N° 115, juin 2015

Nouvelles sacrées (XVIII)
L’opération Moharram


Khadidjeh Nâderi Beni


Zone stratégique de Sharhâni

Le front sud-ouest est, pendant l’automne 1982, le théâtre de deux grandes opérations couronnées de succès : l’opération Moslem Ebn Aghil qui aboutit à la libération de la région de Soumâr dans la province de Kermânshâh, et l’opération Moharram visant à la libération de plus de 1400 km2 de terres occupées iraniennes allant de la ville de Dehlorân [1] et ses villages limitrophes jusqu’aux hauteurs de Hamrin [2] situées sur la frontière irano-irakienne.

Durant la deuxième année de la guerre, une grande partie des régions sud-ouest, plus particulièrement le sud de la province d’Ilâm et le nord de la province du Khouzestân, sont occupées ou menacées par l’ennemi. Malgré la victoire iranienne obtenue à l’issue de l’opération Fath-ol-Mobin (22-28 mars 1982), la rivière de Doyradj et ses deux ponts, Tcham Sari et Tcham Hendi, sont restés sous la domination des forces irakiennes.

A cette époque, les commandants du Sepâh, en collaboration avec l’armée iranienne, planifient l’opération de Moharram dont voici les objectifs les plus importants : 1) prendre le contrôle des villes occupées de Moussiân et Dehlorân et des grandes routes de cette région dont la route Dehlorân-Einkhosh [3] ; 2) libérer les hauteurs de Hamrin au sud de Dehlorân ; 3) mettre fin à la longue domination de l’armée irakienne sur les ressources pétrolières de Moussiân. La zone opérationnelle s’étendant sur une superficie de 1500 km2 et comprenant quelques grands fleuves, le plus important étant Doyradj.

Doyradj prend sa source dans les montagnes du nord de Dehlorân et s’écoule vers le sud. En traversant la ville de Moussiân, Doyradj se déverse dans la rivière de Dedjleh en Irak. Il faut ajouter que dans la région de Moussiân, cette rivière est connue sous le nom de Nahr-e Anbar. Lors de son passage du nord au sud et avant de se jeter dans la rivière de Dedjleh, Doyradj engrange plusieurs autres courants d’eau dont Mourmouri, Nahr-e Meymeh et Darreh Shour.

Au cours de l’opération, la rivière de Doyradj est considérée comme l’axe principal des assauts iraniens. Les commandants du Sepâh définissent quatre axes afin de lancer leurs attaques contre les troupes irakiennes installées dans les terres occupées : 1) la côte est de la rivière de Meymeh pour accéder aux sommets frontaliers de Tayyeb ; 2) la côte ouest de la rivière de Doyradj et l’avancement vers le sud afin de prendre le contrôle des hauteurs de cette région ; 3) traverser la rivière de Doyradj et Nahr-e Anbar afin de s’emparer des hauteurs de Hamrin pour ensuite reprendre la zone stratégique de Sharhâni [4] ; 4) traverser la rivière de Doyradj entre les deux ponts Tcham Sari (au nord) et Tcham Hendi (au sud) afin d’accéder à la bande frontalière sur les hauteurs de cette région. Une base militaire du Sepâh est installée à Einkhosh pour appuyer les combattants iraniens.

Transfert des combattants de la troupe 8 Nadjaf Ashraf, quelques heures avant le début de l’opération Moharram, route Dehlorân-Moussiân, Khouzestân.

Photo : Mortezâ Akbari

L’opération Moharram commence le 1er novembre 1982 à 22h et comprend trois étapes :

La première phase:les combattants iraniens qui ont avancé le plus possible vers les bases irakiennes arrivent rapidement à percer les lignes défensives de l’ennemi étendues sur une superficie de 550 km2. Durant cette phase, les forces iraniennes sont pourtant surprises par une crue inattendue de la rivière de Doyradj suite à laquelle une partie de leurs équipements est noyée dans la rivière. Elles parviennent tout de même à s’emparer de Moussiân, Nahr-e Anbar, Tcham Sari et la route de Dehlorân.

La deuxième phase:le lendemain à 2h30 du matin, les forces iraniennes parviennent à briser les lignes défensives irakiennes l’une après l’autre et progressent vers les objectifs prévus. Lors de massives attaques défensives lancées contre les bases de l’ennemi, les combattants arrivent à libérer presque 150 km2 des terres occupées, dont la zone opérationnelle de Shahrâni et les hauteurs de Tayyeb.

La troisième phase commence le 6 novembre à 23h et s’achève le lendemain matin à 8h. Durant cette étape, les victoires sont considérables : les Iraniens prennent le contrôle des hauteurs de Hamrin, la route frontalière de Shahrâni-Zobeydât et la route Zobeydât-Tayyeb en Irak ; en outre, ils parviennent à s’emparer de plusieurs bassins pétroliers irakiens, dont ceux de Zobeydât qui s’étalent sur une superficie de 300 km2. Les combattants iraniens soumettent également plusieurs bases irakiennes dont la base d’Abou-Ghorayb et établissent leur domination sur un bon nombre de puits pétroliers de cette région d’Irak. Durant cette opération, douze unités d’infanterie irakienne sont complètement anéanties et plus de 260 chars, 230 véhicules, 10 avions bombardiers de l’armée irakienne.

Source :
- Doroudiân, Mohammad, Seyri dar djang-e Irân-Arâgh (Un Regard sur l’Histoire de la guerre Iran-Iraq), en 5 volumes, Centre des études et recherches de la Guerre, Téhéran, 1367 (1988).

Notes

[1Ville située au sud-ouest de la province d’Ilâm et au voisinage de la ville irakienne de Missân ; ces deux villes partagent environ 230 km de frontières communes.

[2Les monts de Hamrin s’étalent sur une vaste superficie allant des frontières irano-irakiennes au sud de Dehlorân jusqu’à la ville irakienne de Kirkuk, à 260 km au nord de Bagdad.

[3L’un des villages limitrophes de Moussiân.

[4L’un des villages limitrophes de Moussiân qui abritait à l’époque l’une des bases militaires irakiennes.


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