N° 117, août 2015

Ramadan à Téhéran :
de la tradition à la modernité


Reportage :

Babak Ershadi


De la tradition :

Le jeûne est un acte d’adoration à Dieu et une obligation pour le croyant. Il a une vaste signification qui ne se limite pas à un renoncement physique sous forme de l’abandon de la consommation de nourriture et de boisson pendant une partie déterminée de la journée, il est aussi un renoncement spirituel, faisant de la période du jeûne, notamment celle du mois de Ramadan, une période de contemplation et de questionnement pour le jeûneur.

Le mois de Ramadan est le mois de la bénédiction divine, de l’exaucement des prières et de la révélation du Coran au Prophète. Pendant ce mois, les fidèles organisent leur vie quotidienne selon un ordre différent des autres mois de l’année. Le jeûne, qui dure de l’aube au coucher de soleil, est l’élément organisateur des jours et des nuits de Ramadan. Même dans une grande métropole comme Téhéran, les activités s’adaptent, dans la mesure du possible, au rythme particulier des jours et nuits du mois du jeûne. Comme toujours, c’est d’abord dans la sphère privée qu’on s’organise, surtout autour du changement des habitudes alimentaires.

Ramadan autrefois à Téhéran

Puis, l’adaptation suit au niveau public, dans le quartier et la ville tout entière. Là encore, les habitudes collectives changent nettement par rapport au reste de l’année.

A Téhéran, comme ailleurs en Iran ou dans d’autres pays musulmans, le mois de Ramadan n’est « visible » pendant la journée que par une série de « suppressions » : on ne mange pas, on ne boit pas, on ne fume pas… Les activités ont l’air de se poursuivre comme d’habitude, avec peut-être quelques changements d’horaires pour certains secteurs. Mais c’est parce que le Ramadan est plutôt nocturne dans la capitale iranienne, comme dans d’autres villes et d’autres pays. Une heure ou une heure et demie avant le coucher de soleil et la rupture du jeûne, il y a davantage de circulation sur les axes principaux, les voitures y sont plus nombreuses - quelques embouteillages par-ci par-là - et il y a plus de monde dans le métro et dans les bus. Bref, on se hâte pour être à l’heure pour l’iftâr.

C’est avec ce repas, traditionnellement simple, que le Ramadan révèle chaque soir sa puissance et son dynamisme social. Ce repas simple de rupture du jeûne symbolise la fin d’une obligation accomplie. Il est donc un moment de joie qu’on préfère partager. L’iftâr peut être pris en famille, et il est plus joyeux quand les plus jeunes se réunissent chez les parents plus âgés. Mais l’iftâr peut être pris aussi en banquet, se déroulant dans une mosquée ou autre lieu public.

Selon la tradition, les cérémonies nocturnes du mois de Ramadan s’organisent autour des mosquées des quartiers. Plus nombreux que d’habitude, les habitants du quartier se rendent à la mosquée. Mais les réunions religieuses ne sont pas organisées uniquement dans les mosquées, car il y a aussi des rassemblements traditionnels dits hey’at ou djalasseh (qui veulent dire littéralement, assemblée) organisés par les particuliers. Ils peuvent se tenir dans un lieu de culte comme les hosseiniyeh et tekiyeh, ou tout simplement chez un habitant du quartier. Ces assemblées, qui durent jusqu’à tard dans la nuit, sont souvent consacrées à la lecture du Coran et sont animées par des discours religieux. Ces rassemblements religieux atteignent leur apogée pendant les cérémonies de la Nuit du Destin (Al-Qadr) qui serait, d’après la tradition chiite, la 19e, la 21e ou la 23e nuit de Ramadan.

Repas traditionnel de rupture du jeûne (iftâr)

Le mois de Ramadan et la vie moderne :

Dans une métropole comme Téhéran, le mois de Ramadan ne se combine pas seulement avec les traditions, mais aussi avec les différents aspects de la vie des citadins dans une ville moderne, dans la mesure où le Ramadan, avec tout son contenu religieux et spirituel, prend aussi une dimension « culturelle ».

Dans cette logique moderne, le mois de Ramadan est aussi un « événement culturel ». Les émissions télévisées « en direct » qui recueillent les avis et les témoignages de personnalités culturelles et de célébrités, ou les séries très populaires que les chaînes de télévision diffusent durant ce mois en sont des exemples. La ville est également sensible à la découverte de cette dimension culturelle et « événementielle » du mois de Ramadan. Les professionnels de l’art et de la culture y réagissent (galeries d’arts, musées, maisons d’édition, etc.) ainsi que les acteurs publics (ministère de la Culture, mairie, etc.). Cette année, la mairie de Téhéran a mis sur pied trente expositions culturelles pendant le mois de Ramadan et les Maisons de la Culture ont participé activement aux événements culturels spécialement conçus pour le Ramadan. Mais l’événement principal du mois de jeûne a été, comme les années précédentes, l’Exposition Internationale du Coran.

Cérémonie de la Nuit du Destin (Al-Qadr)

C’est la deuxième année que l’Exposition Internationale du Coran se tient au Musée-jardin de la Défense Sacrée. Organisée comme tous les ans par le ministère de la Culture et de l’Orientation islamiques, la 23e édition de cette exposition a offert aux familles différents services liés au Coran et aux sciences coraniques. La galerie du musée a exposé 114 œuvres (au nombre des sourates du Coran) de célèbres artistes plasticiens et calligraphes, dont des calligraphies coraniques de grands maîtres comme Gholâm-Hossein Mirkhâni, Mohammad Salahshour, Yadollâh Kâboli connus mondialement pour la finesse de leurs œuvres artistiques et leurs innovations dans le domaine de la calligraphie contemporaine de l’Iran.

Pour la huitième année consécutive, l’Exposition Internationale du Coran a consacré une section spéciale aux femmes. Ce secteur se focalise sur plusieurs thèmes dont le Coran et les conditions féminines, la famille et le mode vestimentaire de la femme musulmane. Les femmes qui visitent les différents stands de cette section ont eu la possibilité d’acheter des tchadors, des foulards… mais aussi de participer à des ateliers de couture animés par des professionnelles. Un stand de cette section, consacré aux adolescentes, renseignait les jeunes filles et leur famille sur les codes vestimentaires islamiques modernes, que ce soit dans l’espace privé ou public.

Cette année, la section des enfants de l’Exposition Internationale du Coran a été organisée par le Centre de l’Eduction intellectuelle des Enfants et des Adolescents qui a réussi à présenter des services variés, adaptés à l’âge de ses jeunes visiteurs très nombreux : des ateliers de dessin, de coloriage, de collage, des ateliers de jeux, de récits…toutes ces activités étant axées autour de l’éducation religieuse des enfants.

Comme l’année dernière, les visiteurs de l’Exposition Internationale du Coran ont pu profiter des programmes spéciaux organisés par le Musée-jardin de la Défense Sacrée qui était, pour la deuxième année consécutive, hôte de cette exposition. Ces programmes avaient pour but de familiariser les visiteurs avec la guerre de 1980-1988 que le régime de l’ancien dictateur irakien, Saddam Hussein, avait imposée à l’Iran.

La section universitaire de l’Exposition Internationale du Coran est devenue une collection bien riche de recherches académiques autour du Coran et des sciences coraniques. Cette année, ses trente stands ont accueilli un important public étudiant, surtout des jeunes chercheurs universitaires qui travaillent dans les divers domaines de recherche liés aux sciences islamiques. Le ministère des Sciences, des Recherches et des Technologies, le ministère de la Santé, les universités et les centres d’enseignements supérieurs ont activement participé à cette section de l’exposition.

221 éditeurs iraniens et 21 maisons d’édition étrangères (Liban, Syrie, Irak, Egypte, Turquie, etc.) ont participé cette année à l’Exposition Internationale du Coran qui a permis au public de découvrir près de 21 000 livres liés au Coran et aux sciences islamiques. L’Exposition Internationale du Coran s’est tenue tous les soirs de Ramadan de 19h00 à minuit et plus tard pour les cérémonies des Nuits du Destin.

Exposition Internationale du Coran, Téhéran, juillet 2015

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