N° 142, septembre 2017

Les minorités de Kermânshâh


Khadidjeh Nâderi Beni


Les fouilles archéologiques à Kermânshâh attestent que depuis plusieurs milliers d’années, cette région a été le lieu de résidence d’un grand nombre d’ethnies iraniennes. De nos jours, la région jouit toujours d’une grande diversité ethnologique et donc culturelle. La province actuelle de Kermânshâh abrite plus particulièrement une grande partie de la population kurde d’Iran. Selon les documents historiques, les Kurdes sont considérés comme descendants des Mèdes et jouissent d’une riche et ancienne civilisation. Les Kurdes de Kermânshâh habitent surtout dans les régions montagneuses du sud de la province. Ils comptent parmi les peuples qui sont les moins mélangés aux étrangers d’un point de vue biologique aussi bien que linguistique, culturel et littéraire. Nous présentons ici les tribus kurdes les plus connues de Kermânshâh, en donnant tout d’abord un bref aperçu au sujet de deux autres minorités de la province : les Lors et les Turcs.

Homme de Ghasr-e Shirin

 

Les Lors

 

Ethnologiquement, les Lors de Kermânshâh sont issus des Kassites, un peuple de l’Orient ancien. Ils font partie de l’ensemble de la population lors qui vit dans les montagnes de Zagros à l’ouest et au sud-ouest de l’Iran. L’origine de ce peuple remonterait au XVIIIe siècle av J.-C. Les Lors de Kermânshâh résident surtout à l’ouest de la province. Une grande partie de cette population est des éleveurs nomades, marqués par l’influence très forte des chefs de tribus. Parmi les tribus Lors de Kermânshâh, on peut surtout citer le nom des Kalhors qui sont plutôt connus comme étant des nomades kurdes du sud de la province. Toutefois, selon des documents historiques, les Kalhors sont d’origine lori et ont parlé en dialecte lak - l’une des branches de la langue lori - durant une longue période. Les Kalhors habitent surtout à Eslâm Abâd Gharb et Sarpol-e Zahâb, et comprennent plusieurs ethnies dont Tchenâr, Hassan Abâd et Mâhidasht. Selon certains historiens, durant la dynastie des Mongols (XIIIe siècle), Ghasr-e Shirin était l’un des cantons du Lorestân et ses habitants étaient pour la plupart des Lors.

 

Les Kurdes de Kermânshâh

Les Turcs

 

Les Turcs de Kermânshâh sont particulièrement concentrés à Songor [1], ville située à 85 km du nord-est de Kermânshâh (chef-lieu de la province). De nos jours, un bon nombre de Kurdes iraniens et irakiens se sont installés à Songhor et de ce fait, la langue et la culture des Turcs de cette région ont été énormément influencées par ces émigrants.

 

Les tribus kurdes de Kermânshâh

 

-La tribu Sandjâbi : Considérée comme l’une des grandes tribus kurdes de Kermânshâh, les Sandjâbi habitent au sein d’une vaste étendue à la frontière ouest de la province et de ce fait, ils ont joué un rôle de premier plan dans la sauvegarde des terres iraniennes contre les menaces étrangères. Durant la Révolution constitutionnelle iranienne (1905-1911), les membres de la tribu ont eu un rôle significatif dans ce mouvement. Les Sanjâbi résident surtout à Eslâm Abâd-e Gharb, et sont plus particulièrement établis sur les terres fertiles de Mâhidasht. Cette tribu est divisée en plusieurs familles dont les plus importantes sont les Tchelâvi, Bâghi, Siminvand, Sorkhaki, Kâkâ, Abbâsvand, et les Dolatmand.

La tribu Gourân, les Sanjâbi

 

-La tribu Zanganeh : Selon certains historiens, les Zanganeh sont les descendants de Zangueh, l’un des braves guerriers des épopées persanes. De nos jours, ils résident pour l’essentiel dans plusieurs provinces iraniennes dont le Fârs, le Khouzestân, Kohkilouyeh va Boyer Ahmad et Hamedân. Les Zanganeh de Kermânshâh sont établis surtout à Holilân et Guilân-e Gharb. Selon les textes historiques, durant la dynastie de Shâh Abbâs le Grand (qui régna de 1588 à 1629), cette tribu jouissait d’une armée puissante qui accompagnait les troupes royales dans les batailles des Abbassides contre les Ottomans. La tribu Zanganeh comporte quatre clans : Tchoubin, Kondouleh, Osmânvand et Namivand.

 

-La tribu Gourân : Selon d’anciens textes historiques, l’ensemble des ethnies kurdes de Kermânshâh sont connues sous le nom de Gourân. De nos jours, les Gourâns, qui sont peu nombreux, habitent dans certains petits villages de la province dont Gahvâreh, Zahâb, Bânyâvân et Djaguivân. Leur nom provient du mot Gabrân, qui signifie "nobles". Toujours selon des documents historiques, la région de Gourân a été le quartier d’été de souverains sassanides. C’est le cas du monument historique de la forteresse de Ghal’e Zanguir qui fut la résidence d’Anuchirvan sassanide (531-579), et le château de Yazdgard III à Bâbâyâdeguâr. La tribu Gourân comprend plusieurs familles, les plus renommées étant les Tofangtchi et les Gahvâreh.

 

-La tribu Kerend : Située à 100 km du sud de Kermânshâh, la région de Kerend-e Gharb abrite une tribu historique kurde appelée les Kerend. Cette région montagneuse et fertile abrite plusieurs monuments historiques. Les peuples kerend sont divisés en plusieurs familles qui sont pour la plupart sunnites.

 

-La tribu Bânzardeh : Etant l’une des branches de la tribu Kalhori, les Bânzardeh sont des nomades sédentarisés dans différentes parties de Kermânshâh, et plus précisément à Guilân-e Gharb, Hâroun Abâd, Soumâr et au nord de Sar Pol-e Zahâb.

 

Musée d’anthropologie de Kermânshâh

-La tribu Zouleh : Selon les textes historiques, les Zouleh seraient les descendants de Zou, petit fils de Fereydoun, roi mythique du Shâhnâmeh de Ferdowsi. Zou est un mot pahlavi signifiant "aide". Les Zouleh sont pour la plupart des nomades qui choisissent les pâturages de Mehrân et de Dehlorân (tous deux situés à Ilâm) comme séjour d’hiver tandis que pendant l’été, ils émigrent dans les régions limitrophes de Songhor et Sahneh. Cette tribu comprend plusieurs branches dont les plus connues sont Youssefi, Rahimi, Nâderi et Shâhnazar.

 

-La tribu Djomour ou Djomir : Elle est l’une des branches de la tribu Bâdjelâni dont la population est dispersée en Iran aussi bien qu’en Irak. Les Djomirs d’Iran sont des nomades qui se déplacent régulièrement dans les provinces ouest dont celles de Kermânshâh, du Kurdistan et de Hamedan. Cette tribu est divisée en plusieurs clans dont ceux de Shâhveyssi, Rezâpour et Barâri.

 

-La tribu Djâf : Djâf est un mot kurde signifiant "homme brave". L’histoire de la tribu remonte à l’époque des Afsharides (1736-1749). Les Djâf ont joué un rôle important lors de la Révolution constitutionnelle. Ce terme désigne l’ensemble des clans de Djâf qui habitent à l’ouest de Kermânshâh et à l’est de Soleymânieh en Irak. La tribu comprend plusieurs clans ; les Djâf-e morâdi qui habitent à Erbil et Soleymânieh, les Djâf-e djavânroudi qui habitent à Djavânroud au nord de Kermânshâh, et les Beygzâdeh qui sont des Kurdes sunnites habitants de Pâveh.

 

-La tribu Torkâchvand : Les Torkâchvand sont des Lors d’Alechtar (ville située au nord du Lorestân) qui ont dû s’exiler à Hamedân à l’époque qâdjâre. Ce sont des éleveurs nomades qui ont choisi les montagnes de Sahneh et Kangâvar comme quartiers d’été.

 

-La tribu Kolyâyi : Les Kolyâyi sont majoritairement établis au nord de Kermânshâh. Cette tribu est divisée en plusieurs clans dont les plus connus sont Bâgvand, Soufivand et Moussivand. Pendant longtemps, ils ont été des éleveurs nomades qui se sont sédentarisés et habitent plutôt dans les régions nord de la province.

 

Habitants de Pâveh

-La tribu Bâdjelân ou Bâdjoulvand : C’est l’une des tribus de Kermânshâh dont les membres sont un mélange de peuplades kurdes et lors. Ils sont pour la plupart installés à Sar pol-e Zahâb ; toutefois selon les statistiques officielles, un certain nombre de Bâdjelân habitent dans d’autres provinces iraniennes dont celles du Lorestân et du Kurdistan, ainsi qu’à Mossoul en Irak. Ils parlent le Zâzâgourâni, considérée comme l’une des branches de la langue kurde.

 

-La tribu Ahmadvand : Installés au nord-ouest de Kermânshâh, les Ahmadvand sont divisés en quatre clans : Mir-Ahmadvand, Safâvand, Bahtouï et Djânkhâni.

 

-La tribu Pâyervand : C’est une tribu peu nombreuse dont les membres habitent au pied de la montagne de Bissotoun dans la région de Sahneh. La tribu comprend près de 300 familles qui ont été pendant longtemps des éleveurs nomades.

 

-La tribu Djalilvand : les membres de cette tribu habitent à Dinvar et Pilvar, districts situés à Sahneh.

Sources :


- Afshar, Iradj, Il-hâ va tavâyef-e ashâyeri-e Irân (Les tribus et les clans nomades d’Iran), Téhéran, Mo’allef, 1988.


- Khorramshâhi, Ziâoddin, Bânk-e Ettelâ’ât-e Kermânshâh (Banque d’informations sur Kermânshâh), Téhéran, Dâlâhou, 1996.

Notes

[1Songhor ou Sounghâr est un mot turc signifiant aigle. Ce mot est également le nom de l’un des grands commandants de l’armée des Seldjoukides (XIe-XIIe siècles).


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