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Ce fut l’occupation de l’Iran en septembre 1941 par les Alliés qui conduisit les hommes politiques iraniens à élaborer et appliquer, pour la première fois, un programme économique général pour l’ensemble du pays. Avant cette date, rares étaient les politiques économiques conçues sur la base de programmes déterminés à l’avance dans une perspective nationale. En effet, les activités économiques dépendaient, dans une large mesure, d’initiatives personnelles ou spontanées, souvent dépourvues de supports administratifs ou législatifs appropriés. Pendant l’Occupation, les forces britanniques et soviétiques ont largement exploité - pour ne pas dire piller - les ressources iraniennes. Après leur départ, le gouvernement iranien s’est mis, pour la première fois, à élaborer un programme économique général à l’échelle nationale. Le premier programme de développement, élaboré en 1948, a été la pierre angulaire d’un processus dynamique visant à renforcer le système économique du pays et à en assurer la croissance durable. Dans ce programme, la planification économique globale, dont la nécessité avait été ressentie dès 1930 par les élites économiques et politiques fut sérieusement pris en compte. Le programme économique de 1948 se fixa donc deux objectifs principaux : d’abord, la réorganisation de tous les secteurs lucratifs appartenant à l’Etat, à l’exception de l’industrie pétrolière, l’industrie du tabac et les chemins de fer ; ensuite, la régularisation d’un programme de développement national.
En 1946, le gouvernement avait déjà formé plusieurs comités de travail qui présentèrent leurs rapports à un haut conseil de planification, chargé d’élaborer le texte final du programme de développement économique sur la base des données et des informations collectées par les comités. Le texte fut finalement remis au Parlement sous forme d’un projet de loi. Aussi le premier programme de développement économique fut-il approuvé en 1949. La révolte des séparatistes du Parti démocrate d’Azerbaïdjan ayant été réprimée la même année, le terrain était devenu favorable à l’application de nouveaux projets économiques.
L’occupation de l’Iran par les Alliés durant la Seconde Guerre mondiale avait marqué considérablement l’économie iranienne : le système de contrôle des importations, du mouvement du capital et du taux d’échange avait été simplifié avant d’être complètement abandonné. Les forces militaires britanniques, américaines et soviétiques prirent en main le contrôle des réseaux de transport, et suspendirent tous les projets industriels, ainsi que les activités relatives à la construction et aux travaux publics. L’inflation montant en flèche, les produits de consommation furent soumis au régime de rationnement. Un système de contrôle avait été pourtant mis en vigueur pour lutter contre l’accaparation des marchandises ; ce qui améliora relativement les conditions de vie de la population.
L’Organisation du Plan et du Budget fut fondée au début des années 1950, pour rendre opérationnel le programme de développement économique. Cette organisation a conclu aussitôt un contrat de service technique avec la société américaine des Ingénieurs-conseils d’Outremer. Le budget des projets du premier programme septennal du développement économique de l’Iran avait été fixé dans les tableaux établis par l’Organisation du Plan et du Budget ; mais la Banque mondiale ne respecta pas ses engagements, refusant d’octroyer des prêts au gouvernement iranien. La Banque Melli d’Iran (en qualité de Banque centrale de l’époque) ne put fournir qu’une partie infime des crédits prévus. Par conséquent, les revenus pétroliers du pays servirent de ressources principales pour le financement des projets du programme septennal. Mais après la nationalisation de l’industrie pétrolière en 1951, ce financement fut suspendu pendant trois ans. Après la reprise du programme septennal en 1954, il était déjà trop tard pour parvenir aux principaux objectifs du programme. Deux ans plus tard, en septembre 1954, le premier programme de développement économique atteignit sa date butoir. Le bilan n’était guère satisfaisant : la mise en exploitation de six nouvelles usines, la construction de quelques routes et des chemins de fer, l’application limitée des projets d’irrigation et de mécanisation du secteur agroalimentaire. Le programme qui était considéré, au départ, comme une mutation rapide pour assurer l’autosuffisance économique du pays prit fin sans avoir atteint les buts qu’il s’était fixé.
A l’instar du premier programme, le deuxième programme septennal (1955-1962) ne comprenait que des projets économiques dont le maître d’ouvrage était toujours l’Etat. Ces projets avaient été regroupés dans quatre catégories générales : l’agriculture et l’irrigation, la communication et la télécommunication, l’industrie et les mines, et enfin les services publics. Un crédit annuel avait été prévu pour chaque projet, mais le deuxième programme septennal était dépourvu, dans son ensemble, d’une orientation précise. Pour le financement des projets, le législateur n’avait prévu que les revenus pétroliers du pays. Pendant les deux premières années du programme, 60% des revenus pétroliers seraient versés sur le compte de l’Organisation du Plan et du Budget ; chiffre qui devait augmenter de 70% à 80% durant les cinq dernières années du programme de développement. Le plafond fixé pour le budget total était de 70 milliards de rials. 25% de ce chiffre étaient consacrés aux projets inachevés du premier programme septennal ; 70% aux nouveaux projets définis dans le cadre du deuxième programme septennal ; et 5% aux projets dont l’application n’était pas encore finalisée. Il était prévu que le taux d’absorption du crédit annuel atteindrait son apogée durant la deuxième année, et qu’il diminuerait progressivement pendant les années suivantes. Il était d’ailleurs convenu qu’à partir de la première année de l’application du deuxième programme de développement économique, le crédit annuel soit augmenté progressivement de sorte que les déficits budgétaires s’accumulent pendant la première moitié du programme septennal, pour que l’excédent considérable que l’on avait prévu pour la seconde moitié suffise, à lui seul, à les pallier. Vers la fin de la première année du programme, c’est-à-dire en 1956, le gouvernement entra en négociation avec la Banque mondiale pour obtenir un prêt de 7,5 milliards de rials, rien que pour couvrir les déficits des comptes de la première moitié du programme septennal. Les crédits alloués à l’Organisation du Plan et du Budget dans le cadre de l’application du deuxième programme septennal étaient de 60% du total des revenus pétroliers du pays pour la période de 1956-57, 70% pour la période de 1958-59 et 80% pour la période de 1960-62. Le taux de change était fixé à 76 rials pour un dollar américain. Mais lorsque les revenus pétroliers du pays augmentèrent vers la fin des années 1950, avec un rythme plus rapide que prévu par le gouvernement, le Parlement décida de réduire de 25% la part de l’Organisation du Plan et du Budget, pour que le gouvernement puisse consacrer l’excédent des revenus pétroliers au financement des projets d’autres organes. Compte tenu de ces modifications financières, il est difficile d’évaluer avec exactitude le bilan du deuxième programme septennal de développement économique, bien que les chiffres de la première moitié du programme montrent nettement que le bilan des projets réalisés étaient plutôt positifs par rapport aux prévisions du budget et des dépenses.
L’analyse des comptes de crédits consacrés aux quatre catégories définies dans le cadre du deuxième programme de développement dévoile, pour sa part, un déséquilibre important dans l’allocation du budget : dans la catégorie de l’agriculture et de l’irrigation, un immense budget fut consacré aux projets de construction de plusieurs grands barrages hydrauliques dans différentes régions iraniennes. En général, l’application des grands projets à long terme, dans le cadre du deuxième programme septennal, s’avéra beaucoup plus coûteuse que prévu. Ce problème persistera dans les troisième et quatrième programmes de développement. En 1958, l’organisation du Plan et du Budget évalua l’avancement des projets du deuxième programme septennal, et en révisa certaines clauses.
L’application du programme révisé et amendé coïncida avec une croissance économique sans précédent dans l’histoire du pays, de sorte que le gouvernement dut prendre certaines mesures pour stabiliser le taux d’inflation et contrôler la baisse de ses réserves en devises. En réalité, cette croissance économique était due au remboursement d’une grande partie des dettes publiques et à la hausse des revenus pétroliers, sinon l’absorption des crédits dans les différents projets du deuxième programme septennal était inférieure aux chiffres prévus.
Pendant les dernières années du deuxième programme de développement économique, les dépenses publiques du gouvernement iranien augmentèrent de façon sans précédent - ce qui contribua parallèlement à la hausse des dettes étrangères à court et à moyen terme, d’autant plus que le gouvernement avait consacré un tiers des revenus pétroliers du pays au financement de son budget courant. Par ailleurs, le gouvernement abandonna le système de contrôle financier et fiscal pour avoir un accès plus facile et plus large aux crédits intérieurs et étrangers.
Les réserves en devises du gouvernement étant épuisées, la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) imposèrent à l’Iran une stricte politique de rigueur économique. Le ministère de l’Economie et des Finances et la Banque centrale nouvellement fondée à l’époque appliquèrent à la lettre le programme économique que leur avaient recommandé par la Banque Mondiale et le FMI : l’économie iranienne en subit de lourdes conséquences et connut une période de trois ans de stagnation et de récession quasi-totale. Pour sortir le pays de sa paralysie économique, il fallut alors élaborer un nouveau programme et faire appel à des grands investisseurs étrangers dans le secteur pétrolier.