N° 148, mars 2018

Le Hosseinieh A’zam de Zanjân


Zeinab Golestâni


Situé au sud de la ville de Zanjân, le Hosseinieh A’zam est considéré comme l’un des grands centres religieux chiites où se tient chaque année, au mois de Moharram [1], une importante cérémonie de commémoration du drame de Karbalâ. Cet édifice, connu sous le nom de Hosseinieh, a été donné en tant que legs pieux (waghf) il y a un siècle. Tous les ans, de grandes processions s’y déroulent la veille du 9e jour du mois de Moharram. Les participants à cette cérémonie offrent également à cette occasion de nombreux moutons sacrifiés.

Vue de l’hosseinieh A’zam de Zanjân

Les documents historiques écrits à propos de l’Hosseinieh A’zam

 

L’ancienneté de l’Hosseinieh A’zam de Zanjân

Il existe sept documents écrits datant de plus de 100 ans à propos de l’Hosseinieh A’zam. Ce sont, par ordre historique :

Les comptes-rendus de Târikh-e dâr-ol erfân-e khamseh (L’Histoire de cinq maisons du mysticisme).

Comprenant les témoignages de Mir Afshâr Beyg Zanjâni et de Mir Afzal Zanjâni, ce livre a été rédigé par Rostam al-Hokamâ, et date des périodes afshâride et zand. Considéré comme étant le document le plus ancien où apparaît le nom de l’Hosseinieh A’zam, il évoque l’existence de ce bâtiment à l’époque de Nâder Shâh, et même avant ce roi afshâride.

A l’époque, le tekiyeh [2] et le quartier portaient tous les deux le nom de hosseinieh, édifice dont la situation géographique est la même que le Hosseinieh actuel. Le nom de l’Hosseinieh apparaît pour la deuxième fois à la page 41 où est narrée l’histoire de l’emprisonnement du souverain de Zanjân par les troupes de Karim Khân Zand. Sont ensuite racontés le retour de ce souverain et son séjour dans le quartier où se trouve l’hosseinieh. Târikh-e dâr-ol erfân-e khamseh parle du quartier de l’Hosseinieh comme l’un des trois quartiers renommés de la ville de Zanjân au début des Qâdjârs, et qui ont été rénovés par Abdollâh Khân Osâli. Ce document historique témoigne de l’existence de ce lieu religieux avant les Zands, ainsi que de l’importance particulière du quartier de l’Hosseinieh à l’époque des Zands et durant les premières années de la dynastie qâdjâre.

Ancienne photo des participants de la commémoration du drame de Karbalâ à l’Hosseinieh A’zam

La date inscrite sur l’étendard de l’Hosseinieh A’zam

Daté de 1806 (1221 de l’Hégire lunaire), c’est-à-dire l’époque de Fath ‘Ali Shâh Qâdjâr, cet étendard en métal, qui est d’ailleurs reconnu comme l’étendard principal de l’Hosseinieh A’zam, est plus petit que les autres étendards de l’Hosseinieh. Conservé aujourd’hui à l’Hosseinieh A’zam, l’étendard principal fut confectionné en 1806.

La date gravée sur une épigraphe témoignant de la construction du bâtiment en 1845 (1261 de l’Hégire lunaire), époque de Mohammad ‘Ali Shâh Qâdjâr

Le troisième document écrit est une épigraphe où la date de 1261 de l’hégire lunaire (1845) est gravée sur la partie inférieure. De fait, cette date correspond à celle de la réparation de certains murs et des espaces publics de l’Hosseinieh. L’épigraphe affirme que les habitants du quartier ont achevé la construction de la mosquée en 1845. Pourtant, les reconstructeurs et les habitants du quartier sont d’avis que cette date est celle des rénovations de l’édifice. Cette épigraphe figure aujourd’hui sur le mur du couloir d’entrée de l’Hosseinieh.

Épigraphe où la date de 1261 de l’hégire lunaire (1845) est gravée sur la partie inférieure.

 

Un acte d’une fondation pieuse datant de 1878 (1295 de l’Hégire lunaire), époque de Nâssereddin Shâh Qâdjâr (Premier acte de fondation)

Estampillé par le cachet de Âkhound Mollâ Kâzem et de Hâj Mirzâ Lotfollâh Sheikh Salâm, le quatrième document indique la date de Safar 1295 de l’Hégire lunaire (février-mars 1878). Dans la partie inférieure de cet acte de fondation, figurent les noms de deux bienfaiteurs, à savoir Hâj Mirzâ Mohammad Taghi et Hâj Mirzâ Bâbayi, qui laissèrent deux magasins comme legs pieux. Cet acte de fondation insiste sur le fait que ces biens ont été consacrés à Hossein Ibn Ali, et que cette donation a été effectuée avec pour témoin Âlijenâb ‘Ali Asghar Rozeh-Khân (‘Ali Asghar le prédicateur). Celui-ci était le gestionnaire de l’Hosseinieh et organisateur des cérémonies tenues à cet endroit du 1er au 12 moharram.

 

L’allusion au nom de Tekiyeh de l’Hosseinieh dans le récit de voyage de Mohandes Abdollâh (Abdollâh l’ingénieur) en 1899 (1317 de l’Hégire lunaire), époque de Mozaffaredin Shâh Qâdjâr.

 

Un acte de fondation pieuse datant du 1904 (1322 de l’Hégire lunaire), époque de Mozaffaredin Shâh Qâdjâr (deuxième acte de fondation)

Cacheté par Âghâ Seyyed Abdolrahim Mojtahed, Âghâ Seyyed ‘Ali, et Âghâ Sheykh Ebrâhim, ce cinquième document, datant de 1904 (1322 de l’Hégire lunaire), est attribué à Hâj Mohammad Hâshem Shari-al-Olamâ. Ce document atteste de la fondation perpétuelle de 1/96e, et de 1/144e du village de Deljalâl, qui est l’un des villages de Sejasroud, en faveur des cinq écoles et mosquées de Zanjân en 1904. Parmi ces édifices apparaît le nom de la mosquée et de l’école de l’Hosseinieh. Selon les descriptions de cet acte, l’administrateur de cette fondation pieuse était tenu d’utiliser les revenus du village « pour le bien des cinq écoles et mosquées », et en second lieu, pour « la fourniture de l’eau nécessaire de ces bâtiments ». Aussi, les 9/10e de ces revenus étaient versés aux étudiants internes de l’école de l’Hosseinieh. Chaque chambrée logeait trois étudiants. Dès lors, le Hosseinieh devint à l’époque à la fois une école et une mosquée.

Ancienne photo de l’étendard principal de l’Hosseinieh A’zam porté par des personnes

 

Le recensement de la population du quartier de l’Hosseinieh et la mention du nom de Tekiyeh de l’Hosseinieh dans Dâr-o-Sa’âdeh de Zanjân (Demeure de la félicité de Zanjân), livre datant de 1868-1873 (1285-1290 de l’Hégire lunaire), époque de Nâsseredin Shâh Qâdjâr.

Les documents cités ci-dessus affirment l’existence de l’Hosseinieh A’zam à l’époque afshâride. Pourtant, sa construction date probablement de l’époque safavide dont la fondation s’accompagne de l’institutionnalisation politique du chiisme duodécimain. Le développement culturel et artistique des cérémonies de commémoration de l’Imâm Hossein, notamment le développement du théâtre ta’zieh sont à noter durant cette période. En outre, l’attention privilégiée des souverains safavides et des chiites iraniens à la visite pieuse aux ‘atabât [3], et surtout à Karbalâ et à Najaf, conduisit à la construction de nombreux lieux recevant les pèlerins endeuillés par le martyre de l’Imam Hossein - d’où le nom de Hosseinieh désignant ces constructions. ‘Alam ârâ-ye abbâssi [4] (« L’histoire du décorateur du monde abbâside ») constitue le document historique le plus ancien où apparaît le mot Hosseinieh.

Mosquée-Hosseinieh A’zam

Les documents historiques oraux

 

Outre les documents écrits, les témoignages oraux des rénovateurs, habitants du quartier, et membres du conseil d’administration de ce lieu témoignent de l’existence de différents objets et instruments historiques liés au ta’zieh, comme des tambours, cymbales, fifres, quelques épées ainsi que l’étendard principal de l’Hosseinieh où apparaît la date de 1806. Cependant, à l’époque de Rezâ Shâh Pahlavi et avec la fermeture de nombreuses mosquées, la plupart de ces objets ont disparu ou ont été volés. A l’époque de ce premier souverain pahlavi, les activités de l’Hosseinieh prirent fin suite aux menaces des agents de sécurité. Au même moment, certains objets historiques et œuvres de la mosquée disparurent aussi. Après l’exil de Rezâ Shâh, le Hosseinieh A’zam reprit ses activités et les habitants du quartier se mirent à rénover le bâtiment. A partir de ce moment-là, le Hosseinieh fut désormais connu en tant que « mosquée- Hosseinieh » de la province de Zanjân.

 

Intérieur de l’hosseinieh A’azm

Les cérémonies de commémoration du martyre de l’Imâm Hossein

 

Considéré comme l’un des principaux centres religieux de la ville de Zanjân, le Hosseinieh A’azm organise pendant toute l’année, et surtout lors d’occasions religieuses, divers programmes religieux et culturels, dont des récitations de la Ziyârat ‘Âshourâ’ [5] et la célébration des fêtes du mois de Sha’bân. Le programme principal et le plus important de ce centre comprend les cérémonies de commémoration du drame de Karbalâ, pendant les dix premiers jours du mois de Moharram.

Ayant lieu chaque année avec la participation de milliers de personnes, les cérémonies funèbres de la veille du 9e jour du mois de Moharram (tâsou’â) forment sans doute le programme le plus réputé de l’Hosseinieh qui se déroule afin de commémorer le martyre de ‘Abbâs Ibn ‘Ali. Ce jour est enregistré dans le calendrier des cérémonies de deuil du mois de Moharram de la province de Zanjân en tant que « jour d’Abolfazl ».

 

La situation actuelle de l’Hosseinieh A’zam

S’étendant sur une surface de plus de 12 000 m2, l’ensemble de la Mosquée-Hosseinieh A’zam comprend divers espaces culturels et religieux dont une bibliothèque, des salles de prière, et une maison de santé. Il abrite aussi l’un des centres culturels les plus influents de la ville de Zanjân.

 

    Notes

    [1« Premier mois du calendrier lunaire islamique, mois de deuil pour les chiites. » (Shakourzâdeh, Ebrâhim, Dictionnaires des termes techniques islamiques, Téhéran, Samt, 1e édit., été 1996, p. 417)

    [2Un Tekiyeh est un endroit où les chiites se rassemblent pour commémorer le martyre de Husayn ibn ‘Ali (appelé Hossein en Iran) ; ces cérémonies sont appelées ta’zieh. Ces endroits se rencontrent surtout en Iran. Ils sont traditionnellement conçus avec des éléments de l’architecture iranienne. On pense généralement que Téhéran possédait jusqu’à 50 Tekiyehs à l’époque qâdjâre. (Wikipédia, Tekiyeh.)

    [3« ‘Atabât (littéralement : ‘’seuils’’) : nom qui désigne les mausolées des Imâms en Irak, à Karbalâ et Najaf », (Shakourzâdeh, Ebrâhim, p. 310)

    [4L’Histoire d’Âlam ârâ-ye abbâsi narre l’histoire de la dynastie Safavide iranienne, de sa fondation sous Shâh Ismâïl jusqu’à Shâh Abbâs Ier, couvrant ainsi la période de 1600-1680.

    [5Ziyârat ‘Âshourâ’ (arabe : EHn¼I– ä½nIÄp) est une invocation de pèlerinage rapportée par Muhammad al-Bâqir à titre d’éloge à al-Hossein ibn ‘Ali. (Wikipédia. Ziyârat ‘Âshourâ’)


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