N° 102, mai 2014

Visite à l’Imâmzâdeh Yahyâ de Varâmin


Mireille Ferreira


Varâmin, petite ville située à 40 kilomètres au sud de Téhéran, aux portes du désert, fut capitale de la dynastie mongole des Ilkhanides d’Iran après l’invasion de 1220 et la destruction de la Rey seldjoukide. Dans son Dictionnaire des Arts de l’Islam, Jean-Paul Roux suggère que Varâmin fut sans doute la première ville à retrouver une activité architecturale après les invasions mongoles. En témoignent, notamment, quelques mausolées construits sous le patronage des souverains ilkhanides, comme l’Imâmzâdeh Abdollâh situé en centre ville ou l’Imâmzâdeh Yahyâ que l’on peut voir aux portes du désert.

Mausolée des descendants de Hassan, deuxième Imâm de la tradition chiite, l’Imâmzâdeh Yahyâ fut construit en 707 de l’Hégire, soit au XIVe siècle de l’ère chrétienne.

L’Imâmzâdeh Yahyâ à la fin du XIXe siècle, gravure publiée dans l’ouvrage La Perse, la Chaldée et la Susiane de Jeanne Dieulafoy

Ce petit tombeau de pisé ocre, surmonté d’un dôme en briques crues, est entouré d’un modeste cimetière, lieu de sépulture des villageois voisins. Au moment où nous arrivons, une brève cérémonie funéraire, commémorant le septième jour après l’inhumation d’un défunt, est en cours, attestant de la pérénité du lieu. Un groupe nombreux formé d’hommes, de femmes et d’enfants dépose une couronne de fleurs sur la sépulture, simplement surmontée d’un monticule de terre.

L’architecture du mausolée est un exemple remarquable de l’art des bâtisseurs orientaux qui excellaient à passer d’un plan carré au sol pour arriver au cercle de la coupole en passant par un plan octogonal. Toutes les belles décorations de faïence à reflets métalliques qui ornent les parois sont des copies. Les originaux ont disparu, ainsi que le marbre du tombeau, le portail et le mihrâb qui se trouvent aujourd’hui dans les grands musées du monde, à l’Ermitage de St Petersbourg, au Metropolitan de New York, à l’Albert & Victoria Museum de Londres, au Musée du Louvre, probablement vendus au cours des deux siècles précédents à des étrangers de passage. De nos jours encore, les plus grandes maisons de vente aux enchères proposent aux collectionneurs du monde entier quelques belles céramiques en forme d’étoile qui ornaient autrefois les parois de ce mausolée.

Imâmzâdeh Yahyâ - Copie d’une plaque de céramique à reflets métalliques avec écriture thulth, fréquemment utilisée dans la décoration des mosquées, photos : Mireille Ferreira

Jane Dieulafoy, en Perse avec Marcel, son époux archéologue, à la fin du XIXe siècle, visite l’Imâmzâdeh Yahyâ le 18 juin 1881. Elle témoigne de ces pillages dans ses relations de voyage : « Ce matin nous avons visité l’imamzaddè Yaya… Il est lambrissé à l’intérieur de belles faïences à reflets métalliques. Quelques parties de ce revêtement ont été dérobées et vendues à Téhéran à des prix très élevés ; à la suite de ces vols, l’entrée du petit sanctuaire a été interdite aux chrétiens… Nous faisons exception à la loi commune, le chah ayant bien voulu, dans l’intérêt des études de Marcel, nous autoriser à franchir le seuil du sanctuaire. »

Au moment où notre petit groupe sort du mausolée, une petite fille, habitant sans doute près de là, vient prélever quelques fleurs de la couronne, déposée à notre arrivée dans le petit cimetière, pour en faire un bouquet qu’elle vient placer dans le mausolée, manifestant par ce geste tout simple, l’attachement de la population locale à cette vénérable sépulture.

Imâmzâdeh Yahyâ - Copie d’une plaque de céramique.

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