N° 117, août 2015

Espace et loisirs :
du parc au foyer des habitants de Téhéran


Mehdi Salâmi, Shahnâz Salâmi


Séance de « sport matinal », régulièrement organisée par la Fédération des Sports pour Tous, parc Lâleh, Téhéran

Ces dernières années, les habitants de Téhéran ont eu l’opportunité de pratiquer des activités culturelles et sportives dans des espaces inhabituels. Pour regarder un film cinématographique, il n’est plus indispensable d’aller au cinéma, pour participer aux activités culturelles, à la Maison de la culture, ni pour faire du sport, au Club Sportif ; les parcs, les mosquées, les quartiers et même les foyers des habitants se sont transformés en espace de loisirs. Ce phénomène ne connaît aucune limite d’âge, de genre ou de moyens : l’ensemble des catégories de la population est concerné. Aujourd’hui, de nombreux Iraniens et Iraniennes pratiquent leur sport matinal dans les parcs des quartiers, participent aux diverses activités culturelles organisées dans les mosquées, et regardent des films cinématographiques chez eux. Ces activités leur permettent non seulement d’occuper leur temps libre, mais aussi de tisser des liens d’amitié avec les gens du quartier. De nombreuses institutions ont contribué à ce changement d’espace de loisirs, dont font partie la Mairie de Téhéran, le Ministère de la Culture et de l’Orientation Islamiques, et la Fédération des Sports pour Tous.

L’aménagement des parcs en tant qu’espace de loisirs

Au cours de ces dernières années, les agents municipaux ont mis en place une politique visant à installer de nombreux équipements sportifs dans les parcs de la capitale, gérés par la Mairie de Téhéran. L’installation de grands écrans de télévision y a également permis l’organisation de soirées de projection de films iraniens. En outre, des animateurs sportifs viennent régulièrement dans les parcs afin d’encourager les habitants des différents quartiers à profiter des équipements de plein air pour pratiquer des activités sportives. Les citoyens de Téhéran tendent donc désormais à davantage fréquenter les parcs grâce à plusieurs aires de promenade et de détente ludiques et sportives, qui sont gratuites et libres d’accès.

Organisation d’une compétition de corde par la Fédération des Sports pour Tous, parc Râzi, Téhéran, 2014

Les sorties randonnées, facteurs d’intégration sociale

En partenariat avec la mairie de Téhéran, la Fédération des Sports pour Tous organise aussi diverses compétitions sportives dans les parcs pour amateurs et professionnels : tir à la corde, cerf-volants, pêche, sorties randonnées, etc. Selon Mehdi Salâmi, directeur de l’Association de Randonnée pédestre de la Fédération des Sports pour Tous, l’organisation de randonnées est un bon moyen de susciter un certain bien-être physique et mental dans la société iranienne et favorise l’expression des compétences individuelles et le développement du processus d’intégration et de solidarité sociale. En s’appuyant sur les décrets du Conseil de Direction de la Fédération des Sports pour Tous, il ajoute que les sorties randonnées ont pour objectif de promouvoir la culture du sport au sein des familles. Cette Association s’est donné plusieurs missions : développer la randonnée pédestre en Iran en tant que pratique sportive, valoriser le patrimoine, le tourisme vert et les loisirs. Des journées « portes ouvertes » accueillent le public qui ne connaît pas encore la pratique de la randonnée. Ces sorties randonnées ont aussi pour but de lutter contre certains problèmes de société, et notamment contre la consommation de drogues en offrant des occupations saines aux jeunes. Plusieurs équipes de santé publique sont présentes sur le trajet de randonnée pour vérifier, avec leur accord, l’état de santé de certains participants choisis au hasard : battements du cœur, tension artérielle, diabète, etc.

Mehdi Salâmi, directeur de l’Association de Randonnée pédestre de la Fédération des Sports pour Tous

Ces randonnées dépassent ainsi leur mission de sport pour tous et se mettent au service de la santé publique.

Mehdi Salâmi souligne également le rôle primordial que peuvent jouer les médias dans le développement des sports pour Tous en réalisant des émissions, courts-métrages et publicités portant sur les bénéfices de ces sorties randonnées et susceptibles d’être diffusés dans les différentes stations du trajet afin d’améliorer la culture générale des gens à ce sujet. Tous les vendredis de 8 heures à 10 heures, la Télévision iranienne diffuse une émission consacrée à ces randonnées familiales, initiative qui a contribué au développement de ce projet et à l’augmentation de l’intérêt et du nombre de ses participants. Le nombre des participants à ces sorties randonnées varie de 500 à 200 000 personnes, selon les villes. L’ensemble des membres de la famille est appelé à y participer, même les personnes handicapées.

Dans ces projets de loisir et de découverte des richesses naturelles de l’Iran, la famille occupe une place importante. L’objectif est de réconcilier l’ensemble des membres de la famille avec le sport et de leur permettre de passer du rôle de participants épisodiques à celui de pratiquants réguliers de la randonnée.Ce projet reflète aussi la volonté de faire participer à ces sorties des personnes qui d’ordinaire n’auraient pas pu y avoir accès pour des raisons de santé, de handicap physique, mental ou social. Selon les fêtes du calendrier et afin d’attirer davantage de participants, certaines de ces randonnées largement médiatisées sont l’occasion d’organiser des animations : par exemple, un numéro est attribué à chaque famille et à la fin de ces sorties de sport matinal, un tirage au sort permet de distribuer de nombreux cadeaux aux participants.

Toujours selon Mehdi Salami, cela fait plus de sept ans que la Fédération des Sports pour Tous organise régulièrement ces sorties hebdomadaires dans tout le pays. La démocratisation du sport et le sport pour tous constituent deux slogans centraux de ces activités qui tentent d’enrichir le temps libre des Iraniens et de faciliter l’intégration des individus dans la société, les groupes d’amis et la famille. M. Salâmi a même la conviction que ce projet mériterait d’être enregistré en tant que projet international en raison de son originalité.

Compétitions de cerfs-volants organisées par la Fédération des Sports pour Tous, parc Pardisân, Téhéran, 2014

Le nouveau rôle des mosquées et des Hosseyniehs

Nous ne pouvons également pas faire abstraction du nouveau rôle des mosquées et des « Hosseyniehs [1] » dans l’occupation du temps libre de la population iranienne. Les activités culturelles qu’elles organisent sont à la fois gérées par la mairie de Téhéran et le ministère de la Culture et de l’Orientation Islamiques. Il apparaît que les personnes âgées sont de plus en plus nombreuses à être intéressées par leur offre d’activités culturelles, de voyages organisés, de cartes d’abonnement de piscine, de rassemblements de sport matinal et de cérémonies religieuses. Cette offre est souvent relayée par texto sur les portables des habitants du quartier, ce qui a beaucoup facilité leur mobilisation. Autre espace de loisir inattendu et d’offre culturelle, très visible dans les quartiers : les petites épiceries. Elles jouent un rôle important dans l’occupation du temps libre des habitants de Téhéran et constitue un lieu d’échange social et de rencontre.

Organisation de compétitions de pêche par la Fédération des Sports pour Tous au bord du lac du parc Râzi, Téhéran, 2014

Les Réseaux de Diffusion de Films au Foyer [2]

La vogue et l’augmentation de la vente d’albums musicaux et de films dans les épiceries datent de 2007. Ce type de vente autorisé par le Ministère de la Culture et de l’Orientation Islamiques représentait à la fois une manière de lutter contre le piratage et une politique de démocratisation de la culture. Il est connu sous le nom de Réseaux de Diffusion de Films au Foyer. A Téhéran, aller au cinéma demande beaucoup de temps en raison des embouteillages. Ce style de vente a permis aux habitants de cette ville d’accéder à de nouveaux films et à la culture sans se déplacer, et en outre d’acheter des films ayant l’aval des autorités et non piratés. Aujourd’hui, le public peut facilement avoir accès aux productions cinématographiques diffusées par ces réseaux. Si une famille de quatre personnes appartenant à la classe moyenne souhaite aller voir un film au cinéma, elle devra payer quatre fois plus cher pour l’achat des billets et des sandwichs. Avec 3 000 tomans, soit moins d’un euro, elle peut voir le même film à la maison et en famille. C’est pour cette même raison que la grande majorité des épiceries de Téhéran ont accueilli très favorablement cette politique et ont commencé à plaquer des publicités de films sur leurs vitrines.

Si cette politique a facilité l’accès à la culture, elle n’est néanmoins pas sans failles. Les habitants de Téhéran ont pris l’habitude de voir les films à l’intérieur de leur foyer, en famille. Ils ne sortent donc plus pour voir un film dans les salles. Une nouvelle habitude de consommation n’est-elle pas en train de s’installer ? Pourquoi devrait-on payer un billet de cinéma plus cher et essayer de trouver un temps libre commun en famille pour voir un film en salle alors que l’on peut faire cela à la maison et en étant plus à l’aise ? Aujourd’hui, la majorité de la population iranienne préfère acheter un DVD pour le voir à la maison plutôt que d’aller au cinéma. C’est exactement pour cette même raison que les salles de cinéma iraniennes ont perdu beaucoup de leurs spectateurs.

Randonnée en montagne organisée par la Fédération des Sports pour Tous, province de Lorestân, ville de Boroujerd, montagne de Shâhneshin

Cette année, les responsables cinématographiques ont reconnu une baisse importante de fréquentation. La mise en place d’une politique de gratuité des cinémas pendant deux jours afin d’attirer un public plus nombreux vise à enrayer ce phénomène. Cette initiative, très bien accueillie par les habitants, ne joue cependant que de façon ponctuelle.

En conclusion, les sorties dans le cadre de randonnées et les activités sportives jouent un rôle essentiel dans l’organisation du temps libre et le renforcement des liens sociaux entre les habitants de Téhéran. Cependant, il est indéniable que la vente sous forme de DVD de films dans les épiceries des quartiers encourage parallèlement une forme de repli sur soi : voir un film ensemble, rire et pleurer en même temps dans une salle obscure et pleine de cinéphiles est un phénomène qui disparaît une fois assis devant un écran de télévision. Le cinéma a une caractéristique qui est universelle et non propre au cinéma iranien : le théâtre et le cinéma deviennent vite une habitude. Si vous n’allez pas au cinéma pendant deux ou trois ans, vous n’aurez plus envie d’y aller. Si vous n’y allez pas pendant dix ans, vous n’y irez plus. Regarder un film sous format vidéo chez soi est un plaisir, aller au cinéma en est un autre. Par conséquent, face à cette politique iranienne de l’encouragement de la vente de DVD dans les épiceries, il apparaît nécessaire d’encourager de nouveau les réseaux publics de diffusion de films.

Notes

[1Traditionnellement, les cérémonies religieuses y avaient lieu pour la commémoration du martyre de l’Imâm Hossein.

[2Shabakeh-ye namâyesh-e khânegui


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