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Le Baloutchistan est une région qui s’étend de Karachi au Pakistan jusqu’au détroit d’Hormuz en Iran, en passant par l’Afghanistan. Avec une superficie d’environ 700 000 km2, elle abrite une ancienne civilisation. La première apparition des Baloutches dans les registres historiques que nous connaissons date de 982 - dans un ouvrage de géographie intitulé Les Limites du Monde - et de 985 - de Moghaddassi - où ils sont appelés Balous ou Balouth. Le Baloutchistan figure sous le nom de Makrân dans les épitaphes en cunéiforme de Darius Ier à Bisotoun ainsi qu’à Persépolis.
Zoroastriens d’hier et sunnites hanafites d’aujourd’hui, les Baloutches vivent aux côtés de populations chiites habitant des villes comme Bazmân et Dalgân (à proximité d’Iranshahr). La majorité d’entre eux se sont établis dans les régions frontalières d’Iran, d’Afghanistan et du Pakistan. Selon les épitaphes de Darius Ier, les Baloutches, considérés comme une ethnie non-persane habitant le Makrân, formaient la quatorzième satrapie achéménide. Proches des Scythes et des Mèdes, les Makhâ (habitants de Makrân) sont un peuple aryen mais non-persan. D’après Ernest Emil Herzfeld (1879-1948, iranologue allemand ashkénaze), le mot baloutche vient de l’expression médique braza-vashiya signifiant « un cri haut et fort ». Selon l’ancien dictionnaire Borhân-e Ghâte’, baloutche signifie « crête de coq », car les Baloutches portent un turban rouge en forme de crête de coq.
Les Baloutches sont donc une ethnie iranienne vivant entre l’Afghanistan, l’Iran et le Pakistan. Pratiquant majoritairement l’islam sunnite, ils parlent les langues iraniennes du nord-ouest. [1] Selon certaines statistiques, la population des Baloutches atteint près de 5 millions de personnes, parmi lesquelles 3 millions vivent au Pakistan et au Tadjikistan, 1 million en Iran, 410 000 à Oman, 200 000 aux Emirats Arabes Unis, et 200 000 en Afghanistan. Ils sont également présents en nombre plus faible dans des pays comme le Turkménistan.
Le Shâhnâmeh (Livre des Rois) de Ferdowsi évoque ce peuple comme étant originaire du nord de l’Iran. D’après les documents historiques, il serait plutôt originaire des bords de la mer d’Oman.
A partir de leur physionomie, de la couleur de leur peau, de leurs yeux et cheveux, les anthropologues les considèrent comme appartenant aux peuples indo-iraniens. Selon Wladimir Ivanow (1886-1970), les Baloutches sont d’origine iranienne, en se distinguant néanmoins des Iraniens orientaux et des Kurdes. George Curzon (1859-1925) considère, quant à lui, le baloutche comme une variante des langues iraniennes occidentales, proche du pahlavi et du parthe. Cette proximité linguistique peut également fournir des indications précieuses pour situer l’origine de ce peuple. Pour un grand nombre de chercheurs, les Baloutches contemporains ne sont autres que les anciens habitants du sud-ouest de la Caspienne. Ainsi, selon l’historien russe Dimitri Alexandrov, « les Koutchéens habitaient les deux bords du fleuve Sefidroud du Guilân, et les Baloutches habitaient dans les montagnes à leur proximité, entre les hauteurs de l’Elbourz occidental et les hauteurs australes des montagnes de Tâlesh. » L’historien azerbaïdjanais Madadov écrit quant à lui : « Au sud de leur pays, les Tâlesh avaient des voisins qu’on a par la suite appelés Baloutches » ; autrement dit, les Baloutches seraient issus des Caducées, c’est-à-dire des habitants des montagnes du Guilân dont les actuels Gâlesh et Tâlesh sont les descendants. Il existe d’ailleurs toujours ce proverbe parmi les Tâlesh selon lequel « Le Baloutche ne connaît pas de frontières », signe qu’ils ont eu à souffrir d’attaques régulières de la part des Baloutches. Selon un autre proverbe, « ne chante pas doucement, mais chante à la Baloutche » exprimant que ces derniers chantaient à voix haute. Mille ans après, il ne reste cependant aucun signe de leur présence dans les montagnes situées à l’ouest de Sefidroud, bien que ces proverbes témoignent de leur voisinage dans un passé lointain. Si le mot koutch (d’où dérive « Koutchéens ») signifie "de petite taille" dans le dialecte guilaki, à l’inverse, le mot baloutche indique une stature colossale, comme dans l’expression baloutcheh gau signifiant « une vache énorme ». Il est dès lors possible de dresser la conclusion suivante : les Baloutches qui auraient habité à l’époque dans la région du Guilân avaient une apparence physique imposante, alors que les Koutchéens étaient plutôt petits. Selon un autre proverbe guilaki, « seul le Baloutche sait ce qui se passe là-haut », évoquant la grande taille des Baloutches, tandis que selon un autre, « un Baloutche n’a pas besoin du bouclier », soulignant le courage du combattant baloutche sur le champ de bataille.
L’histoire des Baloutches commence au VIe siècle av. J.-C. avec Cyrus II, fondateur de l’empire achéménide. Ce dernier les aurait encouragés à s’installer dans les territoires septentrionaux de l’Iran. Ils auraient habité pendant mille ans ces régions montagneuses, ne descendant généralement que pour prendre la tête des armées achéménide et sassanide. A la fin de l’ère sassanide et à l’aube de l’avènement de l’islam, ils quittent le nord et le nord-ouest pour s’installer à Kermân au sud de l’Iran, et ce jusqu’à l’invasion mongole au XIIe siècle. Par la suite, les Baloutches immigrent de nouveau vers l’est pour choisir ce qui est devenu leur lieu de résidence actuel. Dans son Shâhnâmeh, Ferdowsi cite les Baloutches en tant que colonne vertébrale de l’armée iranienne contre les Turcs (Tourâni), avant de préciser : « Les situations de difficulté extrême face à un ennemi coriace ont souvent été l’occasion pour les gardes-frontaliers baloutches de démontrer, au prix de leur vie, leur profond patriotisme… » Les Baloutches étaient militairement omniprésents dans les armées iraniennes antiques et ce dès avant le règne de l’Achéménide Xerxès Ier dont la plupart des généraux étaient baloutches. Pourtant, ils étaient également parfois difficiles à gouverner, du fait de leur grande habileté au combat. Ainsi, le Livre des Rois de Ferdowsi décrit leur guerre contre Xerxès Ier, qu’ils ont servi avec dévouement, en ces termes :
Chemin faisant le roi reçut la nouvelle
Que son armée avait été détruite par les Baloutches
Pourquoi et comment les Koutchéens et les Baloutches ont-ils choisi de s’installer dans les montagnes de Kermân ? Dans les chroniques célèbres comme Fath al-Boldân (La Conquête des Pays) de Balâdhari ou Târikh (L’Histoire) de Tabari, deux livres historiques datant du Xe siècle, on ne trouve aucune trace d’eux dans la description des événements liés à Kermân. Il est donc possible d’en déduire qu’ils n’habitaient pas à l’époque à proximité de cette ville. Où étaient-ils donc à cette époque ? Certains ont avancé que, venant du nord-est de l’Iran, ils auraient établi leur lieu de résidence à la frontière sud du Khorâssân sous la menace des attaques des Huns, fuyant ensuite vers le sud. L’attaque des Mongols et de Tamerlan les aurait poussés à se retrancher vers l’est jusqu’à ce qu’ils gagnent l’actuel Baloutchistan. Cette hypothèse est cependant peu probable. D’autres ont avancé que le parcours de leur immigration fut du nord-ouest au sud-est. Pour Ja’fari, historien baloutche, ils seraient venus vers le sud-est soit en provenance d’Alep en Syrie, soit des montagnes d’Elbourz.
Les personnes de couleur noire emmenées en qualité d’esclaves du continent africain ont peuplé les régions australes et les territoires côtiers du Baloutchistan, expliquant le teint foncé de certains de ses habitants. Les tribus Balideh’i ou Saïdi, d’origine arabe et qui ont gouverné le Baloutchistan au cours de l’histoire, constituent un autre groupe ethnique considérable. Au cours du temps, ces familles et tribus ont entretenu des relations avec la population baloutche et adopté leur langue et culture, les mariages entre ces communautés restant cependant rares avant ces dernières décennies. Par conséquent, l’hypothèse selon laquelle les Baloutches descendraient de peuples sémitiques comme les Sumériens, défendue par les spécialistes tels qu’Hetu Ram, semble hautement improbable, car bien que des Arabes s’y soient installés en qualité de gouverneurs à la suite de la conquête de la Perse, les Baloutches doivent pour plusieurs raisons historiques être considérés ethniquement comme un peuple iranien.
Comme nous l’avons évoqué, certains mots et expressions de leur langue témoignent clairement qu’ils seraient issus des côtes sud de la Caspienne et auraient ensuite séjourné durant une période à proximité de Kermân. Ils auraient ensuite rejoint les bords de la mer d’Oman, puis, poursuivant leur parcours, auraient gagné la proximité de l’Indus puis du Panjab au Pakistan. Ce mouvement perpétuel ne se serait jamais arrêté, et les aurait conduits à immigrer dans des pays du golfe Persique comme les Emirats Arabes Unis et le sultanat d’Oman ainsi que sur le continent africain, jusqu’en Ouganda et en Tanzanie. Lorsque nous parlons des Baloutches, il ne faut donc pas oublier que la diaspora de ce peuple est aussi importante que la population des Baloutches d’Iran. Une analyse syllabique de la langue baloutche atteste d’ailleurs de leurs contacts avec des peuples divers. Il apparaît ainsi que les syllabes courtes et pulsées utilisées par les premiers habitants de cette région ont été peu à peu mêlées aux mots de langues plus anciennes et sophistiquées des peuples avoisinants, absorbant dans les périodes postérieures des éléments empruntés de l’arabe, de l’hindi et de l’anglais. Le baloutche est ainsi devenu une langue avec une grammaire et une apparence vocalique variant selon les régions.
Bien que les informations à ce sujet demeurent incomplètes, la langue baloutche paraît proche du moyen-persan. Certains lui ont trouvé des similarités avec la langue des épitaphes achéménides. La langue baloutche se divise en deux dialectes distincts : le baloutche boréal (frontalier), et le baloutche méridional (de Makrân). Une langue nommée Barahouï de provenance dravidienne (langue des aborigènes d’Inde avant la venue des Aryens) est également parlée dans le Baloutchistan. Si le baloutche est originairement une langue iranienne occidentale, au vu de la coexistence avec les Iraniens orientaux, elle a fini par adopter un certain nombre de leurs expressions dont govand (maison), gess (habit) et gôd (de courte taille).
Dans un passé relativement proche, la majorité de la population baloutche vivait dans des conditions économiques assez spartiates. Notamment le faible volume de leurs ressources en eau, qui a ainsi induit un problème d’insuffisance de ressources alimentaires et le développement d’activités plus élaborées. L’éloignement des principaux axes d’échanges économiques et l’absence de division du travail ont constitué autant d’obstacles empêchant la création de villes baloutches comme lieu d’échange et de diversification sociale. Ces difficultés ont été à l’origine d’un retard considérable de développement. En outre, dans un passé plus lointain, l’absence de grandes dynasties durables et indépendantes comme il en a existé dans le Sistân, à Bam ou à Kermân, ainsi que l’absence de denrées pouvant constituer la base d’un commerce a très tôt pénalisé ce développement.
Le fait que les Baloutches utilisaient des citadelles comme résidence permanente semble attester du sentiment d’insécurité dans lequel ils vivaient, tandis que l’absence d’ornements et de gravures sur leurs portes, qui souligne le faible développement de leur art, peut être notamment due à la pénurie d’outils élaborés. En outre, ces citadelles sont construites d’argile crue, et non de briques, et ont une architecture assez primitive. Les étroites cavités destinées à abriter les tireurs en leur sein soulignent qu’ils ne disposaient pas d’une artillerie lourde, rendant difficiles la défense et encore davantage l’extension de leur territoire. Les chefs locaux se sont donc, au cours de l’histoire, souvent employés à piller les richesses de leur propre peuple, par manque de moyens. En résumé, du fait de leur éloignement des centres de civilisation importants tels que Bam, Kermân ou le Sistân, incapables de créer des dynasties, des moyens favorisant les échanges et d’augmenter leur richesse, les chefs baloutches ont eu tendance à se replier sur des objectifs plus "accessibles" et peu fertiles.
Faisant du chiisme une religion d’Etat et interdisant les autres religions et doctrines, la politique des Safavides visait notamment à réduire la diversité des composants de la nation iranienne. Cette politique créa des difficultés avec de nombreux peuples iraniens comme les Kurdes, les Afghans, les Baloutches et les peuples de l’Asie Centrale, entraînant la séparation de ces derniers de l’Iran et l’annexion de leur territoire par des forces étrangères tirant profit de la faiblesse du pays. Cependant, malgré les dissensions chiites-sunnites et contrairement au Pakistan, jamais un mouvement politique ne se constitua contre le gouvernement central iranien, ce qui atteste des liens profonds existant entre les Baloutches et l’Iran. Leur résistance face au colon portugais en constitue un autre exemple. L’histoire véridique du général baloutche et de la jeune Portugaise en fait foi : à la suite de longues batailles côtières avec le général Baloutche Hamol et à l’issue de leur défaite, les Portugais proposent à ce dernier d’épouser une jeune fille portugaise. Il refuse en disant qu’il préfère les femmes aux yeux noirs de sa patrie. Cinq siècles plus tard, une chanson de langue baloutche évoque encore cette histoire. La transmission de cette anecdote au fil des générations est là pour rappeler les efforts et les douleurs des Baloutches pour préserver l’intégrité de la terre d’Iran. Les courageuses troupes du général Hamol ont d’ailleurs repris le littoral iranien envahi par les Portugais, dont les fières citadelles ne sont plus aujourd’hui que des ruines historiques.
Nous pouvons, pour conclure, citer les mots adressés à ce peuple par l’écrivain Mahmoud Dolatâbâdi dans son ouvrage Rencontre du Baloutche : « La plupart de ses hommes [du Baloutchistan] sont graves et calmes. Habillés dignement, ils aiment l’introspection et dédaignent le monde extérieur… J’aime leur tenue noble et honnête… J’aime ces figures. Longtemps, ces peaux bronzées ont absorbé l’essence du soleil, le goût de la terre, les attaques du vent, et la passion pour l’eau. Ces visages nous parlent d’au-delà de l’Histoire… Ces hommes sont les vainqueurs de la pauvreté et de l’impatience… Quel calme je trouve en leur compagnie… Voir ce peuple et seulement le voir donne à l’homme cette foi en l’être vivant, peut-être du fait de la sincérité des émotions échangées avec eux. »
Conte omniprésent à travers les cultures et les époques, Cendrillon puiserait ses racines dans l’antiquité égyptienne. Voici une version baloutche de cette histoire, quelque peu différente de celle de Charles Perrault.
Dans un pays lointain habitaient un homme et son épouse. Ils se vouent un amour profond. Un jour, l’homme regarda un clou planté au mur d’où pendaient ses svas [2] et dit à sa femme : "Si je meurs avant la naissance de notre enfant, tu pourras te remarier lorsque sa taille aura atteint la hauteur de ce clou."
Un autre jour, la femme regarda un clou où étaient accrochés ses dastounak [3] et dit à son mari : "Et toi, tu pourras te remarier lorsque notre enfant sera aussi grand que cela…"
Le temps passa, jusqu’à ce que la femme tombe enceinte. Ce jour-là, l’homme partit chercher une dinboug [4] et tarda à revenir. L’enfant vint au monde et sa mère mourut.
Le père appela sa fille Hanol.
Hanol grandit, vivant en paix avec son père. Un jour, une veuve nouvellement installée dans leur voisinage fit leur connaissance, essayant de se faire aimer du père et de la fillette. Privée de sa mère et n’ayant jamais connu l’affection maternelle, puis voyant avec quelle gentillesse la veuve traitaient ses deux filles et n’ayant vu que la bonté de cette femme, Hanol finit par l’aimer. La veuve insista sur le fait que si elle se mariait avec son père, Hanol serait sa fille favorite.
Cependant, lorsqu’elle en parla à son père, celui-ci se rappela les mots de sa femme et lui raconta l’histoire du clou et les dastounak. Hanol insista et la veuve, connaissant l’histoire, arracha le clou pour le replanter dans un endroit plus bas du mur. Peu après, la taille de Hanol atteignit la hauteur du clou. Son père fut heureux d’avoir accompli le vœu de son épouse et de pouvoir enfin se remarier en sachant que la veuve serait une mère tendre pour Hanol.
Après le mariage, la marâtre révéla ses véritables intentions. Elle se mit à tourmenter Hanol pour qui les pires jours de sa vie commençaient. Elle donnait à ses filles du pain fait avec de la farine tamisée, et à Hanol du pain cuit avec les restes de la farine.
Hanol s’affaiblissait de jour en jour et son père était trop occupé par ses besognes quotidiennes pour le remarquer.
Un jour, Hanol sortit pour se promener dans les environs. Un passant vêtu de blanc se tourna vers elle et lui dit : « Bonjour fillette… avec ta beauté… C’est dommage que tu sois aussi faible… ». Hanol lui raconta son histoire et la façon dont la traitait sa mère adoptive. Fort affecté, l’homme sortit un poisson de son sac, le tendit à Hanol et lui dit : « Une fontaine se trouve au fond de ce jardin. Jette-le dedans et dès que le poisson se met à vivre, prononce cette formule magique : "Poisson doré, poisson doré ! Je meurs de faim !" et tu recevras des mets extraordinaires.
Hanol arriva au pied de la fontaine et y jeta le poisson qui s’anima immédiatement et dès qu’elle eût prononcé l’incantation, une nourriture céleste apparût devant elle.
Se rendant à la fontaine chaque jour, Hanol reprit peu à peu des forces, tout en craignant que sa mère adoptive ne fomente un nouveau complot contre elle.
S’étonnant de l’épanouissement soudain de la jeune fille, la femme la fit accompagner par l’une de ses filles. Lorsqu’elles arrivèrent au pied de la fontaine, Hanol prononça la formule magique. La fille fut stupéfaite en voyant tous ces mets colorés dont elle ne savait même pas le nom. Elle les cacha derrière ses cheveux et dans ses gomtan [5], tout en en mangeant. L’ayant vue, Hanol posa la tête de la fille sur ses jambes et lui chanta des berceuses afin qu’elle s’endorme. Elle en profita ensuite pour remplacer les nourritures qu’elle avait cachées par du crottin.
A leur retour, la fille courut chez sa mère, mais lorsqu’elle fouilla dans ses gomtan et ses cheveux, elle ne trouva que du crottin. Furieuse, la mère décida d’envoyer cette fois-ci, sa deuxième fille. Accompagnée de Hanol, celle-ci se rendit à la fontaine et cacha à son tour de la nourriture sous ses cheveux et dans ses gomtan. Contrairement à sa sœur, elle ne s’endormit pas et montra à sa mère les nourritures. Enragée, la marâtre se rendit à la fontaine et prononça la formule magique à plusieurs reprises - en vain. Elle décida donc de tuer le poisson en lavant son linge sale dans l’eau de la fontaine, et le poisson mourut.
Le lendemain, lorsque Hanol se rendit à la fontaine, elle découvrit le poisson mort. Les mauvais jours recommencèrent pour elle.
Or, un jour, son père, avant de partir en voyage, demanda à chacune de ses filles de lui dire quel souvenir elles souhaiteraient qu’il leur rapporte. Hanol dit : « Je voudrais juste un petit veau. Mais si tu oublies… une guêpe te piquera au visage. »
Le père acheta des cadeaux pour les deux autres et oublia Hanol. Mais lorsqu’une guêpe le piqua, il se souvint des paroles de Hanol.
A son retour, Hanol fut heureuse de se voir offrir son petit veau, un bon compagnon de jeu. Elle lui apporta chaque jour de l’herbe et le veau grandit.
Mais la joie de Hanol était insupportable à la marâtre qui songea à une nouvelle ruse pour la priver de ce bonheur : elle prétendit être malade, et réussit à convaincre le médecin de lui donner la prescription suivante : elle ne pourrait guérir qu’en mangeant la viande du veau de Hanol.
Le père alla voir le médecin qui lui rapporta les paroles dictées par la marâtre.
En apprenant la nouvelle, Hanol s’attrista profondément, sans rien dire à son père qu’elle aimait beaucoup. Pleurant, elle alla voir son veau. Le veau se mit alors à parler et lui dit : « Ils vont m’immoler et préparer ma chair. Je te demande de ne pas en manger et d’ensevelir mes os dans cette écurie. Au bout d’une semaine, tu viendras exhumer mes os et tu sauras la vérité. »
On immola le veau et on prépara sa chair pour la marâtre. Les yeux chargés de larmes et le cœur gros, Hanol collecta les os pour les enterrer dans l’écurie, selon l’ordre du veau.
Sept jours plus tard, quand elle y retourna pour accomplir l’ordre de son veau bien-aimé, elle trouva bouche bée des bijoux, de beaux habits et des souliers en or à la place des os.
Elle les revêtit et, rayonnante de beauté, elle sortit dans la rue. Les gens, éblouis par sa beauté, ne voyaient qu’elle.
Le hasard voulut que le jeune prince de ce pays ait choisi ce jour-là pour sortir à cheval et passer son peuple en revue.
Alors qu’elle marchait et tout en étant elle-même émerveillée par la beauté de ses vêtements, Hanol remarqua la présence de sa mère adoptive qui se tenait parmi la foule. Elle hâta le pas pour s’éloigner et dans son empressement, elle perdit l’un de ses souliers en or sur la route. Elle revint dans l’écurie où elle enterra de nouveau ses vêtements.
Le prince qui passa par la ruelle où il était tombé, jeta un regard sur le soulier doré et ressentit une profonde émotion. Il déclara à son peuple qu’il se marierait avec celle dont le pied serait de la taille de ce soulier.
Les jeunes filles de toutes les familles vinrent l’essayer, ainsi que les deux filles de la marâtre qui tentèrent leur chance sans réussir. Ignorant cette histoire, Hanol était venue chercher sa mère adoptive et ses filles, lorsqu’un homme de la cour l’aperçut et en rendit compte au prince. Celui-ci exigea qu’elle essaie le soulier à son tour : le soulier était parfaitement à sa taille et semblait avoir été fabriqué pour ses pieds. Le prince ordonna donc qu’on la prépare pour le mariage.
La fureur de la marâtre atteint alors son apogée, et elle dit : « Je suis la mère de cette fille, et je ne laisserai personne d’autre que moi-même la coiffer et la préparer pour son mariage », tout en pensant à un nouveau complot contre elle…
La nuit et au moment de se coucher, Hanol ressentit une douleur dans son crâne. Le prince regarda ses cheveux et comprit que la marâtre y avait planté des aiguilles. Il ordonna donc qu’on la chasse du pays ainsi que ses deux filles pour qu’elle ne puisse plus jamais tourmenter Hanol.
Hanol et le prince commencèrent alors une nouvelle vie, heureuse.
Bibliographie :
Encyclopédie du monde musulman, Baloutchistan et les Baloutches ; ethnologie (2).
Hafferberg Edith, Beloudji turkmenskoï SSR (sovietskoï sotsialisticheskoï respubliki) (Les Baloutches de la RSS de Turkménie), Moscou 1969.
Kokaislova Pavla, "Ethnic Identity of the Baloch People" (L’identité ethnique du peuple baloutche), Central Asia and Caucasus, Journal of Social and Political Studies, Volume 13, 2012.
[1] Les langues iraniennes du nord-ouest forment l’un des trois groupes de langues iraniennes. Elles comprennent notamment le kurde, le zazaki, le baloutche, le talysh, le guilaki, etc.
[2] Souliers tressés avec des feuilles de dattiers et propres au Baloutchistan.
[3] Bracelet en baloutche.
[4] Sage femme baloutche.
[5] Nom des poches des vêtements des femmes baloutches.