N° 42, mai 2009

Le salon du dessin contemporain


Jean-Pierre Brigaudiot


Du 26 au 30 mars 2009, le Salon du dessin contemporain s’est tenu à Paris. Cette manifestation, qui connut en mars sa troisième édition, souhaite faire connaître le dessin dans son actualité. C’est pourquoi elle est l’occasion d’un grand rassemblement d’artistes venus des quatre coins du monde présenter l’art du dessin tel qu’il est aujourd’hui. Jean-Pierre Brigaudiot, professeur d’arts plastiques et plasticien, revient sur cette exposition.

Paris, Carreau du temple, 26 au 30 mars 2009.

En fait de salon, il s’agit d’une foire d’art à caractère commercial où une soixantaine de galeries, principalement françaises et parisiennes présentent des dessins d’artistes contemporains. Il y a néanmoins une présence de galeries étrangères ou provinciales. La règle du salon implique que les œuvres soient postérieures à 1960, limite d’une relative contemporanéité. L’idée fondatrice de ce salon, dont l’initiative revient à la galeriste Christine Phal, est de montrer l’état actuel du dessin, au contraire d’un autre salon parisien où l’on peut voir des dessins de toutes époques.

Lors de ses deux premières sessions, ce salon s’était tenu dans de beaux immeubles vacants mis à sa disposition, ce qui lui donnait un aspect singulier, même si l’idée d’une manifestation artistique disséminée dans les espaces d’un bâtiment ou d’un hôtel n’est pas nouvelle. Avec ce salon 2009 au Carreau du temple, près de la place de la République, l’organisation spatiale est un peu affligeante : l’espace a été divisé en surfaces de quelques mètres carrés comme pour n’importe quelle foire exposition ou salon de quoi que ce soit, ceci au détriment évident de bien des possibilités créatives en matière de dessin. Mais ainsi en va-t-il des foires commerciales où l’art est essentiellement présenté sous forme d’échantillons. C’est dommage pour l’image du dessin contemporain qui ne manque guère d’occasions de se réaliser ailleurs que dans les limites de petits formats de papier. Nous sommes donc ici à l’opposé de certaines manifestations comme la Biennale de Venise et la Dokumenta de Kassel où les artistes ont l’opportunité de réellement créer des œuvres d’envergure. Aussi peut-on regretter l’absence persistante de telles manifestations favorables à la création, en France, alors que les foires d’art, certes bien inégales, se multiplient et fleurissent dans les moindres recoins du pays.

Invité d’honneur du Salon du dessin contemporain : la collection privée d’Agnès B.

Au Carreau du temple, un certain nombre de galeries ne jouent pas tout à fait le jeu du dessin contemporain, justement là où l’annonce d’un salon du dessin contemporain pourrait laisser espérer des découvertes et des créations innovantes. Ainsi la présentation, parmi d’autres œuvres plus actuelles, de dessins de Hans Bellmer, de Calder ou de Wols par la galerie Natalie Seroussi, ou ailleurs, par Yvon Lambert, de certains des premiers artistes minimalistes n’apporte guère de nouveaux points de vue sur le dessin. D’autres galeries, comme Eric Dupont, semblent ne pas discerner la peinture du dessin à proprement parler, cela même si, nous pouvons en convenir, les frontières entre le dessin et la peinture restent et resteront toujours un peu floues. De même, le visuel imprimé dans le catalogue pour présenter la galerie Laurent Gaudin laisse plus que perplexe quant à ce que la galerie entend par dessin. Matisse et ses papiers découpés avec des ciseaux en guise de crayons, ce n’est pas nécessairement la bonne excuse pour ces choix. Dans ce salon du dessin contemporain, tous les types de dessins se côtoient et le visiteur passe sans aucune transition d’œuvres très et trop académiques et lestées d’un savoir faire traditionnel, dont le but n’est peut-être que sa propre démonstration en tant que savoir faire, à des œuvres d’un académisme plus récent, celui qu’il est de bon ton de pratiquer pour être de son temps ; il s’agit d’un dessin libéré des contraintes et des règles anciennes de la représentation monoculaire comme de celles de la représentation « fidèle » de l’anatomie humaine ou animale ; le surréalisme, les expressionnismes et la postmodernité sont passés là il y a quelques lustres. Mais cette liberté propre à ce dessin est attachante et semble favorable à l’errance de l’imaginaire.

Certaines galeries peu notoires, comme d’autres, de renommée internationale réservent d’agréables surprises avec des œuvres dessinées réellement contemporaines, inattendues et inventives en même temps que relevant sans le moindre doute du champ du dessin, ce dernier n’étant nullement clos mais au contraire sans cesse en cours de réinvention de sa propre nature. L’une de ces galeries, parmi les plus notoires, est la galerie Agnès B., invitée d’honneur cette année ; elle présente quelques œuvres de sa collection. C’est un enchantement car celles-ci sont à la fois de grande qualité et témoignent d’une réelle ouverture à la diversité, et plus encore, d’un réel amour de l’art de la part d’Agnès B.

On peut s’étonner de la faible présence de la création graphique liée à l’ordinateur, mais la question est sans doute, en ce cas, celle de l’œuvre sans original et reproductible à l’infini, ou bien s’agirait-il d’un autre salon.

Pour résumer, je dirai que ce salon du dessin contemporain gagnerait à davantage présenter des œuvres innovantes et à se débarrasser de la lourdeur d’œuvres trop académiques comme de celle d’œuvres de qualité, mais trop historiques. Les galeristes doivent respecter la règle imposée afin que ce salon acquière son identité de manière incontestable.


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