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Un jardin frais surplombe le bruit de la ville,
C’est un café imitant d’antiques terrasses
De Babylone, de la Grèce, de Rome la ville,
Pour ses las visiteurs, calme et colonnes grasses ;
Puisons-y notre repos, lecteur lourd et riche,
Car il faut des richesses et du temps gratuit
Pour tirer du somptueux et tiède postiche
L’agrément qui frémit dans son pierreux étui.
Imagine-toi : une large et longue allée
Remplie de femmes et de maroquins garnis,
De serveurs choisis et de serveuses hâlées
Blondes ou sombres, qui comme des statues vernies
Marchent dans la travée pour compléter du style
De ce café luisant la douce et paresseuse,
L’éphémère rêverie d’un lourd péristyle,
Dont la riche apparence appelle l’œil des gueuses.
Mais enfin ! Repose-toi, malgré tout, ici.
Laisse s’épanouir la fleur de ton plaisir
Maigre et étouffant sous ton arbitre rassis,
Dont ton cœur affaibli ne peut se dessaisir.
Respire, respire doucement l’ample senteur
Qui ramasse tes souvenirs, d’orange verte,
Et verse dans l’air l’épice douce, la sueur
Des arbres haut dressés et des plantes disertes
Qui somnolent et somnole, sous ton rêve agile,
Lecteur généreux, toi qui paies de ta demeure
Les factures sans but que des lois volatiles
Multiplient dans les mains de lointains percepteurs.
J’enlace les beautés de tes hargneux rochers
Mais aussi plus loin sur ton visage de fille,
Les vallons incessants et les forêts cachées
Dont les nuits exhalent les mythes qui frétillent,
Belle Europe. Ton bassin dit l’Antique le monde,
Entièrement et les courants les plus contraires,
L’ont emprunté dans des danses, des traits et des rondes
Qui firent des cadavres, des peintres et des frères ;
Europe de passion et terre de Mercure,
Un siècle ouvre le gouffre, dont tu ouvres la porte :
Rappelle à la musique, la foi et la mesure,
Les âmes et les cœurs enclos que tu transportes !
Choisis toujours l’ordre et le repos agréables,
L’écrin du Mystère, les forêts pleines de fruits
Que tu cueilles sur les branches des arbres stables,
Dans un jardin reformé, lentement construit.
D’immenses prédateurs ronflent abondamment.
La pulsion de leurs veines que l’âge dessine
Sous la blanche couleur de leur chœur embuant
Berce subtilement leurs crânes sans racines.
Dans le sommeil oublieux chargé des festins
De richesses, de pouvoir, de secrets, de mangroves,
Qui furent la puissance agitant ces pantins,
Un rêve unique orchestre leurs têtes qui lovent.
L’obésité confond ces liasses de reptiles
Que le songe endort pour que d’autres somnambules,
Les corps informes dans des âmes imbéciles,
Repassent leur jeunesse où les rêves circulent.