N° 92, juillet 2013

Héroïsme safavide versus technologie ottomane
Complément à l’histoire de la Bataille de Tchâldorân


Esfandiar Esfandi


« Nul ne songerait plus à chanter l’Histoire universelle, drame unique de l’humanité, trame unitaire soumise à une loi ou à une raison » écrivait Michel Serres en 1980 dans Le Passage du Nord-Ouest. Soit. Plus d’épopées donc, qui viendraient contracter l’Histoire en la personnalisant sous la bannière d’un peuple-monde. Et de fresques non plus ? Modernes et analytiques, à la Toynbee, à la Spengler ; ni même une modeste grammaire des civilisations distraitement signée par le robuste Braudel, humblement pédagogique et tellement utile ? Quand même. S’il est vrai qu’en matière d’histoire, le pathos a cédé sa place à la science, nous continuons d’écrire « des histoires du globe, du ciel, des choses… » et celle d’événements qui font pour notre mémoire nationale, voire personnelle, office de fragments d’épopée.

Le 23 août 1514. Pour l’histoire de l’Iran, cette date a valeur de tournant, de virage… non engagé. En ce jour qu’on devine nuageux, les archers Qizilbashs de Shâh Esmâïl 1er, roi Safavide, rencontrèrent l’armée du Sultan Selim 1er, monarque ottoman, dans une plaine de la province iranienne de Tchâldorân au nord de l’actuelle ville de Khoy. Entre 100 et 200 000 Ottomans (les avis divergent mais optons pour 200) et entre 40 et 80 000 Iraniens (optons pour 40). Un terrible affrontement s’ensuivit qui se solda par la défaite iranienne et surtout, par la mort de 27 654 Iraniens et 4000 Turcs. Le vent d’août sur la plaine de Tchâldorân, s’il souffla, ne tourna pas en dépression digne de ce nom, et s’il tourna, ce ne fut guère en faveur des Iraniens. Coup d’arrêt donc, à l’expansion du chiisme safavide qui aurait pu ce jour-là prendre le large et déborder bien au-delà de nos frontières, si le destin et l’armée de Selim l’avaient voulu. S’agissant des causes avérées du conflit, elles sont tout d’abord à chercher du côté des Soufis Turcomans Qizilbashs, autrement dit des populations chiites des régions anatoliennes qui rallièrent très tôt le clan safavide, et qui, pris au jeu, allèrent même jusqu’à considérer Shâh Esmâïl 1er comme leur morshed, leur maître spirituel. Leur ralliement avait renforcé l’autorité et le pouvoir du Shâh, ce qui était pour déplaire aux Ottomans, rapport à la porosité de leur frontière est, et des appétits supposés du monarque iranien. Autre cause du conflit : une histoire digne d’un manuel de texte pour classe élémentaire à laquelle nous souscrirons par fidélité à notre mémoire nationale.

Illustration issue d’un manuscrit persan représentant Shâh Ismâïl en train de combattre un commandant ottoman

On raconte en effet que Shâh Esmâïl avait gracieusement accordé l’asile diplomatique au cousin du Sultan Bayezid, Bayezid III le réfractaire (et Bayezid II) sur lequel le Sultan Selim aurait souhaité mettre au plus tôt le grappin. Le refus réitéré du roi safavide de livrer le fuyard aurait, nous dit-on, poussé Selim à la pire des extrémités : le massacre d’une part des populations chiites du territoire ottoman. On parle également, et c’est la cause dernière du déclenchement des hostilités, de l’assassinat de l’un des chefs militaires turcs par un envoyé patibulaire d’Esmâïl. Qui assassina qui ? Mon livre d’histoire reste coi. Quant au pourquoi de la défaite iranienne, il est dit qu’elle découle d’un choix logistique qui procède lui-même d’une posture éthique discutable compte tenu de l’urgence du contexte. On cite un dénommé Dourmich Shâmlou, Khân comme il se doit ; un Khalifeh Lou, de son prénom Nour Ali ; un Estajlou, également Khân, prénommé Mohammad. Les deux derniers, auraient paraît-il proposé de prendre à revers l’imposante armée ottomane, d’éviter la violence du choc frontal, de la débâcle symétrique annoncée. Sages paroles de stratèges avisés. Les troupes ottomanes n’avaient cure du nombre d’archers auxquels ils devaient faire face. Encore moins de la fougue des cavaliers du roi d’Iran. L’artillerie de Selim dressait déjà l’infranchissable mur des canons, des mèches et des culasses lissées pour les boulets en partance. Il fallait au roi bien plus que les conseils et les mises en garde de Nour Ali et du raisonnable Estajlou pour contrer le conseiller Dourmich qui refusa la parade, et poussa le roi à refuser tout recours à la ruse et au subterfuge militaire. Le sens de l’honneur et des traditions implique, disaient-ils, le respect des méthodes ancestrales de combat (turco-mongoles en l’occurrence). Il était écrit que l’armée iranienne succomberait au jeu inégal de l’indien et du cowboy, de l’artilleur japonais et du fier samouraï des temps farouches des Shoguns. Une soldatesque de 12 000 âmes armées de canons calma définitivement les ardeurs de la cavalerie safavide. Fin de l’histoire en ce 23 août 1514. Une fois de plus la supériorité numérique et surtout technologique venait de l’emporter sur la bêt… la bravoure, la loyauté, l’héroïsme, etc. des gens de chez nous. Car c’est aujourd’hui un fait historiquement avéré. Esmâïl 1er était fier, assurément, au point de s’en aller braver avec sa troupe crâne, les bouches à feu ottomanes. Rendons un hommage sceptique donc, à leur vaillance. Et déplorons le manque d’enthousiasme des généraux safavides qui rechignèrent à user des macabres bienfaits de la technologie naissante. Il serait bon ici de saluer la mémoire d’Erigène le Bénédictin qui, il y a bien longtemps, célébrait les « arts mécaniques » et leurs vertus salvatrices. Il serait bon aussi de cligner de l’œil en direction d’Illich, de Mumford ou de Jacques Ellul en rappelant à quel point ces grands esprits ont eu raison de demander des comptes à la société technicienne, pour ses tors et ses abus, et la fuite en avant à laquelle elle convie universellement les hommes-citoyens de tous horizons. Il n’empêche. A Tchâldorân. Le 23 août 1514. Avec quelques canons…


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