N° 111, février 2015

Les grands traducteurs iraniens de langues française et anglaise au XXe siècle : Ahmad Arâm


Saïdeh Bogheiri


Ahmad Arâm est l’auteur et le traducteur de plus de 200 ouvrages français en persan, ce qui fait de lui un des importants traducteurs du français en Iran. Né en 1903 dans un vieux quartier de Téhéran situé au cœur du bazar, il est le fils de Hâdj Gholâm-Hossein Châlforoush, marchand croyant et révolutionnaire constitutionnaliste actif, attentif aux idées nouvelles en matière de pédagogie. Il décide donc d’envoyer Ahmad alternativement dans une école traditionnelle coranique, la maktabkhâneh, et une école moderne fondée sur le modèle des écoles européennes aux enseignants européens ou revenus d’Europe. Ainsi, Ahmad commence très tôt son apprentissage des langues : l’arabe à l’école coranique et le français, l’anglais et l’allemand à l’école moderne. C’est au collège Dar-ol-Fonoun qu’il apprend le français, obligatoire, puis l’anglais, par intérêt pour les langues étrangères.

Les événements de l’époque lui donnent bientôt l’occasion de mettre en pratique ce qu’il s’est consacré à apprendre : l’expulsion des Français d’Iran à la suite de la parution d’un article offensif envers Rezâ Shâh dans un quotidien français laisse son lycée sans professeur pour enseigner les manuels en français ou en anglais, tandis que le personnel iranien ne connaît pas assez ces deux langues pour pouvoir les traduire. Plusieurs professeurs du lycée iranien se portent alors volontaires pour assurer la traduction de ces ouvrages. Ahmad est l’un d’eux et traduit des manuels de mathématiques, de géométrie, d’astronomie, de physique et de chimie. Ce sont les premières traductions d’une carrière féconde qui fera de lui l’un des premiers traducteurs mais aussi auteur de manuels scolaires en Iran, puisqu’il s’intéressera désormais à l’élaboration de manuels scolaires indépendants, en persan et adaptés à un système iranien d’éducation moderne alors à peine formé.

Une fois son bac obtenu, il entame des études de médecine et de droit, qu’il abandonne à mi-chemin pour se consacrer à la pédagogie. Car à la même époque, le manque de manuels scolaires iraniens se fait sentir et le pousse, avec des amis, à se lancer dans la rédaction de manuels iraniens. Parallèlement, il se lance également dans sa carrière de traducteur « académique » de livres qu’il juge utiles. La qualité de son travail est due à sa grande maîtrise de sa langue maternelle et du français, dont il perçoit les moindres nuances sémantiques, et sa bonne connaissance des méthodes de traduction. Son style est fluide et clair, et il invente aussi au besoin des néologismes persans. En outre, on remarque dans ses traductions mais aussi dans ses travaux de correction de textes anciens une volonté d’entrer en contact avec l’œuvre qu’il traduit et de s’en inspirer dans son propre style. Ainsi, sa correction de l’ouvrage Kimiâ-ye Sa’âdat de Ghazzâli influence admirablement sa prose, exemplaire dans ce texte, mais aussi ses écrits de l’époque, teintés de mystique, comme le met en évidence le travail de Gholâm Hossein Youssefi. Aujourd’hui encore, les études réalisées sur ses traductions attestent de la fiabilité et de la précision de son travail.

La fondation de l’Ecole polytechnique Dâr-ol-Fonoun en Iran a été l’une des composantes fondamentales des premières tentatives de modernisation du pays. Cette institution, de par ses méthodes novatrices en matière d’éducation, a remarquablement contribué à l’introduction de nouvelles disciplines modernes en Iran. On peut en outre considérer la traduction - et des personnalités comme Arâm - comme un élément central de ce processus ayant facilité la diffusion de ces connaissances.

Outre son talent de traducteur, Arâm est également considéré comme un homme de lettres, l’un de ceux que le poète et journaliste contemporain Habib Yaghmâi nomme « les ponts austères reliant les lettres au savoir de leur temps ». Doté d’un esprit critique, Arâm se remettait sans cesse en question, tout en restant toujours fidèle à ses croyances mystiques. Il était également membre permanent de l’Académie de la Langue et des Lettres persanes et collaborateur de l’Encyclopédie dirigée par Gholâm-Hossein Mosâheb. Modeste, il a toujours travaillé dans la discrétion, sans chercher à valoriser son travail. C’est peut-être pour cette raison qu’il reste aujourd’hui encore méconnu, bien qu’il ait rédigé et traduit plus de 200 ouvrages qui font de lui un pionner des sciences nouvelles et de l’éducation moderne en Iran. Lors d’un discours, il revient en ces termes sur sa carrière : « Je referais le même chemin si Dieu m’accordait une nouvelle vie. Je me sens satisfait et me réjouis de ce que j’ai accompli jusqu’à maintenant. Chaque fois que mon travail n’aboutit pas, je comprends que je me suis fait des illusions quelque part, et je ne ressens pas de mécontentement. Car ma foi me garde d’être bouleversé… » Il a continué à travailler jusqu’à la fin de sa vie, et est décédé au cours d’un voyage aux Etats-Unis en avril 1998.

En 1982, l’Association des Professeurs de Langue et Littérature persanes a publié, sous la direction du professeur Mehdi Mohaghegh, un ouvrage en hommage à Ahmad Arâm intitulé Arâm-nâmeh, et composé d’articles lui étant dédiés réunis par la communauté littéraire iranienne. Gohar-e omr (L’essence de la vie) est un autre ouvrage qui revient sur la carrière d’Ahmad Arâm, et qui comprend notamment l’important entretien de Pirouz Sayyâr, également traducteur de français, avec Ahmad Arâm.

Ahmad Arâm

Exemples de ses traductions

Du français au persan :

-Siegfried, André, L’âme des peuples

-Ducasse, Pierre, Les Grandes philosophies

De l’anglais au persan :

-Durant, William James, The story of civilization

-Durant, William James, Our oriental Heritage

-Izutsu, Toshihiko, God and man in the Koran

-O’Leary, De Lacy Evans, How Greek science passed to the Arabs

-Kuhn, Thomas Samuel, The structure of scientific revolutions

-Nasr, Seyyed Hussein, Three Muslim Sages

-Nasr, Seyyed Hussein, Islamic science : an illustrated study

-Arberry, Arthur John, Holt, Peter Malcolm, Cambridge History of Islam

-Einstein, Albert, The Evolution of Physics

-Popper, Karl Raimund, Objective knowledge ; an evolutionary approach

-Popper, Karl Raimund, The logic of scientific discovery

-Heath, Thomas little, A Manual of Greek Mathematics

Sitographie :
- http://www.hawzah.

net/fa/magazine/magart/3282/4627/34385
- http://www.persian-language.org/poetsandauthors-%D8%A2fullcontent 24.html
- http://www.anjom.

ir/imgs/mafakher/farvardin/ahmadaram.docx
- http://www.ical.ir

/index.php ?option=com
- http://www.ettelaat.

com/new/index.asp ?fname=2012 1 1-0410-34-22.htm


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