N° 42, mai 2009

La gestion de l’énergie en Iran à l’aube de la nouvelle année :
Etat des lieux et perspectives


Babak Pourbâgher


"Mangez et buvez, et ne commettez pas d’excès". (Coran, 7:31)

La nouvelle année iranienne a été dédiée à la gestion juste et intelligente des ressources de ce pays. Les économies d’énergies ne sont pas forcément, et contrairement à une analyse superficielle, synonymes d’inconfort et de restrictions ; bien au contraire, une vision juste et une meilleure gestion des ressources de l’Iran peut largement contribuer à améliorer le quotidien de ses habitants et renforcer le poids international de ce pays, étant donné l’évolution des critères de la puissance qui se fondent désormais avant tout sur la connaissance et la maîtrise de l’énergie.

L’économie d’énergie consiste en une réduction des besoins et des dépenses par le biais de mesures et dispositions techniques - amélioration des rendements des machines par exemple - ou politiques - lois et taxes sur la consommation d’énergie. Pour comprendre cette stratégie, il faut d’abord bien connaître les différentes sources énergétiques disponibles pour l’humanité et déterminer laquelle utiliser d’une manière appropriée.

Ainsi, pour l’Iran, il faut tout d’abord analyser les différentes ressources énergétiques dont elle dispose telles que le gaz, le pétrole, l’uranium… et les utiliser en provoquant le moins de gâchis possible. Le pétrole peut ainsi servir à faire du plastique, des habits, des produits de beauté, des médicaments, tout comme le bois et les plantes peuvent nous donner des médicaments, mais il peut également être utilisé de manière moins rentable : ainsi, utiliser le pétrole comme combustible de chauffage est le pire moyen de l’utiliser car il produit un rendement de 30% seulement, induisant une perte de 70% de l’énergie utilisée.

Ainsi, le nouveau slogan de l’année 1388 dédiée à la "réforme du modèle de consommation" n’est pas d’induire certaines restrictions mais de susciter la réflexion afin de mieux utiliser, optimiser et inventer de nouvelles ressources inépuisables qui pourront répondre à la demande d’énergie croissante au sein de la population iranienne. L’un des principaux défis à relever sera notamment de faire naître une sensibilité dite "verte", à l’instar des pays occidentaux, plus sensibles au gâchis et à la juste utilisation des ressources. Cette question est d’autant plus essentielle que plusieurs milliers de personnes en Iran et plusieurs millions à travers le monde meurent chaque année, à cause de la pollution généralisée ainsi que par manque de moyens énergétiques pour accéder à une vie saine (filtration de l’eau, transport, chauffage etc.)

Répartition des énergies par type au niveau mondial

Cette question est d’autant plus sensible que l’énergie est à la base de tout ce qui existe dans l’univers et a fortiori sur terre. La solution idéale apparaît alors de trouver une source d’énergie inépuisable, propre et gratuite : cela existe déjà mais du fait de multiples obstacles, leur potentiel n’est pas utilisé comme il se doit. L’Iran doit donc s’efforcer de rattraper son retard et prendre des mesures en conséquence.

Le pétrole, l’uranium, le gaz sont des sources d’énergie non renouvelables contrairement au soleil (énergie solaire), au bois (biomasse), à l’énergie hydraulique (marémotrice), et à l’énergie éolienne qui sont des sources renouvelables ou même inépuisables. Si en l’an 2000, l’ensemble du monde utilisait environ 10 milliards de tonnes équivalent pétrole, il consommait seulement 3 365 MteP (Mégatonne équivalent pétrole), dont seulement 200 Mtep d’énergie solaire et 60 d’éolienne : c’est dire le retard actuel en matière d’optimisation intelligente des ressources. En outre, chaque habitant des pays industrialisés consomme en moyenne 3 tonnes de pétrole par an.

Géothermie, volcan et noyau terrestre

Outre l’énergie solaire, la terre constitue une formidable source d’énergie : le noyau terrestre est ainsi composé de fer, d’uranium et de différents métaux dont la chaleur atteint une température de 6 à 7000 degrés, qui est plus facilement exploitable dans des villes volcaniques comme Téhéran. L’énergie fournie par un volcan ou un tremblement de terre de faible intensité est capable de fournir assez d’énergie pour fournir de l’énergie à une ville comme Téhéran pendant plusieurs années, le moyen le plus simple d’utiliser cette source d’énergie étant la pompe à chaleur (à l’image d’un réfrigérateur). Dans la Perse ancienne, les Iraniens utilisaient déjà cette énergie au travers de sources d’eau chaude comme à Ispahan, tandis que les habitants du mont Elbourz utilisent toujours certaines sources d’eau chaude.

Comment chauffer son habitat avec l’énergie solaire.

L’un des premiers réseaux d’eau chaude utilisé pour chauffer les habitations se situe dans le Cantal en France (vers 1334). Les Islandais acheminaient quant à eux l’eau chaude des geysers vers leurs habitations avec des tuyaux en bois. Aux Etats-Unis, les geysers de l’ouest et notamment de l’Etat de Californie ont toujours servi pour produire de l’eau chaude ou de l’énergie. En Iran, l’énergie géothermique est utilisée depuis l’Antiquité, mais la découverte du pétrole n’a pas favorisé le développement de ce genre de technologie.

On classifie la géothermie selon la profondeur et donc la température à laquelle on va chercher cette énergie : cela va de la géothermie haute énergie (320°C) à la très basse énergie (50°C) en passant par la moyenne (150°C) et la basse énergie (90°C). En effet, plus on creuse ou plus on est proche d’un volcan, plus on a accès à une température élevée.

Soit on utilise une source d’eau chaude existante, soit on injecte de l’eau à travers un forage et on récupère la vapeur chauffée par la terre. Cela fonctionne en quelque sorte comme un réfrigérateur à l’envers : on injecte dans un forage un liquide calorifuge (fréon, ammoniac ou même eau) qui, une fois réchauffé, est remonté et sert à chauffer les habitations.

La géothermie basse énergie est plus simple d’emploi et ne nécessite pas de technologie particulière : on utilise des nappes phréatiques existantes pour pomper l’eau et s’en servir pour chauffer et produire de l’électricité.

Réfrigérationsolaire passive (été)

La géothermie très basse température est actuellement utilisée pour chauffer les habitations des particuliers et son utilisation simple permet des économies d’énergies importantes. On creuse des tranchées de quelques mètres de profondeur afin d’atteindre une zone stable où la température est fixe, on y installe des canalisations dans lesquelles circule un liquide, on récupère par une pompe le liquide qui sert à transmettre sa chaleur aux systèmes de chauffage. Une différence de température de 5 à 10 degrés par rapport à la surface suffit pour rendre le système rentable.

La plus grande centrale électrique construite au début des années 90 se trouve aux Etats Unis (The Geysers) et fournit 1 400 MW pour la totalité de la consommation de la ville de San Francisco. La production mondiale est de 10 000 MW et les Etats-Unis sont en tête de liste avec 2 900 MW suivi par les Philippines (1 200), le Mexique (750), l’Italie (630) et le Japon (420).

Téhéran est l’endroit idéal et privilégié pour installer ce genre de centrale

Un forage pourrait très facilement atteindre des roches quasi en fusion et l’injection et la récupération de vapeur permettraient non seulement de produire de l’électricité mais aussi de chauffer la ville à travers un système de chauffage central urbain.

Le mont Elbourz constitue une source d’énergie potentielle depuis des millions d’années. L’utiliser pourrait non seulement donner à la ville un élan économique mais également constituer un moyen de diminuer drastiquement sa pollution industrielle ainsi que sa consommation de pétrole. La technologie est simple et sans risque. Pourtant, il n’y a, semble-t-il, aucune exploitation géothermique à Téhéran, alors que son développement pourrait répondre à la demande d’énergie et contribuer à réduire la pollution.

Les possibilités d’utiliser l’énergie solaire à Téhéran

Le soleil brille, nous chauffe, nous éclaire, nous fournit le charbon, mais pourtant nous ne l’exploitons quasiment pas. Le soleil rayonne sur la terre une puissance de 16 10 puissance 15 soit 16 000 000 000 000 000 KWH par an. Toutes les énergies sur terre (hormis l’énergie nucléaire) proviennent du soleil : photosynthèse, charbon, pétrole, évaporation des rivières, nuages, charbon, etc. La puissance fournie par le soleil est constante sur la terre et représente 1 350 W/m² (corrigée des réfractions sur l’atmosphère les nuages, pollutions, position géographique, etc.). La serre agricole est le moyen le plus ancien connu pour absorber et utiliser l’énergie solaire.

Chauffage solaire passif (hiver)

Il existe encore une multitude de moyens simples pour utiliser l’énergie solaire sans aucun moyen technique particulier. On peut, par exemple, dans une ville comme Téhéran, ayant une durée d’ensoleillement importante tout au long de l’année, utiliser les capteurs dit « PLAN » pour avoir de l’eau chaude sanitaire sans coût. En effet, dans la plupart des pays de l’hémisphère nord, une plaque métallique absorbante, peinte en noir afin d’absorber toute la lumière du soleil, est placée sur les toits et permet ainsi de chauffer des conduits de fluide calorifuge (80°C) qui vont à leur tour transmettre leur chaleur à de l’eau sanitaire. Ces installations sont simples, sans entretien particulier. Imaginons ce que peut représenter comme économie d’énergie un système aussi simple dans une ville ensoleillée comme Téhéran. Cette eau chaude peut être stockée dans des réservoirs isolants ou de simples pierres pour servir durant la nuit (système thermos).

Un système plus onéreux mais plus rentable consiste à concentrer l’énergie solaire en un point donné grâce à des systèmes optiques dits « concentrateurs » : ils concentrent une surface importante de captation d’énergie solaire sur un point donné et augmentent ainsi la température de ce point jusqu’à 4 000°C (comme la loupe de notre enfance). Cette source peut être utilisée pour produire de la vapeur et donc de l’énergie propre. L’Espagne est le pays précurseur dans cette technologie. Pour cela, on peut placer des miroirs orientables (afin de suivre le soleil) sur une surface importante et concentrer les rayons de tous les miroirs sur un seul point de captage. On appelle cela un four solaire.

En France, le plus grand est situé dans les Pyrénées orientales (ODEILLO) et s’étend sur 1 860 m².

En Arabie Saoudite, on utilise ce genre de système pour désaliniser l’eau potable. En Iran, l’installation de ce genre de système devrait être extraordinairement rentable.

Tout le monde connaît les capteurs solaires et les photopiles, mais ces technologies produisent elles-mêmes de la pollution et ne sont pas facilement transposables dans un pays émergeant (importation de technologies, coût de maintenance, etc.). Ajoutons pourtant que l’Iran dispose d’énormes réserves de silicium qui lui permettraient facilement de produire des capteurs solaires en masse. Le seul problème de l’énergie solaire est son stockage mais même en tant que complément diurne, ce potentiel vaudrait la peine d’être davantage exploité.

L’énergie éolienne

Cette énergie est peut-être l’une des plus connues et utilisée, et le moulin est certainement une source d’énergie aussi ancienne que l’humanité. L’Iran possède plusieurs centaines d’éoliennes et s’intéresse sérieusement à cette énergie simple et disponible. Toutefois, une bonne éolienne coûte cher, demande une mise de fonds importante au départ et une maintenance technique assez coûteuse. En outre, la pollution sonore des pâles et la détérioration des vues naturelles freinent le développement de cette technologie.

Perspectives

Durant ces dernières années, l’Iran a connu une explosion de la consommation qui a entraîné un gâchis important de ses ressources. Les bouteilles plastiques, les emballages perdus, la non réutilisation des déchets domestiques, les usines sauvages qui polluent et consomment sans même payer d’impôt sur les bénéfices… provoquent une déperdition d’énergie et une pollution visible par tous. La production de voitures consommant plus de 15 litres au 100 km est une erreur que le gouvernement iranien a entrepris de corriger ; le bas prix de l’essence n’incitant néanmoins pas à une consommation raisonnable.

A l’heure actuelle, la mauvaise gestion et le non recyclage des déchets domestiques figurent parmi les priorités absolues. En outre, l’utilisation inadéquate de l’eau potable pour l’arrosage est une erreur et la mairie de Téhéran y a mis fin au moins dans les installations publiques. L’essentiel demeure cependant le changement des mentalités et des comportements ; les questions liées à l’écologie devant davantage faire partie des programmes éducatifs.

Une autre des priorités consiste à construire des infrastructures durables et solides au lieu de construction dites "légères". De nombreuses installations publiques sont faites de manière temporaire, ce qui provoque une nécessaire remise à neuf trop fréquente (route, mobilier urbain, etc.)

En outre, toutes ces pistes sont créatrices d’emploi tout en permettant un plus grand confort de vie et une amélioration de la santé publique. De façon générale, développer l’utilisation de la géothermie serait relativement simple à Téhéran et permettrait d’économiser plusieurs milliards de tonnes équivalent pétrole. L’énergie solaire recèle également de nombreuses potentialités. Une bonne responsabilisation et éducation de la future génération permettrait de limiter le gaspillage. Enfin, choisir de consacrer l’année 1388 (2009) à la bonne gestion des ressources est une idée qui se doit d’être saluée ; elle devra néanmoins s’accompagner d’actions sur le long terme, par exemple la création d’un ministère consacré à la gestion de ces questions serait le bienvenu pour être, en permanence, moteur et promoteur d’actions.


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