N° 140, juillet 2017

Le travail des femmes en Iran :
la lutte pour l’égalité


Shahâb Vahdati


Depuis 1975, le pouvoir de la femme dans la famille iranienne augmente continuellement. On peut constater au sein des familles iraniennes une marche vers la démocratisation et la réduction du rôle de l’homme dans la prise de décisions. Selon un sondage d’opinion effectué en 1975, pour 72% des sondés, ce sont les hommes de la famille qui prennent univoquement les décisions. En 2004, cette proportion a diminué à 33%.

 

La scolarisation féminine en Iran

 

Avec la généralisation de l’éducation gratuite et l’évolution de la société vers une plus grande reconnaissance sociale de la nécessité pour les femmes de s’instruire, l’éducation des femmes a connu une progression croissante. Durant l’année universitaire 1977-1978, il y avait en Iran 175 675 étudiants, dont 30,8% d’étudiantes. En 1996-1997, ce nombre atteint 1 192 538, avec 38,5% de femmes. En 2000-2001, ce nombre passe à 1 577 000, dont 47,3% de femmes. En 2011, il y avait 4 117 208 d’étudiants en Iran, dont 51% de femmes.

En 1976, le taux d’alphabétisation est de 59% pour les hommes, et 36% pour les femmes. En 2006, l’écart entre le taux d’alphabétisation des femmes et des hommes s’est fortement réduit pour atteindre 8% (89% pour les hommes et 81% pour les femmes).

Pour certains, le nombre élevé d’étudiantes a créé une féminisation de l’université en Iran. Cependant, l’égalité au droit d’accès aux études supérieures invalide cette critique. Cette vision ne prend également pas en compte les possibilités d’accès au marché du travail pour les femmes après les études.

Le nombre élevé d’étudiantes a créé une féminisation de l’université en Iran

Les raisons de la présence accrue des femmes iraniennes dans l’enseignement supérieur

 

De nombreuses causes individuelles et sociales poussent les Iraniennes à se lancer dans des études supérieures. Les raisons personnelles sont de l’ordre de la recherche de l’épanouissement personnel, l’indépendance financière, la participation active à la société et l’ascension sociale. Parmi les raisons sociales, citons notamment le taux élevé de l’inflation de l’économie iranienne et donc l’élévation du coût de la vie (qui force certaines femmes à travailler), la diffusion de la culture de consommation, la mondialisation ou le développement des médias et les images qu’ils véhiculent.

Les statistiques sur les taux de scolarisation à différents niveaux d’enseignement (à l’exception de l’école primaire) montrent, depuis les années 1990, la généralisation d’une norme sociale féminine d’accès aux études supérieures et de lutte contre la discrimination générique. Dès le premier Concours national d’entrée aux universités qui s’est tenu après la "Révolution culturelle" en 1983, on constate déjà que sur un total de 312 685 participants, 131 427 sont des femmes et 151 258 des hommes.

 

La présence féminine aux postes de cadres

 

La présence féminine est comparativement faible sur le marché du travail, en particulier dans les postes de direction. Selon les statistiques, en 1996, il y avait 726 femmes directrices en Iran dont 27% de cadres supérieurs, 9,2% de cadres intermédiaires et 83,77% de cadres de base. Cependant, de 1996 à 2001, le nombre de cadres femmes a sensiblement augmenté, avec une croissance annuelle de 32,10%, pour passer de 726 à 11 286 personnes.

Selon les statistiques de 2001, les deux ministères de la Santé et de l’Economie et des Finances, avec respectivement 64,25% et 31,19%, emploient le plus grand nombre de femmes directrices. Le ministère de la Défense avec 0,9%, le Parlement avec 0,25% et le ministère des Affaires étrangères avec 0,67% ont le plus faible nombre de femmes cadres parmi les organes gouvernementaux.

Le taux de l’activité des femmes est en rapport étroit avec leur niveau d’éducation. Les femmes diplômées des universités sont 4 fois plus nombreuses sur le marché du travail que celles ayant un diplôme du secondaire, et 13 fois plus nombreuses que les femmes illettrées.

Au vu de la croissance économique du pays, la faible présence des femmes à des postes de direction élevés révèle que la société iranienne n’est pas tout à fait prête à les voir occuper de tels postes. Cette situation découle de la culture et des coutumes ancestrales qui évoluent certes, mais lentement. Sur la base d’une enquête nationale menée en 2003 sur les valeurs et les attitudes des Iraniens, la majorité de la population (soit environ 75%) est d’accord avec l’idée que les femmes travaillent. Pourtant, beaucoup d’hommes mariés ne sont pas favorables à l’idée que leurs épouses travaillent. Précisons cependant que les statistiques montrent que cette vision évolue également : en 1974, 74% des hommes mariés étaient opposés à ce que leurs femmes travaillent, contre 69% en 2004.

Selon les sondages publiés en 2011 par le Centre des Statistiques de l’Iran, le taux de participation économique des femmes est de 36,9% sur l’ensemble des acteurs économiques, avec respectivement 35,8% pour les zones urbaines et 39,8% pour les zones rurales.

Ce taux assez faible de participation économique des femmes fait écho au taux de chômage féminin, qui est le double du chômage masculin. Le taux de chômage pour les hommes et les femmes a été respectivement de 10,5% et 20,9% pour l’année 2012.

 

Seules 13% des femmes salariées travaillent dans des bureaux.

Le type d’emplois occupés par les femmes en Iran

 

Selon les statistiques officielles disponibles, seuls 13% des femmes salariées travaillent dans des bureaux, les autres travaillant depuis leur domicile. De plus, selon un sondage effectué en 2006, 29,6% des employées sont des personnes ayant effectué des études universitaires, et 20,1% sont des artisans. Il semble que la majorité des femmes actives dans le secteur de l’artisanat et des métiers manuels n’aient pas de formation universitaire.

Les femmes forment 49,8% de l’ensemble des diplômés des universités et 42,8% de la population active. Cela montre que la majorité des diplômées peut trouver du travail sur le marché national. Les fonctions publiques de haut niveau et les métiers exigeant une qualification poussée forment 18% du marché de l’emploi en Iran et 14% des hommes actifs y sont employés contre 40% des femmes, ce qui montre que ces dernières ont besoin de meilleures qualifications professionnelles que les hommes pour entrer sur le marché du travail, ce qui semble également expliquer en partie leur nombre à l’université.

D’après le président du Centre iranien des Statistiques Adel Azar, le marché du travail iranien reste principalement orienté vers les hommes. Il estime également que les métiers disponibles sont souvent plus adaptés pour les hommes. Il estime cependant que la diminution du taux de participation économique des femmes de 14,1% à 12,6% entre 2010 et 2011 ne montre pas une tendance notable.

La loi votée par le Conseil supérieur de la Révolution culturelle définit les devoirs essentiels de la femme avant tout en tant qu’épouse et mère. [1] L’article 5 de cette loi catégorise les métiers souhaitables pour les femmes selon une perspective sexiste, les divisant en quatre types : le premier groupe comprend les métiers respectueux des spécificités physiques et psychologiques féminines, avec pour exemple les métiers de la recherche, l’ingénierie électronique et informatique, la pharmacologie, les métiers de l’assistance publique et sociale, les métiers de langue comme la traduction et l’écriture... La seconde catégorie comprend les métiers recommandés par la tradition islamique tels que les métiers médicaux, la recherche scientifique, la médecine, ou l’enseignement. La troisième catégorie comprend les métiers unisexes, où seules comptent l’expérience et la qualification, comme le travail ouvrier. La quatrième catégorie concerne les métiers interdits aux femmes ou jugés dangereux, tels que le métier de pompier ou la magistrature.

Les conditions inégales de travail pour les femmes existent à tous les niveaux, et comprennent notamment le recrutement, le salaire et les possibilités de promotion, etc. Elles découlent des structures culturelle, économique et sociale iraniennes.

 

Les problèmes les plus importants liés à l’emploi des femmes

 

La principale source de conflit entre les hommes et les femmes dans la société actuelle a été formée par une répartition inégale du pouvoir et des ressources qui sont à la disposition des hommes dans différents domaines de la vie sociale.

La presse et les médias exagèrent parfois le nombre élevé des femmes dans les universités. Selon eux, ce phénomène sera à l’origine de certains problèmes dans le futur. Plus les filles accèderont à l’enseignement supérieur, plus le niveau de leurs attentes augmentera pour leur mariage ; elles voudront notamment des jeunes hommes aussi bien instruits. Par ailleurs, le nombre de jeunes filles qui étudient à l’université dépasse celui des garçons (qui doivent faire leur service militaire), et qui peut contribuer à renforcer ce déséquilibre. Une jeune fille qui détient un diplôme de master ou de doctorat refusera de se marier avec un jeune homme qui n’a pas de diplôme universitaire. Ainsi, le désir d’accéder à l’indépendance et à une carrière chez les jeunes filles augmentera le niveau de leurs attentes en matière de mariage.

 

Congrès national de femmes iraniennes

Les problèmes issus de l’interférence entre le devoir professionnel et les responsabilités dans la famille pour les femmes

 

Dans les sociétés traditionnelles, on considère en général que la tâche essentielle de la femme est d’élever les enfants et de gérer le ménage. Ainsi, elles disposent moins que les hommes des possibilités de s’instruire et préfèrent les métiers qu’on peut faire à domicile.

Selon l’article 1106 du Code civil iranien, il appartient au mari de payer à sa femme une pension alimentaire permanente et de fournir un logement, des vêtements, des aliments et du confort qui conviennent à son statut. Elle doit pouvoir disposer d’une aide en cas de maladie ou de handicap. L’article 1199 du Code civil souligne qu’il appartient au père de payer les charges des enfants et après la mort du père ou de son incapacité, ce devoir est exercé par la famille du père. Selon l’article 1117 du Code civil, le mari peut interdire à sa femme de pratiquer une profession qu’il juge préjudiciable aux intérêts ou à la dignité de la famille ou de lui-même.

Conclusion

 

L’éducation des femmes a connu en Iran une croissance constante au cours des dernières décennies. La raison la plus importante est en premier lieu la progression qu’a connue leur éducation qui leur permet d’entrer sur le marché de travail. Cependant, malgré l’élévation conséquente de leur taux de scolarisation dans l’enseignement supérieur, le nombre des femmes occupant des postes à responsabilité reste négligeable. L’opinion selon laquelle les hommes doivent être les principaux fournisseurs de la force du travail reste assez répandue dans la société iranienne. Les femmes sont considérées comme des êtres économiquement dépendants dont la situation idéale est de rester au foyer pour prendre soin des enfants. Leur activité professionnelle est perçue comme une aide pour couvrir les charges supplémentaires et augmenter un peu les revenus de la famille, mais non une recherche de carrière cohérente. Cette opinion courante justifie la discrimination à leur encontre. D’autres prétextent même que le taux élevé de chômage des hommes et le manque d’offres d’emploi est lié à la présence des femmes.

Cette opinion est acceptée par certaines couches sociales. Selon cette mentalité, si le nombre d’offres d’emplois est faible, la priorité revient aux hommes qui sont considérés comme le soutien de la famille ; l’idée que le rôle des femmes est secondaire continuant à exister sur le marché du travail.

Notes

[1Sous la rubrique de « Les politiques de la République Islamique d’Iran pour créer des emplois pour les femmes ».


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