|
Le 2 juin 1970, le réalisateur français Albert Lamorisse (né en 1922 à Paris) perd la vie lors du tournage d’un film documentaire sur les beautés de l’Iran. Cinquante ans après cet accident tragique, nous souhaitions célébrer sa mémoire et applaudir son inoubliable film sur l’Iran, Le Vent des amoureux (ou « Bâd-e Sabâ » d’après son titre persan).
Lamorisse a commencé sa carrière cinématographique avec la réalisation de courts-métrages et de documentaires dès la fin des années 1940. Il réalise le documentaire Djerba (1947) et le court-métrage Bim le petit âne (1950). En 1953, il remporte le prix du meilleur court-métrage au Festival de Cannes, ainsi que le prix Jean Vigo pour son court-métrage Crin-Blanc. L’aspect technique le plus intéressant de ce film est que la majorité des images sont prises du ciel par hélicoptère. Cette technique a été reprise en 1956 dans le court-métrage Le Ballon rouge. Cette œuvre de 34 minutes a remporté l’Oscar du meilleur scénario original en 1957, ainsi que la Palme d’or du meilleur court-métrage au Festival de Cannes, le prix spécial de BAFTA (The British Academy of Film and Televisnion), et enfi le prix Louis-Delluc en 1956.
Le Ballon rouge reste considéré comme l’un des films les plus célèbres de l’histoire du cinéma dans le genre du film pour enfants. Le succès de ce film a inspiré Albert Lamorisse pour réaliser le long-métrage Le Voyage en ballon (1960), qui remporte le Lion d’or au Festival de Venise. Cinq ans plus tard, il réalise le long-métrage Fifi la plume (1965) et remporte à nouveau la Palme d’Or au Festival de Cannes. Parmi les autres expériences cinématographiques de Lamorisse, citons Versailles (1967) et Paris jamais vu (1968), tous deux des courts-métrages documentaires.
En 1970, à la demande du ministère iranien de la Culture et des Arts, Albert Lamorisse réalise un documentaire sur l’Iran intitulé Le Vent des amoureux. Le nom de ce film vient d’une expression courante de la littérature persane, surtout dans la poésie de Hâfez. Le vent de « Sabâ », traduit par « Vent des amoureux » en français, symbolise en effet l’amour dans la pensée iranienne. D’après les traditions iraniennes, ce vent souffle du Nord-est iranien et rafraîchit la nature. Le vent de Sabâ est l’ami de confiance des amoureux avec lequel ils partagent leurs secrets et leurs souffrances. Dans la narration du film d’Albert Lamorisse, le vent de Sabâ s’exprime comme le caractère clé du film, qui raconte son voyage à travers différentes régions de l’Iran et ses contacts avec le peuple iranien. Les textes de la narration ont été rédigés par Roger Glashan et offrent une excellente expression littéraire à l’œuvre de Lamorisse.
La majeure partie des images de ce documentaire a été prise par hélicoptère et montre la vie des Iraniens et des riches paysages de l’Iran. La caméra de Lamorisse traverse le pays du sud au nord et de l’est à l’ouest. Les déserts du centre du pays, les plateformes pétrolières du sud, les rizières du nord, les citadelles de Kermân, les mosquées et les ponts d’Ispahan, les vestiges antiques de Shirâz, les sites zoroastriens de Yazd et les immeubles modernes de Téhéran sont filmés pour donner un aperçu assez complet de la géographie et de la culture du pays. Le Vent des amoureux se penche aussi sur la vie des habitants : les nomades Bakhtiyâris dans les montagnes de Zagros, les tribus turkmènes dans les plaines de Gorgân, et les riziculteurs du littoral de la mer Caspienne. Ce documentaire parle d’hier et d’aujourd’hui. Lamorisse admire le passé glorieux du pays et ouvre une perspective sur l’avenir. Beaucoup de sites touristiques et de monuments historiques de l’Iran sont présentés dans ce film. Pour la sélection des lieux filmés, Lamorisse a bénéficié des conseils d’un groupe d’experts iraniens et aussi de ceux de l’orientaliste Peter Chelkowski, professeur à l’Université de New York. La musique du Vent des amoureux est l’œuvre du grand maître iranien Hossein Dehlavi (1927-2019). La voix du narrateur, Manouchehr Anvâr, offre un aspect poétique aux textes du films traduits en persan par Anvâr lui-même. Ce documentaire d’iranologie a été nominé à titre posthume pour l’Oscar du meilleur documentaire en 1979.
Le 2 juin 1970, alors qu’Albert Lamorisse était en plein tournage au-dessus du barrage de Karaj, son hélicoptère s’est écrasé après avoir percuté des lignes à haute tension. Après l’accident tragique de Karaj, la caméra de Lamorisse a été récupérée et la pellicule a été développée dans un laboratoire du ministère iranien de la Culture. Une courte vidéo ajoutée à la fin du film dans sa version iranienne est accompagnée d’un texte dédié à Lamorisse :
« Le célèbre réalisateur français Albert Lamorisse était fasciné par la diversité du vaste territoire de l’Iran et de la civilisation iranienne. Avec sa caméra, Lamorisse a capturé les couleurs de l’Iran. Le vent des amoureux fait revire les mythes et les légendes iraniens. Les téléspectateurs garderont dans leur cœur Le vent des amoureux de ce grand cinéaste français, comme un précieux souvenir d’un homme qui aimait l’Iran et les Iraniens. »