N° 127, juin 2016

La retraite spirituelle à travers
la pensée du soufi iranien
‘Abd al-Qâdir al-Jîlânî (m. 561/1166)
D’après son manuscrit non identifié
« Risâla fî l-khalwa »


Dr. Samir Staali


Introduction

 

Le présent article vise à cerner les multiples sens de la « retraite spirituelle », désignée dans le monde musulman de façon générale par le terme arabe « khalwa ». De nombreux chercheurs se sont montrés hésitants et ont le plus souvent reculé devant les difficultés inhérentes à ce type d’étude, mettant en jeu non seulement un concept et l’histoire de son évolution, mais aussi et surtout une pratique expérimentale qui touche aux domaines les plus intimes de la spiritualité des individus. C’est sans doute pour cette raison que l’on ne dispose jusqu’à présent que d’informations très fragmentaires sur un sujet pourtant fondamental pour la connaissance de la pensée mystique arabo-musulmane, aussi bien ancienne que contemporaine. Un grand nombre de mystiques ont pour principe, précisément, d’éviter de divulguer les contenus de leurs expériences spirituelles pour diverses raisons, la plus importante étant la crainte de la dévaloriser en la mettant à la portée de tous. Les conséquences d’une telle attitude, décrites en détail par les anciens maîtres, sont selon eux, d’une part la perte a posteriori des bénéfices spirituels de cette pratique par celui qui « parle trop » et risque de tomber ainsi dans les pièges de la vanité, d’autre part le danger a priori pour ceux qui reçoivent une information court-circuitant en quelque sorte les bienfaits d’une initiation progressive et adaptée à la situation de chacun. Le grand soufi iranien al-Jîlânî a bien choisi d’en parler dans un de ses livres qui est resté longtemps inconnu comme nous allons le découvrir.

Dans un premier temps, et avant même d’aborder la complexité et l’originalité caractérisant ce rituel mystique « al-khalwa », et de voir aussi quel sera le rapport entre l’ouvrage de Jîlânî avec ce fameux manuscrit totalement inconnu et qui porte le titre de Risâla fî l-khalwa, nous tenons à parler tout d’abord des sources nous permettant de découvrir un tel arsenal d’archives resté, à nos jours, majoritairement inexploité. Une récente étude menée par deux chercheurs a montré que le nombre des archives arabes demeure très limité, en comparaison avec les autres pays. À leur connaissance, il n’existe que 20 archives ouvertes qui ont été recensées, et parmi elles, douze seulement sont accessibles, la qualité et la fiabilité de ces documents restant à vérifier. [1] Le tableau dressé pour répartir les archives ouvertes par pays montre que l’Égypte vient en première position avec huit AO (Archives Ouvertes), suivie par l’Arabie Saoudite avec cinq AO, mais seulement deux AO sont recensées dans les pays du Maghreb, une en Algérie [2] et une autre en Tunisie. Nous constatons que l’implication de ces pays reste importante dans le monde arabe même si elle est insuffisante.

 

Parmi l’ensemble des archives ouvertes examinées au cours d’une recherche que nous avons porté sur le sujet de la khalwa (retraite spirituelle), uniquement trois peuvent être considérées comme bibliothèque numérique, le reste ne serait que des archives institutionnelles. Il s’agit de :

 

  1. La Bibliothèque d’Alexandrie DAR (Digital Assets Repository) renfermant des documents numérisés tombés dans le domaine public. Cette bibliothèque demeure la seule dans le monde arabe qui dispose d’une archive ouverte renfermant 220 230 documents numérisés,
     [3]
  2. L’université d’Alger, composée de documents anciens numérisés et de l’archive Makhtota [4]comptant entre 11 000 et 14 000 documents,
  3. L’université du Roi Saoud contenant des manuscrits arabes principalement numérisés.

 

Avant d’exposer notre découverte au sujet d’un manuscrit inconnu retrouvé dans l’une de ces AO, il est bon de dire que tous les documents acquis par ces bibliothèques citées ci-dessus ont fait l’objet d’un traitement documentaire par des responsables : chaque document est doté d’une fiche d’identification, avec les renseignements suivants : auteur, titre, type de support, nombre de pages, etc. Une collection très précieuse de manuscrits relatifs à notre domaine de recherche « Soufisme et jurisprudence islamique » a été mise en place. De plus, les quelques rares manuscrits qui sont regroupés et répertoriés dans des catalogues sont microfilmés et peuvent être commandés auprès des services de la bibliothèque. L’accès aux collections d’ouvrages est libre à travers le site Internet de ces universités. De ce fait, l’amélioration de la qualité et la quantité de ces archives contribuera certainement à l’évolution de la recherche scientifique dans le monde arabo-musulman. Ce libre accès permet à toute personne de : « lire, télécharger, copier, transmettre, imprimer, chercher ou faire un lien vers le texte intégral de ces travaux, ou encore s’en servir à toute autre fin légale, sans barrière financière, légale ou technique autre que celles indissociables de l’accès et l’utilisation d’Internet »
 [5].

 

Présentation des manuscrits :

 

Dans une étude sur le sujet de la khalwa, nous nous sommes penchés sur l’étude de trois manuscrits, dont les deux premiers sont encore totalement inédits. Ces trois manuscrits sont :

 

  1. Muhammad Zayn al-‘Âbidîn Al-Ghamrî (m. 965/1558), al-Jalwa fî bayân aqsâm al-kashf wa l-‘uzla wa-l-khalwa
     [6], transcrit par Muhammad Sabt al-Marsifî, Manuscrit n° 2-258, Université Umm al-Qura, La Mecque. [7]
Figure 1 : Le manuscrit Risâla fî ahkâm al-samâ (Traité sur les règles de l’audition spirituelle). Ce texte, occupant les folios 1a-10b, est présenté sous le numéro 1-258. Auteur Zayn al-‘Âbidîn al-Ghamrî (965/1558). Bibliothèque d’Alexandrie.
Figure 2 : Le manuscrit Kitâb al-jalwa fî bayân aqsâm al-kashf wa l-‘uzla wa l-khalwa (Livre de la sortie de retraite pour démontrer les classements du dévoilement, de l’isolement et de la retraite). Ce texte, occupant les folios 11a-16a, est présenté sous le numéro 2-258. Auteur Zayn al-‘Âbidîn al-Ghamrî (965/1558). Bibliothèque d’Alexandrie.

Écrit par Muhammad Zayn al-‘Âbidîn al-Ghamrî, connu aussi par Muhammad Sabt al-Marsifî, ce premier manuscrit de l’Université Umm al-Qura (Arabie Saoudite) est enregistré sous le n° 2-258. On découvre que cette bibliothèque recèle de véritables trésors concernant l’héritage littéraire mystique. À l’origine, concernant notre manuscrit étudié partiellement, il existe un seul recueil composé de deux parties. Pour la première partie, elle contient Risâla fî ahkâm al-samâ’  [8](Traité sur les règles de l’audition spirituelle), mais la « digital library » (al-maktaba l-raqmiyya) de l’Université a répertorié cette première partie grâce à son titre complet al-Ajwiba l-muskata ‘an masâ’il al-samâ’ al-mubhata
 [9]. Ce texte qui occupe les folios 1a-10b, est présenté sous le numéro 1-258. Par ailleurs, dans la deuxième partie du recueil, figure une autre œuvre du même auteur Zayn al-‘Âbidîn al-Ghamrî (10e H). Il s’agit de notre manuscrit en question intitulé, Kitâb al-Jalwa fî bayân aqsâm al-kashf wa l-‘uzla wa l-khalwa (Livre de la sortie de retraite pour démontrer les classements du dévoilement, de l’isolement et de la retraite). En effet, ce texte occupe les folios 11a-16a qui sont tous répertoriés sous le numéro de 2-258.

 

En conclusion, pour résumer ce cahier : le manuscrit est composé de deux parties : 1) ff. 1-10 : Risâla fî ahkâm al-samâ’ (voir fig. 1). 2) ff. 11-16 : Kitâb al-jalwa (voir fig. 2). La dimension n’est pas indiquée et tous les feuillets du manuscrit sont composés, en moyenne, de vingt-et-une lignes par page. Les deux livres qui composent le manuscrit, sont de provenance égyptienne. La première date du 17 Dhû l-Hijja 989 (12/01/1582). L’auteur Zayn al-‘Âbidîn al-Ghamrî n’est pas le scripteur (nâsikh) du manuscrit. Le propriétaire de ce manuscrit est Muhammad ‘Alî Ibn Tâhir al-Watrî. (Figure 1)-(Figure 2)

 

Dans cette deuxième partie du manuscrit, les différentes acceptions de la notion de khalwa sont abordées. Il existe, globalement, deux types de classement. Tout d’abord, l’auteur nous parle de deux genres de khalwa : la retraite exotérique (khalwa zâhiriyya) appartenant aux disciples débutants et la retraite ésotérique (khalwa bâtiniyya) appartenant aux disciples arrivés à Dieu. Par ailleurs, le second type de khalwa se subdivise à son tour en trois catégories : i) khalwat al-‘ârif (la retraite du connaissant) ii) khalwat al-muhaqqiq (la retraite du cheminant) iii) khalwat al-sâlik (la retraite du mystique réalisé). Ce classement a été établi, dans un premier temps, par Mustafâ al-Bikrî al-Khalwâtî (12e H) dans K. Hadiyyat al-ahbâb fîmâ li-l-khalwa min al-shurûf wa l-âdâb, repris un siècle après, par le shaykh Ahmad al-Tîjânî (13e H). En terme de durée, cette pratique peut s’étaler sur un laps de temps variant de 3 à 40 jours, jusqu’à, dans certains cas particuliers, des durées de une à cinq années.

  1. Auteur inconnu, Kitâb fî l-tasawwuf ‘alâ l-tarîqa l-Shâdhuliyya [10], 11e /17e, Manuscrit n° 4015, Bibliothèque d’Alexandrie, Alexandrie.

 

En ce qui concerne le deuxième manuscrit (voir fig. 3) dont le titre peut être traduit par « Le livre de la pratique du soufisme selon la voie Shâdhulî », il figure dans le corpus de la bibliothèque d’Alexandrie, sous le numéro 4015. Le livre se compose de 35 feuillets mais lors des diverses manipulations subies par le manuscrit, ce dernier, selon la fiche descriptive, a perdu quelques feuillets à son début ainsi qu’au milieu et à la fin. Cependant, il existe une marque très utile pour assurer le bon ordre du texte ; il s’agit de la réclame qui nous a conduits à procéder à une analyse détaillée et individuelle des feuillets pour vérifier avec soin le bon ordre tout en relevant les fautes ou les manques éventuels dans ce manuscrit. Nous avons constaté une rupture de lecture à partir du f19a, car la réclame de f18b « yaqûlu » (il dit) n’a pas été reprise dans le f19a qui commence par : « hâdhâ l-kalâm » (cette parole). La dimension d’un feuillet est de l’ordre de 22 sur 16,5 centimètres, avec en moyenne, vingt-et-une lignes par page. Le manuscrit manque de précisions quant au nom de l’auteur aussi bien que celui du copiste. Selon les indications portées sur le recto du premier feuillet, le manuscrit date du 11e siècle de l’hégire (17e). Dans le cas où son écriture, un naskhî, est associée à d’autres éléments contenus dans notre manuscrit, il est possible de situer le lieu de son origine bien que les informations obtenues ne soient pas immédiates et précises pour aboutir à une hypothèse vraisemblable. Cette copie est, en effet, de provenance égyptienne. [11]

(Figure 3)

Figure 3 : Le manuscrit Kitâb fî l-tasawwuf ‘alâ l-tarîqa l-Shâdhuliyya (Le livre de la pratique du soufisme selon la voie Shâdhulî). Ce texte se compose de 35 feuillets sous le numéro 4015. Auteur inconnu. Manuscrit daté au 11e siècle de l’hégire (17e ). Bibliothèque d’Alexandrie.

 

3.Auteur inconnu, Risâla fî l-khalwa
 [12], transcrit par Zuhayr Sabr Ibn Mustafâ, 1214/1799, Manuscrit n° 7547 / Qâf 521595, Université du Roi Saoud, Riyad. (Figure 4)

 

Identification du manuscrit

« Risâla fî l-khalwa » :

 

Le manuscrit (voir fig. 4) est un cahier [13] composé de 7 feuillets, contenant en moyenne vingt et une lignes par page. La première page n’est pas lisible ; par contre, la page suivante commence par « Bismi Llâh al-Rahman al-Rahîm » (Au nom de Dieu le Clément, le Miséricordieux). L’écriture est un naskhî [14] avec des points diacritiques et la dimension des feuillets n’est pas indiquée. Le nom du copiste figure uniquement sur la fiche du manuscrit ; il s’agit de Zuhayr Sabr Mustafâ qui a transcrit le manuscrit en l’an 1214 de l’hégire (1799 ap. J-C.). La lecture de ce manuscrit, sur lequel nous avons effectué presque tout le travail, n’ayant eu que très tardivement accès au texte imprimé, est d’un abord difficile dans la mesure où les lettres arabes sont dépourvues des points diacritiques et de voyelles. Le lecteur attentif retrouvera facilement la pensée d’un auteur très initié dans la Voie. En plus, ce manuscrit ne traduit aucune indication susceptible de nous aider à l’identifier. Tout d’abord, le manuscrit ne comporte aucun nom d’auteur. De plus, il n’existe aucune indication qui pourrait permettre d’identifier son origine avant qu’il n’ait été placé en conservation à la Bibliothèque de l’Université du Roi Saoud [15], comme le mentionne le feuillet de garde. D’autre part, la date tardive de la copie (13e H /19e siècle), dont l’auteur est au demeurant inconnu pour le public, ne facilite pas non plus la tâche. Cependant, le style littéraire semble être très ancien et très soutenu. En effet, dès que nous avons abordé le texte pour la première fois, nous n’avons eu aucun doute sur le fait que l’encre de ce savant ne pouvait couler que de la plume d’un grand maître très avancé dans la Voie.

 

Il semble être intéressant de souligner que dès le début de notre travail, nous nous sommes basés sur ce manuscrit, même en l’absence de l’identité du véritable auteur. Nous avons donc mené une minutieuse enquête pour pouvoir l’identifier et surtout le situer dans le temps. Nous avons recouru pour cela à l’étude des caractéristiques internes du cahier, afin de déterminer son origine. Nous avons procédé à la retranscription de la première partie du manuscrit, pour mener une recherche d’identification via internet et celle-ci nous a conduit jusqu’aux shaykh(s) de la tarîqa l-Qâdiriyya [16] l-‘Aliyya d’Alep (Syrie), qui attribuent ce manuscrit au shaykh fondateur de la tarîqa, shaykh ‘Abd al-Qâdir al-Jîlânî ; ce texte aurait donc fait partie intégrante d’un cours enseigné aux murîd(s) (disciples). C’est notamment le cas pour le shaykh syrien Mukhlif al-‘Alî Ibn Yahyâ al-Hudhayfî al-Qâdirî, qui enseigna les principes de la khalwa selon ce texte. Trois hypothèses viennent à l’esprit ; il peut s’agir d’une appropriation de ce texte par la voie soufie, dans une optique de renforcement de la position de ces shaykhs et afin d’asseoir leur légitimité dans le domaine de la pratique de la retraite spirituelle. Il peut s’agir également d’un traité écrit par l’un des disciples de cette tarîqa ou bien enfin ce serait le shaykh Jîlânî en personne qui serait l’auteur authentique de cette œuvre mystique consacrée à la khalwa.

 

Figure 4 : Le manuscrit Risâla fî l-khalwa (Traité de la retraite spirituelle). Ce texte se compose de 7 feuillets sous le numéro 7547 / Qâf 521595. Auteur identifié ‘Abd al-Qâdir al-Jîlânî (561/1166). Bibliothèque de l’Université du Roi Saoud

L’enquête menée sur ce manuscrit portant le nom de Risâla fî l-khalwa (Traité de la retraite spirituelle) répertorié comme un texte anonyme par l’Université du Roi Saoud, nous a permis de confirmer avec assez de certitude qu’il est effectivement une œuvre attribuée au grand maître du soufisme ‘Abd al-Qâdir al-Jîlânî (6e H). Il s’agit, plus précisément, de son œuvre al-Tarîq ilâ Llâh : kitâb ‘an al-khalwa wa l-bay’a wa l-asmâ al-sab’a (Le chemin vers Dieu. Un livre sur la retraite spirituelle, l’allégeance et les sept Noms divins) qu’il a écrit après avoir expérimenté la khalwa à multiples reprises comme nous allons le voir. L’acquisition d’une copie de ce Kitâb pour une analyse comparative entre l’œuvre [17] du maître et le manuscrit, nous a pleinement permis de valider notre hypothèse émise et son authenticité. L’ouvrage du maître reste rare dans les bibliothèques et les librairies et cette rareté est la principale raison qui nous avait empêchés de nous en servir directement comme source d’information dans le cadre de cette recherche. Il faut savoir aussi que cet ouvrage n’a pas été traduit vers des langues occidentales, notre article propose donc une traduction inédite vers le français à partir de la version arabe. Nous espérons que la présentation ainsi que la traduction de ce nouveau traité, dont nous avons pu toucher du doigt le fait qu’il est pratiquement inconnu, même dans les milieux spécialisés, permettra d’enrichir et d’élargir la connaissance de la pratique de la khalwa, en attirant l’attention sur certains points qui, dans la littérature soufie, sont restés, peut être pendant trop longtemps, dans l’ombre.

 

L’expérience de Jîlânî avec la khalwa :

 

Parmi l’un des nombreux soufis qui ont consacré à la notion de khalwa (retraite spirituelle) une petite partie dans leurs livres représentant le soufisme dans ses débuts et apportent une lumière sur des problèmes concrets de la spiritualité, nous citons Isfarâyînî (5e H). Selon lui, la khalwa est à la fois un accomplissement de la voie mystique et aussi de la religion pratique, « La khalwa est la mine de la Connaissance et le capital de l’Amour », dit-il dans son K. Kâshif al-asrâr (Le révélateur des mystères). Il est important de souligner que la khalwa a fait objet d’une liste de thèmes abordés dans la partie centrale du K. al-Risâla al-Qushayriyya, écrit par le célèbre soufi iranien Qushayrî (5e H). Ce thème de khalwa, objet chez Qushayrî d’un seul chapitre qui associe la notion de khalwa et celle de ‘uzla, se divise chez Ibn ‘Arabî (7e H), en six chapitres : deux sur la « khalwa » (retraite spirituelle), deux sur la « ‘uzla » (isolement) et deux sur le « firâr » (la fuite vers Allâh). Il a été le premier à avoir associé le terme de « firâr » à la notion de « khlawa », idée qu’il a certainement puisée dans le verset coranique suivant : « Fuyez auprès de Dieu ! (fa-firrû) Oui, je suis pour vous et de Sa part un avertisseur explicite. Ne placez pas une autre divinité à côté de Dieu ! Oui, je suis pour vous et de Sa part un avertisseur explicite. [18] » (Cor. Sourate 51, v. 50-51).

 

Lorsque nous évoquons la retraite de Jîlânî dans sa vie spirituelle, nous devons parler de siyâha plutôt que de khalwa. La siyâha est une forme mobile de khalwa. L’un des rares à en avoir parlé d’une manière détaillée est le grand soufi égyptien Abû l-Hasan al-Shatanûfî (8e H). À cet effet, il a cité dans son K. Bahjat al-asrâr (La joie des mystères) le déroulement de la siyâha de Jîlânî qui constitue, à nos yeux, un exemple par excellence de la khalwa. Il voulait construire une image typique de ce qu’affrontent les soufis dans leur retraite. Jîlânî disait que lorsqu’il commença son errance, il fut exposé à de multiples états (ahwâl). Au départ, il a essayé de lutter, pensant pouvoir les maîtriser (malakahâ), mais au final, il perdait conscience et ne ressentait plus son existence, au point qu’il devint complètement désorienté et marcha dans le désert sans savoir où il allait. Jîlânî affirme être resté 25 années dans le désert d’Iraq, dans l’errance, sans que personne n’ait pu le voir. Seul al-Khidr [19] est venu le rencontrer. Selon le commentaire traditionnel du Coran (sourate 18 « al-Kahf »), c’est un compagnon du Prophète biblique Moïse. Il lui a immédiatement imposé la condition de ne plus désobéir, raconte Shatanûfî, ensuite, il lui a demandé de rester dans un lieu fixe et Jîlânî ne put que se plier à sa demande en passant trois années au même endroit. Une fois par an, al-Khidr venait le voir pour savoir dans quel état il se trouvait [20]. Durant cette période difficile, tous les plaisirs et les séductions se manifestèrent devant Jîlânî, sous de multiples et étranges facettes. Mais la grâce de Dieu venait le protéger contre toutes ces tentations. Il voyait les démons (shayâtîn) qui venaient pour le combattre, mais il finissait toujours par reprendre ses forces et les repousser [21].

Jîlânî vécut de longues années dans la mujâhada [22] (combat Spirituel), au milieu des ruines (kharâb) comme celles de Kharg [23]. Chaque année, il recevait une robe en laine (jubbat sûf) de la part d’un certain homme. À cette époque, il était connu pour son mutisme (takhkharus), sa stupidité (balah) et sa folie (junûn) et il marchait pieds nus. Il disait aussi que, pendant sa mujâhada, il entendait une voix qui disait : « Ô ‘Abd al-Qâdir ! On ne t’a pas donné la vie pour dormir. On t’a adoré alors que tu n’étais rien, et maintenant que tu es quelqu’un, ne sois pas inattentif ». Le but de l’ensemble des soufis initiés dans la voie est d’espérer atteindre, grâce à la khalwa, ce que Jîlânî appelait : « wujûd thânî » (litt. deuxième existence) [24]. Cette appellation signifie dans le vocabulaire soufi, l’état de baqâ [25] avec Dieu (bi-Llâhi) après l’anéantissement en Lui (fîhi). Pour atteindre son objectif, Jîlânî a été attiré vers plusieurs portes, comme disait Shatanûfî, dont voici la liste : « tawakkul (abandon confiant en Dieu), shukr (remerciement), taslîm (agrément), qurb (proximité), mushâhada (contemplation) ». Il trouva une grande foule devant toutes ces portes, sauf une seule, bâb al-faqr (porte de la Pauvreté). Il entra par cette porte et vit soudainement tout ce qu’il avait laissé derrière lui et obtint le fath (ouverture spirituelle) d’un grand trésor (kanz akbar) [26].

 

Contenu du traité et l’explication de ses dévoilements mystiques :

 

Il faut dire qu’en général, le manuscrit explicite certaines idées et quelques aspects concernant les manifestations qui se déroulent pendant la khalwa. Selon Jîlânî, les effets de la khalwa sont au nombre de cinq
 [27] :

 

- wâqi’ât (échéances)

- mushâhadât (contemplations)

- mukâshafât (dévoilements)

- tajalliyât (émanations)

- wusûl (cheminement)

  1. al-Wâqi’ât (Échéances) :

 

Ce sont les signes (wasf) que manifeste l’âme damnée (nafs lawwâma) dans le cœur. Ils sont donc divisés en quatre

 [28] catégories :

 

  1. Soit, on est confronté à des signes sataniques (sifât shaytâniyya) qui se manifestent à travers des images que l’illusion (wahm) forme par l’imaginaire (khayâl). C’est quand le cheminant voit Satan (shaytân) venir l’effrayer et interrompre son cheminement [29]em>.

 

  1. Soit, on est confronté à des signes de bêtes féroces (sifât sab’iyya). Ces signes correspondent à l’image d’animaux sauvages (wuhûsh) : la trahison (ghadr) pour le loup, la révolte (tamarrud) pour le tigre, l’audace (jur’a) pour le lion, la ruse (hîla et makr) pour le renard, la colère (ghayd) pour la panthère, l’insouciance (ghafla) pour le lapin, l’indifférence (‘adam al-iltifât li-l-nasîha) pour le taureau, la rancune (hiqd) pour le chameau (si le retraitant se voit porté par un chameau obéissant, alors sa nafs se trouve en sécurité. Et si au contraire, il le voit de couleur rouge avec des yeux noirs, c’est le signe de son ardeur (shawq et wajd)), l’inimitié (‘adâwa) pour le serpent, faire mal aux gens (îdhâ al-nâs) pour le scorpion, les pensées sataniques (khawâtir shaytâniyya) pour la guêpe, le désir sexuel (shahwa bâtniyya) pour le mouton, le désir maladif (shahwa maradiyya) pour l’âne (s’il voit l’âne mort dans cette manifestation, cela veut dire qu’il va vaincre son désir), la cupidité (hirs) pour la fourmi, l’avarice (bukhl) pour la souris, la gourmandise (sharah) pour le chien et le singe [30]. Si le cheminant (sâlik) voit ces manifestations sous certaines formes dans le monde invisible, il lui est recommandé de se tenir sur ses gardes et d’éduquer (tahdhîb) sa nafs grâce au dhikr et à la docilité (inqiyâd).

 

  1. Soit, on est confronté à des signes humains (sifât âdamiyya) : comme le fait de voir les différentes races et couleurs des êtres humains : blanche, noire, rouge ; ou de leur physique : grand et petit, voir les hommes et les femmes, le père et le fils. Toutes ces manifestations montrent que le sâlik n’a pas encore accédé au degré de l’« humanité » qui est le signe de sa plénitude et le principe de sa perfection. Il semble que cette étape propose plus d’issues (aqrab khurûjan) au retraitant que la première.

Pour expliquer le vrai sens de wâqi’ât, nous allons nous référer aux propos d’Ibn ‘Arabî (7e H). Selon ce dernier, elles surviennent sur le cœur en provenance de ce monde par tout genre de procédés comme le discours ou l’image [31]. Dans ses Rasâil, Ibn ’Arabî avait précisé que : « Si Dieu vous dévoile le monde de l’inconnu, ni les murs ni même l’obscurité ne vous empêchent de connaître ce que font les gens dans leurs maisons. Par contre, il vous est interdit de dévoiler les secrets des gens. Vous devriez plutôt les préserver si Dieu vous permet de les savoir. Si jamais tu prends le risque de dire que celui-là est un adultère (zânî), celui-ci est un ivrogne (shârib) ou bien un calomnieux (mughtâb), sache que la seule personne qu’il faut accuser c’est bien toi, et que Satan a pris la possession de ton corps [32] ». Al-Shaykh al-akbar continuait son raisonnement dans un autre ouvrage ; il s’agit de K. al-Futûhât dans lequel il disait : « Si Dieu t’a dévoilé le secret d’untel, tu as l’obligation de le préserver et d’empêcher sa divulgation. Car si tu le divulgues en disant : celui-là est un fornicateur et celui-ci un ivrogne ou meurtrier ou voleur, c’est toi-même qui seras le plus grand pécheur et Satan s’emparera de toi. Agis donc en accord avec le Nom divin al-Sattâr (Celui qui pose le voile). Et si cette personne vient te retrouver, avertis-la en privé sur ses actions, […] et consacre-toi au dhikr [33] ». Ibn ‘Atâ’ Allâh al-Iskandarî (8e H) s’est déjà posé la question : Quelle serait la différence entre le wârid [34] malâkî et le wârid shaytânî ? Le malâkî, [de malâk (ange)] apporte le sentiment de la fraîcheur (burûda) et du plaisir (ladhdha) ; aucune douleur n’est ressentie et aucune image ne vient vous brouiller la vision. Par contre, le wârid shaytânî, [de shaytân (Satan)], cause des douleurs au niveau des muscles et vous plonge dans la stupéfaction [35].

Pour mieux expliquer ce que nous venons d’avancer, prenons l’exemple de Shams al-Dîn al-Hanafî (9e H) qui aimait souvent faire la khalwa depuis l’âge de quatorze ans. On raconte que le shaykh demeura jusqu’à sept ans en khalwa. D’après Sha’rânî (10e H) : « Le shaykh n’est pas sorti de sa khalwa avant d’avoir entendu un hâtif (voix) lui dire : Ô Muhammad ! Sors [de ta khalwa] pour faire bénéficier les gens [de tes connaissances] ». Quand il sortit, il les vit porter des turbans de différentes couleurs, bleu pour certains et jaune pour d’autres. Il vit aussi leurs têtes transformées en celles de singes ou de porcs, alors que d’autres portaient des têtes de lune. Il savait très bien que c’était grâce à Dieu, qu’il pouvait connaître le destin de chacun. Dieu avait dévoilé à Hanafî, les vices cachés de ces gens, leurs mensonges, leurs prétentions, leur association dans les actes, les paroles, les intentions et les pensées non exprimées. Cependant, le maître a éprouvé une colère sacrée, issue de son amour jaloux pour le Seigneur, son envoyé et sa religion, lorsqu’il a été confronté à de telles manifestations ; il a alors préféré ne pas assumer cette mission et cette lourde tâche. Par la suite, il supplia Dieu de lui voiler les états cachés (kashf al-ahwâl) de ces gens. Suite à cette prière, il est redevenu un homme comme les autres [36].

Cette métamorphose animale (maskh) a conservé son importance dans la religion musulmane. D’ailleurs, dans le Coran se trouvent des versets tels que : « Ceux qu’Allâh a maudits, contre qui II s’est courroucé, dont II a fait des singes et des porcs [37] » (Cor. s5, v60). Et « Nous avons dit à ceux qui ont transgressé le sabbat : Soyez des singes abjects ! [38] Puis, lorsqu’ils refusèrent (par orgueil) d’abandonner ce qui leur avait été interdit, Nous leur dîmes : Soyez des singes abject [39] » (Cor. s7, v166).

 

  1. al-Mushâhadât (Manifestations) :

 

Dans notre manuscrit, il s’agit des manifestations [40] terrestres et célestes. Dans le cas des manifestations terrestres, Jîlânî disait qu’il est possible au retraitant de voir des montagnes de différentes formes et sous diverses couleurs, comme autant de signes qui traduisent des signes de son tempérament (jibillatuhu). Si le retraitant voit des montagnes de couleur noire, cela indique l’obscurité (zulma) de son cœur. La rougeur indique son tempérament changeant (talawwunihi) et son incapacité à gérer les choses. Et la blancheur signifie qu’il est arrivé au cercle de l’Islam (dâ’irat al-Islâm)
 [41]. Toutefois, si le retraitant voit des vestibules étroits, ce sont ceux de son existence (wujûd). Voir l’eau est un signe de pureté mais si elle est trouble (kadira), il s’agit d’un signe de mauvais traitement. L’eau symbolise la manière de vivre (rizq) si elle coule du ciel ; par contre, si c’est un nuage, la personne est condamnée dans sa vie, car le nuage est une matière (jism). Toutefois, si le ciel est dégagé (sahw), cela représentera la connaissance de la Loi Sacrée de l’Islam (ahkâm shar’iyya).

 

La symbolique de la plantation (zurû’) : les plantations sont le résultat de nos actions et l’arbre signifie le dhikr. Ainsi, si les fruits de ce dernier sont bien mûrs, cela signifie que le cœur du dhâkir vit dans un état de floraison spirituelle et de prospérité (‘imâra) ; mais s’ils sont en cours de maturation, il s’agira de la complaisance. D’autre part, contempler les fleurs à la place des fruits, symbolise le commencement d’une action. Les perles traduisent un signe de sa vraie nature, si elles coulent dans l’eau. Ceci traduit la connaissance qui coule dans sa nature et l’éparpillement de ces perles montre l’intérêt qu’il porte à l’aspect de sa nature.

 

Par ailleurs, le voyage en direction de La Mecque ou de Médine est une orientation vers Dieu ; mais si la destination finale est Jérusalem (bayt al-Maqdis), cela indique que son argent vient d’une source sûre. Se voir sur un bateau signifie son attachement à la Sharî’a, et flotter sur la mer dans un sens droit, est une preuve de sa droiture. La boue traduit la corruption de son état spirituel. Se voir porter des sandales signifie que la personne est droite dans son cheminement, mais s’il les perd ou ne les porte jamais, c’est l’indice de sa bonne discipline. Se voir complètement nu est la preuve de son détachement total (tajarrudihi). Se voir en train de manger de la viande et du pain accompagnés d’autres aliments mûrs, est un symbole de subsistance morale (ghidhâ’ ma’nawî). Le miel est symbole de mysticisme (‘ilm laddunî), le lait (laban) symbolise la conception originelle (fitra). La pureté des vêtements reflète la pureté du cœur. Sa mort ou la mort de quelqu’un qu’il aime manifeste pour lui la mort de sa nafs.

 

  1. al-Mukâshafât (Dévoilements) :

 

Il s’agit d’un ensemble de manifestations qui se traduisent par des traits d’esprit, des mots spirituels, une expression élégante et tout ce qui est fin et exquis, comme par exemple le fait de voir les anges sous leur plus belle forme, découvrir les joyaux des cieux et les merveilles des mers, voir les terres étendues qui dévoilent leurs vérités. Par la khalwa, les secrets de toutes ces choses sont dévoilés aux mystiques. [42]

 

L’historien tunisien Ibn Khladûn (8e H) disait que : « […] prophètes et saints ont en commun la faculté de connaître le monde spirituel par le "dévoilement", même si la perception qu’en ont les premiers est beaucoup plus étendue que celle des seconds [43] ». Et selon le soufi iranien Sulamî (5eH), al-mukâshafa est considérée comme étant le dévoilement de l’invisible (kashf al-maghîbât) chez les Iraquiens, alors que les Khurassaniens pensaient que le rôle du dévoilement était de montrer les défauts de la nafs (âme charnelle). Certains awliyâ (saints) accédaient au kashf pour des raisons particulières, soit pour connaître leur état spirituel, ou encore pour connaître celui des autres. Selon le même auteur, il serait, selon les cas, soit interdit de dévoiler son kashf, soit permis de le faire (ma’dhûn fî l-ikhbâr).Celui qui peut le faire est un amîn (homme sûr) et les umanâ font parties des awliyâ’ considérés comme étant au sommet de la sainteté. Le faqîr ne devrait pas montrer sa pauvreté aux gens et devrait arrêter de se plaindre. Il ne devrait également porter la muraqqa’a qu’en cas de nécessité, relire le Coran dans sa khalwa et consacrer son temps au dhikr
 [44].

 

Lorsque qu’un autre soufi iranien Suhrawardî (7e H) rentrait chaque jour dans la khalwa d’un faqîr, il le mettait en garde et le préparait à ce qu’il lui arriverait dans sa retraite. Inversement, le murîd lui annonçait ses mukâshafât (dévoilements) et ses ahwâl (états spirituels). Il lui demandait aussi d’être prudent pour le cas où il verrait l’image de Satan apparaître devant ses yeux. Lors du bilan du soir, ce murîd devait finir par confirmer toutes les prédictions de son maître [45].

 

Pour distinguer un kashf hissî (dévoilement phénoménal) d’un kashf khayâlî (dévoilement imaginal), le grand soufi marocain Shâdhulî (7e H) nous a demandé de chercher à savoir si l’image observée face à nous restait stable ou non, une fois les yeux fermés. En conclusion, le kashf khayâlî était confirmé, selon lui, lorsque l’image persistait [46]. Le voile qui couvre ces mukâshafât, est désigné par le terme soufi « mawt » (mort) ; la mort rouge indique la mort de la nafs, alors que la mort blanche est celle qui illumine le tin (ésotérisme) et blanchit la face du cœur. La mort verte représente le port du vêtement rapiécé (muraqqa’a) et enfin, la mort noire permet de supporter le mal que font les gens : c’est l’anéantissement en Allâh [47].

 

  1. al-Tajalliyât (Les émanations) :

 

Durant l’occultation de ses perceptions existentielles (sûra kawniyya), le retraitant perçoit les formes des Noms divins (asmâ ilâhiyya) et les Qualités seigneuriales (nu’ût rabbâniyya), précise Jîlânî [48]. Le tajallî est un terme mystique désignant une épiphanie, une émanation de la lumière intérieure, un dévoilement des secrets divins et une illumination du cœur du dévot [49]. Les soufis nous parlent souvent de satr wa tajjalî (voilement et émanation) ; le satr survient lorsque l’humanité (bashariyya) devient le voile qui sépare le retraitant de la contemplation de Dieu (mushâhada), alors que le tajjalî indique le soulèvement de ce voile. À cet effet, Qushayrî (5e H) disait : « Le commun des gens (‘awâm) est le voile qui couvre le satr alors que les gens initiés (khawâs) sont la durabilité du tajjalî ». Le satr constitue une punition pour les gens du commun (‘âma) alors qu’il demeure une clémence (rahma) pour la khâsa [50]. Quant à Ibn ’Arabî, il disait que tajallî est tout ce qui se dévoile aux cœurs comme lumières du monde des Mystères (anwâr al-ghuyûb) [51].

 

D’autre part, on trouve dans le manuscrit Risâla fî l-khalwa, d’autres informations relatées sur la formule « lâ ilâha illâ Llâh » qui tient une place centrale dans le dhikr des soufis durant la khalwa ; elle a le mérite de refléter beaucoup de lumière dans le miroir du dhâkir, ce qui n’est pas forcément le cas pour les autres formules de dhikr. Grâce à elle, son prononçant n’éprouverait aucun sentiment de solitude (wahsha), ni dans cette vie d’ici-bas (dunyâ) ni dans l’au-delà (âkhira), comme cela est rapporté dans les ahâdîth [52] (traditions prophétiques). A ce sujet, on trouve que le grand soufi algérien Tâlib al-Twâtî (12e H) récitait d’une façon permanente des awrâd (litanies), plus précisément le wird médité par la récitation 70 000 fois de la phrase suivante : « Il n’y a de divinité que Dieu et Muhammad est son Envoyé ». Dès l’aube, il sortait pour se mettre en khalwa jusqu’à ce qu’il finisse totalement son wird. De nombreux lettrés ont appris le wird de la siriyya à travers Twâtî [53]. Sa bibliothèque était celle d’un homme de Science, très riche de livres sur le tasawwuf.

 

Les soufis jugent que lorsque la nafs passe de la perception externe à interne, les sens s’affaiblissent tandis que l’esprit se fortifie, prend le dessus et se renouvelle. D’autre part, la pratique du dhikr est un moyen efficace pour faciliter ce processus. « Les soufis estiment qu’à force de recueillement intérieur, l’homme peut s’effacer devant la bonté céleste. Ainsi, entièrement dégagé de l’emprise matérielle, il s’élève spirituellement vers le divin et graduellement parvient à l’absorption de son être dans l’existence de l’Être, la seule réelle » [54]. Cette « ascension » est décrite dans ce manuscrit. Elle décrit la mort selon les quatre couleurs : mort blanche (la faim : jû’), la mort rouge (contredire le hawâ et la nafs), la mort noire (supporter le tort des gens) et la mort verte (poser sur le vêtement des morceaux rapiécés les uns sur les autres). La nafs contient sept voiles célestes (samâwiyya) et sept voiles terrestres (ardiyya), au fur et à mesure que l’homme enterre sa nafs plus profondément dans la terre, il verra parallèlement son cœur s’élever dans le ciel et s’il finit par l’enterrer complètement dans la terre, le cœur atteindra le Trône (‘Arsh)
 [55].

 

Dans son livre, Jîlânî informe ses lecteurs que les premiers soufis n’avaient choisi la khalwa comme instrument de développement spirituel que dans le souci exclusif de suivre leur Prophète Muhammad lorsqu’il s’est isolé dans la grotte de Hirâ. C’est dans le refuge de cette grotte que le Prophète aimait réfléchir au mystère de l’Univers, parce qu’il y sentait une force invisible restée cachée pour lui [56]. Sa femme Khadîja Bint Khuwaylid (-1e H) a apporté son grand soutien par ses encouragements à cet isolement périodique.La frayeur de l’apparition surnaturelle de l’ange Gabriel (Jibrîl) lors de la Révélation avait en effet fait douter Muhammad de ses facultés mentales. Dès que l’heure de la Révélation s’est approchée, le Prophète s’est isolé pour purifier son tin (intériorité), et se préparer à recevoir le Message divin.Les disciples contemporains le font de la même manière, dans l’idée de recevoir les Secrets divins. C’est encore une similitude qui est restée fidèle à la source. Il s’agit de pratiquer la khalwa dans le but de purifier (tathîr) son âme.
C’est encore une similitude qui est restée fidèle à la source.Il s’agit de pratiquer la khalwa dans le but de purifier (tathîr) son âme.

 

Conclusion :

 

Au cours de notre recherche sur le thème de la « khalwa », nous avons rencontré des termes tels que « ru’ya (vision), munâjât (conversion intime), kashf (dévoilement), etc. », faisant toujours partie du vocabulaire utilisé dans le processus de la khalwa pratiqué actuellement. Ce sont quasiment les mêmes étapes et les mêmes scènes observées qui nous ont permis de mesurer l’impact et le rayonnement de la tradition selon laquelle la retraite spirituelle dans l’Islam est née avec le Prophète et est restée comme un athar, suivi et pratiqué par l’ensemble des cheminants dans le soufisme jusqu’à nos jours. Les retraites du Prophète se sont déroulées durant le mois de Ramadan, qui est resté le mois sacré de la retraite spirituelle (i’tikâf), du jeûne, de la prière et de la dévotion, jusqu’à l’heure actuelle. Pendant ce mois sacré, Muhammad se retirait dans la grotte pour penser à Dieu et méditer les livres révélés. Il s’agit du mois de la conversion durant lequel la révélation lui a été donnée. Le Ramadan devient donc le mois consacré à vénérer le Coran et à le réciter publiquement ainsi qu’à répandre ses enseignements. Tous les musulmans reconnaissent la place exceptionnelle qu’occupe le Coran durant ce mois sacré.

La littérature soufie semble en général peu loquace sur le sujet de la khalwa. Nous n’avons trouvé que quelques œuvres qui ont consacré de rares pages aux thèmes étroitement liés au sujet de la khalwa, de la ‘uzla ou de l’i’tikâf, parfois sous la forme d’un petit chapitre. Nous ressentons qu’actuellement le même problème demeure toujours, les études contemporaines ne donnant qu’un aperçu partiel de ce qu’est (ou devrait-être…) la khalwa. Ces études se concentrent essentiellement sur les pratiques en vigueur dans la branche de la khalwâtiyya, et très peu sur l’origine même de la khalwa et de ses réelles pratiques et bienfaits. C’est la raison pour laquelle nous invitons tous les spécialistes du soufisme à aller chercher dans nos archives afin d’exploiter le riche trésor que recèlent nos banques numériques. L’étude des manuscrits encore méconnus de nos jours reste le moyen le plus sûr pour développer notre savoir pour mieux le transmettre aux nouvelles générations. Un grand nombre de manuscrits sur la mystique et les sciences religieuses sont bien conservés dans les bibliothèques des zâwiya(s) (confréries musulmanes), à travers le monde arabo-musulman, mais restent peu ou pas du tout exploités ; il faut juste du courage et de la volonté pour aller frapper à ces portes.

    Bibliographie :


    - Auteur inconnu, Kitâb fî l-tasawwuf ‘alâ l-tarîqa l-Shâdhuliyya, 11e /17e, Manuscrit n° 4015, Bibliothèque d’Alexandrie, Alexandrie.


    - Auteur inconnu, Risâla fî l-khalwa, transcrit par Zuhayr Sabr Ibn Mustafâ, 1214/1799, Manuscrit n° 7547 / Qâf 521595, Université du Roi Saoud, Riyad.


    - Ben Romdhane Mohamed et Ouerfelli Tarek, « L’offre des archives ouvertes dans le monde arabe : recensement et évaluation », Conférence donnée à l’Université de la Manouba, Colloque « Métiers de l’information : des bibliothèques et des archives à l’ère de la différenciation numérique », Décembre 2012.


    - Boubrik Rahal, « Modèles de religiosité dans l’Ouest saharien XVII-XIX siècles », dans Jean d’Arbaumont, Pierre Boilley, Christophe-M Brenneisen, Jean Fabre, François Soleilhavoup, dir., L’Ouest saharien : Etat des lieux et matériaux de recherche, coll. Cahiers d’études pluridisciplinaires, vol. 1, Paris, L’Harmattan, 1998.


    - Chabbi Jacqueline, Le Coran décrypté : Figures bibliques en Arabie, Paris, Fayard, 2008.


    - Chebel Malek, L’imaginaire arabo-musulman, Paris, Presses Universitaires de France, 2015.


    - Encyclopédie de l’Islam. Brill.


    - Ghamrî Muhammad Zayn al-‘Âbidîn (al-), al-Jalwa fî bayân aqsâm al-kashf wa l-‘uzla wa l-khalwa, transcrit par Muhammad Sabt al-Marsifî, Manuscrit n° 2-258, Université Umm al-Qura, La Mecque.


    - Glassé Cyril, Dictionnaire Encyclopédique de l’Islam, Paris, Bordas, 1991.


    - Gobillot Geneviève, « Le Mahdî, le khatm al-awliyâ et le qutb. Évolution des notions entre sunnisme et chiisme », Mélanges de Sciences Religieuse, 2002, vol. 59, pp. 5-30.


    - Gœffroy Éric, Initiation au soufisme, Paris, Fayard, 2003.


    - Ibn ‘Arabî Muhyi l-Dîn, al-Futûhât al-makiyya, t. 1, édité et annoté par Ahmad Shams al-Dîn, Beyrouth, Dâr al-kutub al-‘ilmiyya, 1999.


    - Ibn ‘Arabî Muhyi l-Dîn, Kitâb istilâh al-sûfiyya [Le livre des termes techniques du soufisme], introduit et traduit de l’arabe par Slimane Rezki, Paris, Tabernacle des Lumières, 2010.

    underline ;">Tabaqât al-kubrâ, t 2, Beyrouth, Dâr al-kutub al-‘ilmiyya, 2007.


    - Shatanûfî Abî l-Hasan (al-), Bahjat al-asrâr wa ma’dan al-anwâr, Le Caire, Al-Maktaba al-Azhariyya li-l-turâth, 2001.


    - Sulamî Abû ‘Abd al-Rahmân (al-), Sulûk al-‘ârifîn, présenté par Nadia Zeidan, Le Caire, Dâr al-kutub al-‘arabiyya, 1974.


    - Vigneron David et Nguema-Obame Roger, Lettres, arts, sciences humaines et sociales, coll. Revue Africaine, n° 6, Paris, L’Harmattan, 2013.

    Notes

    [1Il a été noté qu’« un pays comme le Brésil par exemple compte 103 archives ouvertes […]. Par ailleurs le nombre des AO de ce pays est de 5 à 8 fois supérieur au nombre total des AO des 22 pays arabes ». Mohamed Ben Romdhane et Tarek Ouerfelli, « L’offre des archives ouvertes dans le monde arabe : recensement et évaluation », Conférence donnée à l’Université de la Manouba, Colloque « Métiers de l’information : des bibliothèques et des archives à l’ère de la différenciation numérique », Décembre 2012.

    [2La situation change complètement pour les revues en libre accès, puisque l’Algérie est la plus active dans le monde arabe avec 30 revues devançant ainsi l’Arabie Saoudite, avec seulement 17 revues. Idem.

    [3Toutes les autres archives appartiennent à des institutions universitaires.

    [4Litt. manuscrit.

    [5Mohamed Ben Romdhane et Tarek Ouerfelli, Décembre 2012.

    [6الخلوة و العزلة و الكشف أقسام بيان في الجلوة

    [7Dans cet article, nous avons transcrit les consonnes arabes de la manière suivante : (le ح par h), (le ص par s), (le ض par d), (le ط par t), (le ظ par z) et (le ع par ‘). Les voyelles : (le ا par â), (le و par û), et (le ي par î).

    [8السماع أحكام في رسالة

    [9المبهتة السماع مسائل عن المسكتة الأجوبة

    [10الشاذلية الطريقة على التصوف في كتاب

    [11Nous précisons que ce manuscrit ne traite pas le sujet de la khalwa dans son texte, c’est la raison pour laquelle nous tenons à le présenter d’une manière rapide. Il nous a servi, uniquement, pour traiter le sujet du « Nom suprême » employé dans les prières des adeptes de la khalwa.

    [12رسالة في الخلوة

    [13Le cahier, selon la définition traditionnelle, est un ensemble de bi-feuillets emboîtés les uns dans les autres et unis par un même passage du fil de reliure. Le cahier peut éventuellement se composer d’un seul bi-feuillet, ou même d’un feuillet dépareillé, cousu indépendamment. Maria Luisa Russo, « Connaître et conserver le manuscrit islamique », dans Alessandro Giacomello et Alessandro Pesaro, dir., Sauvegarde des bibliothèques du désert, Udine, Litho Stampa, 2009,p. 122.

    [14Le naskhî est une écriture cursive, il est natif du 12e siècle où déjà, la civilisation arabe a conquis l’essentiel de ses outils intellectuels et esthétiques. Ce style calligraphique s’imposa aux lettrés musulmans comme l’une des écritures les plus raffinées. Il est de Mossoul, une ville d’Iraq. Malek Chebel, L’imaginaire arabo-musulman, Paris, Presses Universitaires de France, 2015, p. 53.

    [15En arabe : Jâmi’at al-malik Sa’ûd ; en anglais : King Saud University ou KSU. Construite en 1957 à Riyad, elle devient la première université en Arabie saoudite, et porte le nom de son fondateur Sa’ûd Ibn ‘Abd al-‘Azîz Âl Sa’ûd. Elle a eu pour nom Université de Riyad jusqu’en 1982. La bibliothèque de la Fondation offre à ses lecteurs plus de 610 000 volumes de documents.

    [16La tarîqa l-Qâdiriyya compte parmi les plus anciennes et les plus importantes confréries de l’Islam, tirant son nom du « sultan des saints » (sultân al-awliyâ) comme on l’appelle souvent, ‘Abd al-Qâdir al-Jîlânî (6e H), le grand Patron de Bagdad, celui que l’on entend qualifier aussi de pôle mystique de l’Orient.

    [17‘Abd al-Qâdir AL-JÎLÂNÎ, al-Tarîq ilâ Llâh, kitâb ‘an al-khalwa wa l-bay’a wa l-asmâ al-sab’a, présenté par Muhammad Ghasân Nasûh ‘Azqûl, 2e éd. Damas, Dâr al-Sanâbil, 1994.

    [18فَفِرُّوا إِلَى اللَّهِ إِنِّي لَكُمْ مِنْهُ نَذِيرٌ مُبِينٌ (50) وَلَا تَجْعَلُوا مَعَ اللَّهِ إِلَهًا آَخَرَ إِنِّي لَكُمْ مِنْهُ نَذِيرٌ مُبِينٌ (51)

    [19al-Khidr : (turc. Hizir), symbolise dans la tradition turque la végétation renaissante du printemps. On croit que lorsque ce personnage se manifeste sur la terre, l’herbe sèche reverdit sur son passage. Un autre trait de sa personnalité légendaire est qu’il vient au secours des êtres en détresse, plus particulièrement de ceux qui sont en danger de naufrage, en mer, ou égarés dans le désert. Boratav,p. N. "Khidr-Ilyâs". Encyclopédie de l’Islam. Brill Online, 2013.

    [20al-Khidr a connu les saints dès le commencement, selon les décrets divins (maqâdîr). À ce propos, G. Gobillot disait : « Il [al-Khidr] a désiré se joindre à eux et c’est ainsi que l’immortalité lui a été accordée. Il est parmi eux au long des siècles. Il ressuscitera avec eux à la fin des temps, avec la communauté de Muhammad. Geneviève Gobillot, « Le Mahdî, le khatm al-awliyâ et le qutb. Évolution des notions entre sunnisme et chiisme », Mélanges de Sciences Religieuses, 2002, vol. 59,p. 10.

    [21Abî l-Hasan Al-Shatanûfî, Bahjat al-asrâr wa ma’dan al-anwâr, Le Caire, Al-Maktaba al-Azhariyya li-l-turâth, 2001,p. 44.

    [22al-Mujâhada (combat Spirituel) : cela consiste à mener l’âme à ses limites corporelles et ainsi, de contrecarrer les passions (charnelles) en tout état. Muhyi l-Dîn Ibn ‘Arabî, Kitâb istilâh al-sûfiyya [Le livre des termes techniques du soufisme], introduit et traduit de l’arabe par Slimane Rezki, Paris, Tabernacle des Lumières, 2010,p. 12.

    [23Jîlânî (6e H) a construit un ribât (refuge) soufi à côté de son école où on enseignait les sciences du shar’ (Loi islamique) à Bagdad. Cet attachement était une première au tour de la relation entre le tasawwuf et le fiqh à cette époque.

    [24Al-Shatanûfi, op. cit., p. 45.

    [25Selon Ibn ‘Arabî (7e H), le Baqâ (Permanence) est la vision de l’homme qui voit réellement l’autorité d’Allâh sur toute chose. Alors que pour Qushayrî (5e H), ce terme signifie la stabilité, l’immobilité, en fait la réalisation la plus centrale. L’état de « Permanence » est celui de l’état de conscience rattaché à notre condition la plus stable, c’est-à-dire, celle que nous vivons quotidiennement sans effort de concentration particulier. Cependant, il ne correspond pas à l’état du profane mais à celui du connaissant qui a traversé les neuf sphères et s’est stabilisé dans l’état central. Ibn ‘Arabî, Kitâb istilâh al-sûfiyya, op. cit., p. 9.

    [26Al-Shatanûfî, op. cit., pp. 46- 47.

    [27Auteur inconnu, Risâla fî l-khalwa, op. cit., p. 6 et dans Al-Jîlânî, al-Tarîq ilâ Llâh, op. cit., p. 59.

    [28L’auteur ne précise pas la quatrième catégorie.

    [29Auteur inconnu, Risâla fî l-khalwa, op. cit., pp. 6-7 et dans AL-JÎLÂNÎ, Al- Tarîq ilâ-Llâh, op. cit., voir p. 59.

    [30Les Bédouins arabes antéislamiques, comme les autres peuples, attribuaient aux animaux les qualités et les défauts des hommes, ainsi que le prouvent nombre de proverbes antérieurs à l’Islam. Ces proverbes se présentent presque tous sous la forme d’un élatif suivi du nom de l’animal.Par exemple, on prête de la bêtise à l’outarde (ahhmaq min hubârâ), de l’audace au lion (jur’a min layth), etc. L’index de ces proverbes se trouve dans K. al-Hayawân de Jâhiz (3e H).CH. Pellat. ‘’Hayawân’’.
    Encyclopédie de l’Islam. Brill Online, 2014.

    [31Ibn ‘Arabî, Kitâb istilâh al-sûfiyya, op. cit.,p. 17.

    [32Muhyi l-Dîn Ibn‘Arabî, Majmû’at rasâ’il Ibn ‘Arabî, t 1, édité et annoté underline ;">h, Beyrouth, Dâr al-mahajja l-baydâ, 2000, p. 274.

    [33Muhyi l-Dîn Ibn‘Arabî, al-Futûhât al-makkiyya, t 1, édité et annoté par Ahmad Shams al-Dîn, Beyrouth, Dâr al-kutub al-‘ilmiyya, 1999, p. 54.

    [34Pour expliquer que veut dire le wârid, Mâ’ al-‘Aynayn (14e H) nous a d’abord précisé ce que veut dire le wird, c’est tout ce qui provient d’un adorateur comme mu’âmala (comportement) et ‘ubûdiyya (servitude) envers son Adoré (Dieu). Mais la définition spéciale qu’il propose c’est que le wârid est ce qui provient de l’Adoré envers Son adorateur sous la forme de karâma (faveur divine) et de lutf (tendresse). Mustafâ Mâ’ al-‘Aynayn Al-Shanqîtî, al-Îdâh li-bacd al-istilâh, présenté par Muhammad al-Darîf, Rabat, Mu’assasat al-shaykh Murabbîh Rabuh, 2001, p. 5.

    [35Ibn ‘Atâ’ Allâh Al-Iskandarî, Miftâh al-falâh wa mish al-arwâh, présenté par Muhammad ‘Abd al-Salâm Ibrâhîm, Beyrouth, Dâr al-kutub al-‘ilmiyya, 2005, p. 39.

    [36Abî l-Mawâhib Al-Sha’rânî, al-Tabaqât al-kubrâ, t 2, Beyrouth, Dâr al-kutub al-‘ilmiyya, 2007, p. 413.

    [37قُلْ هَلْ أُنَبِّئُكُمْ بِشَرٍّ مِنْ ذَلِكَ مَثُوبَةً عِنْدَ اللَّهِ مَنْ لَعَنَهُ اللَّهُ وَغَضِبَ عَلَيْهِ وَجَعَلَ مِنْهُمُ الْقِرَدَةَ وَالْخَنَازِيرَ وَعَبَدَ الطَّاغُوتَ أُولَئِكَ شَرٌّ مَكَانًا وَأَضَلُّ عَنْ سَوَاءِ السَّبِيلِ (60)

    [38وَلَقَدْ عَلِمْتُمُ الَّذِينَ اعْتَدَوْا مِنْكُمْ فِي السَّبْتِ فَقُلْنَا لَهُمْ كُونُوا قِرَدَةً خَاسِئِينَ (65)

    [39فَلَمَّا عَتَوْا عَنْ مَا نُهُوا عَنْهُ قُلْنَا لَهُمْ كُونُوا قِرَدَةً خَاسِئِينَ (166)

    [40Ibn ‘Arabî disait que la contemplation (mushâhada) est relative à la faculté de voir toute chose à la lumière du tawhîd. C’est également la faculté de voir Dieu en toute chose, mais c’est également la certitude la plus profonde qui ne laisse la place à aucun doute. Ibn ‘Arabî, Kitâb istilâh al-sûfiyya, op. cit., p. 14.

    [41Auteur inconnu, Risâla fî l-khalwa, op. cit., voir p. 7 sq et dans Al-Jîlânî, al-Tarîq ilâ Llâh, op. cit., voir p. 61 sq.

    [42Auteur inconnu, Risâla fî l-khalwa, op. cit., pp. 7-8 et dans Al-Jîlânî, al-Tarîq ilâ Llâh, op. cit., p. 63.

    [43Éric Gœffroy, Initiation au soufisme, Paris, Fayard, 2003, p. 64.

    [44Abû ‘Abd al-Rahmân Al-Sulamî, Sulûk al-‘ârifîn, présenté et traduit de l’arabe par Nadia Zeidan, Le Caire, Dâr al-kutub al-‘arabiyya, 1974, p. 135.

    [45Al-Sha’rânî, al-Tabaqât al-kubrâ, op. cit., p. 249.

    [46Ibid., 497.

    [47Suhayb Roumi, al-Tasawwuf al-islâmî, Beyrouth, Bissan, 2007, p. 160.

    [48Auteur inconnu, Risâla fî l-khalwa, op. cit., pp. 8-9 et dans Al-Jîlânî, al-Tarîq ilâ Llâh, op. cit., pp. 63-64.

    [49Cyril Glassé, Dictionnaire Encyclopédique de l’Islam, Paris, Bordas, 1991, p. 385.

    [50Al-Shanqîtî, op. cit., p. 5.

    [51Ibn’Arabî, Kitâb istilâh al-sûfiyya, op. cit., p. 14.

    [52Auteur inconnu, Risâla fî l-khalwa, op. cit., p. 3 et dans Al-Jîlânî, al-Tarîq ilâ Llâh, op. cit., pp. 50-51.

    [53Rahal Boubrik, « Modèles de religiosité dans l’Ouest saharien XVII-XIX siècles », dans Jean d’Arbaumont, Pierre Boilley, Christophe-M Brenneisen, Jean Fabre, François Soleilhavoup, dir., L’Ouest saharien : Etat des lieux et matériaux de recherche, coll. Cahiers d’études pluridisciplinaires, vol. 1, Paris, L’Harmattan, 1998, p. 89.

    [54David Vigneron et Roger Nguema-Obame, Lettres, arts, sciences humaines et sociales, coll. Revue Africaine, n° 6, Paris, L’Harmattan, 2013, p. 106.

    [55Auteur inconnu, Risâla fî l-khalwa, op. cit., p. 6 et dans Al-Jîlânî, al-Tarîq ilâ Llâh, op. cit., p. 59.

    [56À ce propos, J. Chabbi avance la remarque interculturelle suivante : « La tradition post coranique fait de cette ‘‘retraite montagnarde’’ le lieu privilégié et primordial de la Révélation et aussi le lieu de la première rencontre de Muhammad avec Gabriel. On osera dire qu’il s’agit d’une optique qui s’est probablement constituée après coup et avec des effets de duplication et de miroir : Moïse gravit seul la montagne de Dieu, Jésus se retire au désert ; alors il faut bien que Muhammad ait à raconter une histoire de même sorte. Il s’isole des siens dans une grotte, et c’est là que lui vient la révélation ». Jacqueline Chabbi, Le Coran décrypté : Figures bibliques en Arabie, Paris, Fayard, 2008, p. 75.


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