N° 91, juin 2013

La guerre Iran-Irak et ses conséquences
dans la province d’Ilâm


Nassim Lotfnejâd


La guerre Iran-Irak, connue en Iran sous le nom de Guerre Imposée (en persan : jang-e tahmili) ou Défense sacrée (defa’-e moqaddas), et en Irak sous le nom de Qadessiyyah de Saddam, est une guerre qui a opposé l’Irak à l’Iran de septembre 1980 à août 1988. Elle débuta le 22 septembre 1980 à 14 h 15 heure locale, lorsque l’aviation irakienne bombarda l’aéroport international de Téhéran. Deux jours plus tard, l’armée irakienne entrait en Iran. Les objectifs affichés de la guerre étaient d’obtenir le déplacement de la frontière sur la rive orientale du Chatt-el-Arab pour assurer une meilleure sécurité à la région de Bassora, d’obtenir la souveraineté sur trois îles du détroit d’Ormuz appartenant à l’Iran, et de provoquer un soulèvement dans la province iranienne du Khouzestân, peuplée notamment d’Arabes. Outre les revendications territoriales, des différends politiques furent également à l’origine du déclenchement de la guerre de l’Irak contre l’Iran. Selon une perspective régionale, les pays arabes producteurs de pétrole voyaient alors d’un mauvais œil la Révolution islamique iranienne de 1979 qu’ils considéraient comme un facteur de déstabilisation économique, politique et sociale. Cette guerre fut donc pour les Iraniens menée sur la base de valeurs patriotiques, mais également religieuses et sacrées, en ce qu’elle visait à la fois à préserver un territoire et une révolution.

Combattants iraniens sur le front de l’Ouest (Ilâm)

La guerre imposée et la province d’Ilâm

Au cours de la guerre contre l’Irak, de par sa position géographique et ses 420 km de frontière commune avec l’Irak, la province d’Ilâm a payé un très lourd tribut. Les intenses bombardements irakiens qu’elle a subis n’ont laissé aucune infrastructure économique à la province. Ils ont également conduit à l’occupation d’une partie de la province, induisant de nombreux déplacements de population. Dès la libération des territoires occupés, bon nombre de ces réfugiés regagnèrent leur contrée d’origine pour ne trouver que désolations et ruines. Pendant près de vingt-deux mois, la province d’Ilâm fut ainsi transformée en un gigantesque champ de bataille. La plupart des villes et villages iraniens qui se trouvaient près de la frontière avec l’Irak furent totalement détruits. Bien que la guerre ait officiellement commencé le 22 septembre 1980, selon les archives, douze jours avant, les Irakiens avaient déjà occupé les hauteurs d’Ilâm. Des tirs de roquettes et des attaques à l’artillerie lourde avaient visé la population civile, faisant de très nombreux morts et blessés. Selon le colonel Ghâssemi, la guerre a commencé à Ilâm et s’est terminée à Ilâm. Les habitants d’Ilâm furent attaqués sur trois axes : Mehrân, Dehlorân et Meymeh. La ville de Mehrân reste pour le peuple iranien un symbole de résistance, car elle fut occupée et libérée quatre fois. Hommes et femmes, adolescents et enfants, tous les habitants de cette ville furent les acteurs d’une épopée pour défendre leur ville.

Les armes chimiques

L’Irak a eu maintes fois recours à des armes chimiques pour compenser la supériorité de l’armée iranienne en nombre. Dès 1983, les gaz sarin, tabun, moutarde et cyclosarin sont utilisés par l’Irak contre l’armée iranienne mais également contre les populations civiles et plus particulièrement les Kurdes, sans réaction notable de la communauté internationale malgré la ratification par l’Irak du protocole de Genève de 1925 interdisant l’utilisation des armes chimiques. Le groupe d’Australie estime à 10 000 le nombre des victimes iraniennes de ces gaz. Le 28 juin 1981, l’Irak utilise massivement des armes chimiques sur une population urbaine, une première depuis la Seconde Guerre mondiale. Le 17 mars 1988, l’armée irakienne utilise des armes chimiques et biologiques sur la ville kurde d’Halabja causant la mort de près de 5000 habitants. La poursuite de l’utilisation d’armes chimiques dans la guerre est énergiquement condamnée par la Communauté européenne de l’époque. Le 25 mai 1988, le régime irakien s’en défend en accusant l’armée iranienne. Par la suite, la ville d’Oshnaviyeh fut bombardée chimiquement par un avion irakien et au moins un millier de personnes furent blessées. L’Irak utilisa aussi des armes chimiques sur la ville de Meymeh (Ilâm), faisant de nombreux morts. Une autre attaque majeure eut lieu le 13 décembre 1980, exposant la population civile d’Ilâm à des bombardements chimiques.

Vestiges de la guerre à Ilâm

Les martyrs

Beaucoup de soldats et combattants sont tombés en martyrs lors de cette guerre. L’ayatollah Khomeyni avait alors affirmé : "On dit parfois que la figure du héros est le moteur de l’histoire. En réalité, le moteur et l’âme de l’histoire sont le martyr. Le sang de chaque martyr est comme le son d’une cloche qui éveillera mille êtres vivants." Le nombre des martyrs de la Révolution islamique iranienne comprend environ 213 255 personnes. Il n’existe pas de statistiques précises à ce sujet sur le nombre de martyrs de la province d’Ilâm, mais il est indubitablement considérable.

La population d’Ilâm après la guerre

De par le très lourd tribut humain et matériel payé, la population d’Ilâm a dû faire face a de nombreux défis après la guerre : tout d’abord celui de la reconstruction, mais aussi du chômage et d’une émigration massive. Ce n’est qu’assez récemment que le gouvernement a commencé à investir dans le développement des industries, notamment pétrochimiques, dans la région. La précarité et le chômage ont conduit de nombreux jeunes et moins jeunes à quitter la province pour s’installer à Téhéran ou d’autres grandes villes. Bien que la guerre soit terminée depuis 25 ans, une grande partie de la province n’a pas encore été reconstruite. La guerre a détruit plus de 36 000 maisons et pendant 96 mois, 86 régions ont été intensément bombardées. La construction d’un petit aéroport aux vols irréguliers n’a pas permis de désenclaver l’une des provinces les moins développées d’Iran.

Le Musée de la Résistance, ville d’Ilâm

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