classé alphabétiquement. Nous l’avons édité sous la direction d’experts arabes, et plus tard un Libanais l’a réécrit en inscrivant tous les versets coraniques, contrairement à nous qui avions simplement cité les versets. Nous avions choisi de citer uniquement la référence du verset parce que le Coran est universellement disponible et que nous ne voulions surtout pas faire de fautes d’orthographe, mais ils l’ont finalement publié de cette façon.

Dans un article, j’ai précisé et insisté que pour devenir un connaisseur de Hâfez, il faut d’abord être un connaisseur du Coran, puisque notre littérature classique est intimement liée aux concepts coraniques. Mon professeur Gholâm-Hossein Ebrâhimi Dinâni, philosophe contemporain, affirme que l’on peut considérer le Divân de Hâfez comme une interprétation du Coran. Personnellement, je pense que cette idée s’appliquerait plus au Masnavi de Mowlavi. Quoiqu’il en soit, il est certain que le Coran a tant influencé la culture islamique et iranienne qu’il est impossible de faire ressortir cette influence ailleurs que dans le cadre d’une quasi-encyclopédie.

J’ai aussi été le rédacteur en chef de l’Encyclopédie du Coran et de la Connaissance Coranique, contenant trois mille six cents articles, dont « L’Influence du Coran sur la littérature persane », « Le Coran et Sanâ’i », « Le Coran et Attâr », « Le Coran et Saadi », « Le Coran et Hâfez », « Le Coran et Mowlavi », et même "Le Coran dans la littérature contemporaine persane", etc.

Qor’ân shenâkht (La connaissance du Coran), l’un des ouvrages de Bahâ-od-Din Khorramshâhi

A. R. : En quoi votre traduction du Coran diffère-t-elle des précédentes ? Pourquoi en avoir réalisé une nouvelle ?

B. KH. : Quand j’avais quatorze ou quinze ans, j’étais attiré par le Coran et j’ai commencé peu à peu à comprendre les versets coraniques en m’appuyant sur les traductions. J’ai alors remarqué que ces traductions persanes n’étaient pas suffisamment pertinentes. Elles n’étaient pas agrammaticales mais juste linéaires, sauf deux traductions : celle de Mehdi Mohyi-ad-Din Elâhi Ghomshei, traduction persane très lisible, et celle de Abol-Ghâssem Pâyandeh. Ces deux traductions m’ont beaucoup aidé dans mon propre travail. Plus tard, vingt ans après, lorsque j’étudiais la littérature persane à l’Université de Téhéran et que j’eus lu plusieurs textes classiques en arabe, j’ai remarqué que dans la traduction d’Elâhi, il existait des mots et des phrases qui n’étaient pas dans le Coran. Sa traduction contenait aussi des résumés de commentaires, et pouvoir distinguer les commentaires de la traduction du texte authentique du Coran en persan est un travail véritablement ardu. Il y a quinze ans, j’ai écrit deux critiques sur la traduction d’Elâhi, mais sans critiquer son originalité. J’avais l’intention de corriger cette traduction afin de susciter des débats dans le monde de la culture. Par contre, la traduction de Pâyandeh, bien que ne contenant guère plus que le texte coranique même, contient de nombreuses erreurs. A l’époque, ’Allâmeh Seyyed Mohammad Farzân avait déjà critiqué cette traduction, mais la majorité de ses avis n’avaient pas été pris en compte du vivant de Pâyandeh.

C’est dans ce contexte que j’espérais présenter une traduction simple en persan standard du Coran, traduction qui n’existait pas à l’époque, il y a vingt ans. J’ai donc élaboré un plan : en haut à droite de la page, les versets coraniques en arabe, avec la graphie standard des Corans publiés à Médine qui sont distribués gratuitement dans le monde entier, et la traduction à côté, remplissant la moitié de la page, ainsi que quelques explications additionnelles. J’ai proposé ce plan à plusieurs savants islamiques sans avoir de réponse, jusqu’à ce que le professeur Maassoumi Hamedani me conseille de me lancer dans un travail en solo. Cette idée me fit peur, je ne savais pas vraiment si j’en serais capable. Pourtant, cela faisait déjà trente ans que j’avais un contact quotidien et approfondi avec le Coran que je le lisais tous les jours, surtout le matin, en comparant ses traductions. De plus, j’avais étudié les sciences coraniques sous l’égide de trois grands maîtres : mon père, Mirzâ Abol-Ghâssem Khorramshâhi, Abdol-Hamid Badi’o-Zamâni Kordestâni, et l’ayatollah Abolhassan Shahrâni.

A la même période, un autre traducteur répondit à mon souhait d’une traduction simple et courante du Coran en publiant une excellente traduction. Je parle de la traduction de Zeyn-ol-’Abedin Rahnamâ, qui contenait en marge des références à la littérature persane, mais qui a cessé d’être publié après la Révolution islamique. Il y eut aussi celle de mon collègue, ’Abdol-Mohammad Ayati, publié en 1988 aux éditions Soroush. Malgré ces deux belles traductions, je me suis quand même lancé dans mon projet sur les conseils du professeur Ma’ssoumi. Mon objectif était de faire une traduction en persan moderne, agrammaticale et courante, qui excluait toute accentuation et module. Le persan et l’arabe sont de deux origines différentes, le premier indo-européen, le deuxième sémite. Si nous appliquons tous les accents qui existent dans l’arabe classique dans notre traduction, la lisibilité de celle-ci diminue. Et je me suis demandé pourquoi le Coran qui est considéré comme l’ultime miracle littéraire rencontrait des problèmes d’agrammaticalité lorsqu’il était traduit en persan. La traduction que je présentais n’avait pas beaucoup de différences, sauf au niveau des accentuations, avec celle de monsieur Ayati. Il ne faut pas négliger la contribution des maîtres Ghomshei et Ayati dans la traduction persane du Coran, avec leur système d’inclusion et d’exclusion des accentuations. Dans ma traduction, j’ai préféré suivre une démarche différente. Elle contient aussi un glossaire à la fin, et plusieurs articles de recherches comme « L’irrévocabilité du Coran », « Le lexique persan dans le Coran », « La connaissance de l’histoire du Coran » y sont adjoints. C’est une traduction de neuf cent pages qui a été publiée en quatre éditions différentes.

Si je compare mon œuvre aux autres traductions qualifiées de bonnes, je dirais qu’il existe une ressemblance au niveau des phrases, des équivalents de la langue courante et moderne du persan, avec celles de Seyyed Jalâleddin Mojtabâ’i, de Mas’oud Ansâri, de Seyyed ’Ali Moussavi Garmâroudi, ainsi qu’avec la nouvelle traduction de Gholâm ’Ali Haddâd ’Adel. Pour moi, le langage standard est celui des encyclopédies, des manuels scolaires, des médias et des interventions universitaires. Bien évidemment je pourrais faire une traduction littéraire, mais elle serait très controversée.

On me demande toujours si ma traduction aurait encore à être modifiée, après les sept révisions et les soixante-dix critiques que j’y ai appliquées. Je dirais oui. Où ? Je ne sais pas ! Si je le savais je l’aurais certainement déjà corrigée. Mais l’expérience démontre que toute traduction contient des fautes. Ces jours-ci, je révise chaque jour deux pages de la belle traduction lisible de Haddâd ’Adel et j’y trouve à chaque fois des erreurs. Et c’est déjà la seconde correction.

Farhang-e Mozou’i-e Qor’ân-e Majid (Dictionnaire thématique du Coran), l’un des ouvrages de Bahâ-od-Din Khorramshâhi

A. R. : Quels sont les problèmes que vous avez rencontrés pendant votre travail ? Quand avez-vous ressenti le plus de difficulté ?

B. KH. : Respecter la langue standard et les normes persanes et ne pas utiliser un langage littéraire qui pourrait être incompréhensible pour le lecteur. Il était incroyablement difficile de tenter de reproduire l’ampleur et la dignité du Coran, son esthétique et sa beauté littéraire dans un langage standard. Lorsque j’arrivais à un point dont je devais supprimer les accentuations, je me demandais à tout moment « Où puis-je me permettre de les supprimer ? »

A. R. : Quand avez-vous commencé cette traduction ? Combien de temps cela vous a-t-il pris ?

B. KH. : J’ai commencé en 1991 et mon travail a duré près de quatre années, jusqu’à fin 1995 et début 1996, année où elle a été publiée.

A. R. : Quels étaient vos plans de travail ? Comment déterminiez-vous les bonnes interprétations du Coran ?

B. KH. : J’avais décidé d’établir ma traduction en m’aidant de toutes les traductions persanes disponibles, sunnites et chiites, depuis Ibn ’Abbâs à ’Allâmeh Tabâtabâ’i, de Taghavi à Mohammad Javâd Moghnieh, etc. J’ai aussi suivi une méthodologie stricte et je me suis également référé à des centaines d’ouvrages coraniques en arabe, en persan et en anglais. Pour ce qui est des commentaires coraniques servant à m’aider, j’en ai choisi une quinzaine.

C’est vrai que j’ai fait une traduction individuelle (je suis un individu), mais j’ai eu une pensée collective, c’est-à-dire que j’ai pensé à ce que la société attendait de mon travail. Je ne voulais ni un travail superficiel, ni une traduction soutenue et compliquée.

A. R. : Vous est-il arrivé de vouloir modifier l’interprétation d’un verset ou d’une sourate du Coran ?

B. KH. : J’ai modifié sept fois ma traduction, quatre fois avec deux grandes figures contemporaines d’études coraniques, Mortezâ Kariminiâ et Mas’oud Ansâri, qui a lui-même une très bonne traduction du Coran. Après ces sept éditions, si je reste vivant et que d’autres critiques apparaissent, et si je me rends compte moi-même d’autres fautes et objections, je les appliquerai bien évidemment. Il y a eu globalement trois cents à quatre cents corrections depuis la première édition de cette traduction en 95, et elle a été rééditée 22 fois.

Si aujourd’hui, je voulais retoucher ma traduction… Après avoir étudié la question générale de la traduction, je suis arrivé à la question (je devrais l’annoncer comme un slogan) qu’il faut traduire un livre comme s’il s’agissait d’un recueil, c’est-à-dire que la traduction conserve les marques de la traduction et qu’elle soit lue aisément. Il ne faut pas oublier que le Coran est un miracle littéraire, esthétique et artistique et qu’aucune traduction n’arriverait à dégager toute sa splendeur céleste et linguistique. Un critique m’a reproché d’avoir abaissé la splendeur du Coran par ma traduction, mais j’ai répliqué que tous les traducteurs ont fait la même chose, et c’est la traduction qui est la cause de cela. Est-ce qu’il existe une traduction qui révèle toute la somptuosité du Coran ? Il n’en existe dans aucune langue. Une œuvre divine qui est interprétée par la langue de l’homme est dégradée de toute façon, et cela ne provient pas de l’incapacité et de l’inaptitude du traducteur.

A. R. : Votre traduction du Coran peut-elle être lue par des gens de tous âges ?

B. KH. : Il faudrait le demander au lecteur. Si le lecteur est attiré par le Coran, se familiarise avec lui, donne de l’importance à sa traduction et à la compréhension des versets coraniques, il pourrait évidemment l’utiliser. Mais celui qui ne s’intéresse pas particulièrement au Coran, ne saisira ni ma traduction, ni aucune autre traduction du Coran, sauf celle de Ghomshei qui est grandement interprétative et facile à saisir. Mais je suis critique face à cette traduction à cause des explications additionnelles qui se confondent fréquemment avec le texte original du Coran. C’est une traduction à lire avec prudence.

A. R. : Il existe différents points de vue sur la traductibilité du Coran. Aujourd’hui encore, des spécialistes du Coran ne sont pas d’accord sur la pertinence du fait même de traduire ce Livre, et croient que cela ne se ferait qu’à son détriment et à celui des principes de la religion. Qu’en pensez-vous ?

B. KH. : Le problème de la traductibilité du Coran existe depuis longtemps. Depuis que Salmân Fârsi a traduit la sourate al-Fatiha (malgré les on-dit, il ne semble pas qu’il ait traduit l’intégralité du Coran), c’est-à-dire à l’époque où le prophète Mohammad était en vie, la traduction du Coran a commencé. Mais il existait toujours des savants religieux qui étaient contre la traduction du Coran. Abou Hanifa, d’origine iranienne, était partisan de la traduction et croyait même que l’on pouvait prononcer la traduction persane des versets coraniques pendant la prière, surtout pour ceux qui cherchent à se familiariser avec le Coran. Si l’on aborde ce sujet en termes de linguistique, il faudrait rappeler qu’il existe énormément de textes esthétiques et artistiques intraduisibles, et le problème ne se pose pas uniquement pour les textes divins et les Révélations de la parole de Dieu comme le Coran. Par exemple, un grand nombre des poésies de Mowlânâ, de Saadi ou de Hâfez sont intraduisibles. C’est-à-dire que la traduction est un texte informatif, sans plus, et sans cohésion de forme et de contenu. Si le traducteur se contente de transférer le contenu et que l’harmonie expressive se transforme en simple information, nous sommes face à une dégradation. Ceci est une des raisons du rabaissement de la traduction coranique. Un grand nombre de traducteurs a eu pour but de projeter le sens du Coran. Alors personnellement, je considère qu’il est essentiel, pour la compréhension du Coran, de le traduire. Tout le monde ne connait pas l’arabe, donc la traduction est nécessaire, qu’elle garde son état esthétique ou qu’elle se transforme en texte informatif.

A. R. : La traduction coranique sous forme de poèmes serait-elle possible ?

B. KH. : Récemment le Ministère de la culture a interdit cela. J’ai dit à un des traducteurs en vers du Coran : "Si le Coran était préférable en poésie, Dieu pouvait le révéler en vers, comme Il l’a fait en prose." Dieu pouvait révéler le Coran en vers, mais Il ne l’a pas fait. Et dans le cas des sourates mecquoises, nous pouvons les traduire en un langage proche de la poésie, mais pas en vers. A plusieurs reprises, le Coran nie lui-même être une poésie ou Mohammad un poète, et le poète est blâmé, à part les poètes croyants et vertueux. Nous avons rencontré des problèmes avec la traduction en prose du Coran depuis mille ans, et nous nous y trouvons toujours inhabiles, alors comment pourrait-on considérer la traduction poétique comme pertinente ? Si cela était préférable, le Masnavi devrait être un chef-d’œuvre en fonction de l’esthétique littéraire. Pourtant, la crédibilité et la valeur de Masnavi demeure dans son contenu.

Je suis tout à fait d’accord avec le Ministère de la culture. Cependant, il y a eu des traductions pures réussites, comme celle de Abol-Ghâssem Emâmi, du professeur Hâj-Aali ou celle du professeur Fârough Safipour. Ces trois figures iraniennes ont essayé de traduire de façon entièrement pure le Coran, par exemple de traduire Beyt-ol-Haram ou Masjed-ol-Haram en persan, mais ces mots ne sont pas traduisibles, on ne peut pas non plus traduire le glossaire. Par exemple, on ne traduit jamais Ibrâhim parce que c’est un nom ; on ne dit pas « l’homme qui a peur de Dieu ». Si les tenants de la traduction pure ne manipulaient pas les expressions, le glossaire, le nom des places etc. (le zakât et le khoms sont des concepts religieux), et s’efforçaient de devenir de vrais connaisseurs du Coran, ils pourraient faire des traductions réussies. La traduction poétique est possible, toutefois, elle causerait des problèmes d’imprécision, puisqu’il est beaucoup plus important de respecter les rimes plutôt que la subtilité du sens. C’est pour cette raison, dans le cas d’une traduction poétique, que je pense personnellement qu’une traduction en vers libres est préférable, puisque les rimes et les sonorités ne sont pas soumises à des règles contraignantes.

A. R. : Pourrait-on produire une traduction parfaite et sans faute du Coran sans qu’il y ait aucun changement de sens ? Comment peut-on assurer cela au lecteur ?

B. KH. : A mon avis, une traduction parfaite et sans faute du Coran est impossible. C’est-à-dire que même si nous admettons l’esthétique et l’aspect artistique du Coran, qui sont fortement dégradés dans la traduction, nous sommes incapables de transmettre l’intégralité de sa valeur sémantique. Nous devons parfois supprimer les accentuations, autorisées par la linguistique, mais une traduction parfaite du Coran et même des poésies de Khayyâm, de Hâfez et de Mowlavi est impossible.

A. R. : A votre avis, à quel âge un jeune musulman devrait-il commencer à lire une traduction du Coran ?

B. Kh. : Dans les communautés islamiques, un jeune musulman commence à lire le Coran très tôt dans les écoles, les crèches et les écoles coraniques, mais il serait convenable d’accompagner la lecture du Coran par une traduction standard. Je suis tout à fait d’accord avec mon cher collègue, monsieur Haddâd ’Adel, qui veut proposer un projet de loi au parlement, de faire lire la traduction du Coran à chaque fois que le Coran est lu.

C’est à la famille de planifier la lecture du Coran pour les jeunes. Si un jeune musulman s’habitue à la lecture d’une œuvre d’une telle complexité, il lui sera beaucoup moins difficile de comprendre sa traduction. Il peut commencer avant l’âge de douze ans à lire le Coran, et en grandissant et en s’améliorant dans le lexique de sa langue maternelle, il lui est possible de comprendre ce que la traduction signifie. Il y a aussi les écoles coraniques, dont l’enseignement commence dès l’âge de dix ans et qu’on peut continuer de façon plus spécialisée à partir de quinze ans. Et l’importance de l’affaire se renforce à l’âge de vingt ans. La compréhension du Coran a une permanence et doit se faire continuellement, contrairement aux romans. Le Coran doit être lu et écouté fréquemment (comme la musique classique). Je me suis familiarisé pendant vingt ans avec le Coran et sa traduction, et j’ai écrit un livre ciblant les jeunes. Le livre est entièrement informatif avec un style de composition simple et lisible qui pourrait être traduit également en anglais. Dans cet ouvrage, j’ai cité cinquante œuvres coraniques qui sont nécessaires à la lecture du Coran.

A. R. : Comment voyez-vous la place actuelle du Coran dans la société ?

B. KH. : Dans les pays musulmans, une grande importance est donnée au Coran et aux études coraniques. C’est vrai que le Coran n’a pas été révélé en Iran, mais c’est pourtant en Iran qu’on l’a le plus "traité". Comme l’a dit le philosophe iranien Dinâni, "En Iran, le Coran est le mieux saisi et compris." Les grands savants et interprètes coraniques iraniens l’ont saisi au plus haut niveau de l’humanité, dans tous ses aspects. Je lis et je fais des études coraniques depuis cinquante ans et je dis à ma femme que la lecture du Coran, pour moi, est comme la lecture de Hâfez.

Aujourd’hui, dans les expositions et les endroits très visités sont publiés des Corans de cent kilos, des cd et logiciels coraniques peu utiles. En revanche, il existe des écoles coraniques et des écoles primaires où est enseigné le Coran.

Globalement, je pense que l’exaltation et le plaisir de la lecture du Coran sont satisfaisants, sauf qu’il n’existe aucune maison d’édition proprement coranique à travers les onze mille maisons d’éditions existant en Iran ! Il y a dix ans, j’ai écrit un article nommé « Le dilemme de la publication des œuvres coraniques », mais ce dilemme et le problème existent toujours. On me demande mon avis à propos de la pertinence de la publication de tel livre religieux, et lorsque j’annonce le résultat à l’auteur, il me demande où il pourrait le publier, mais je n’ai aucune réponse à lui donner.

Un endroit dédié au Coran appelé « Qor’ân-Sarâ-ye Tehrân » est également en construction à Téhéran dans le quartier de ’Abbâs-Abâd.

A.R. : Quels conseils donneriez-vous à ceux qui ont l’intention de commencer la lecture du Coran et de son interprétation ?

B.KH. : D’abord, de faire une lecture quotidienne de plus de deux pages du Coran et de sa traduction. Cela est nécessaire pour se familiariser avec le Coran, puisqu’il est impossible de le saisir avec une seule lecture. Ensuite, de se constituer une petite bibliothèque contenant une série d’œuvres coraniques. Par exemple, un dictionnaire du Coran, similaire au Ghâmous Nâmeh, deux ou trois glossaires coraniques, un commentaire simple du Coran (comme le Tafsir-e Nemouneh en un volume ou le Tafsir-e Nour de monsieur Gharâ’ati, qui pourrait servir aux jeunes et aux débutants) et plus tard, en arrivant à un niveau satisfaisant d’arabe, des interprétations plus détaillées. Enfin, suivre et écouter une belle récitation du Coran, et en même temps, poursuivre la lecture des versets récités.


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