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L’art de la coutellerie :
Cristallisation de l’intelligence humaine dans le métal ouvragé
Les couteaux, les ciseaux, les petits marteaux à couper le sucre fabriqués à la main, vous en avez quelques-uns dans votre maison. Vous les utilisez peut-être sans avoir réfléchi comment et pourquoi ont-ils été fabriqués. Il est probable que vous ne saviez pas avec quelle peine et quel amour les maîtres les fabriquent dans leurs petits ateliers dotés de four. Si vous visitez ces ateliers, fascinés, vous vous y attarderez des heures à contempler l’épopée qu’est leur travail : les étapes, depuis l’exploitation de la matière première, produite par la nature, jusqu’à l’élaboration de l’objet utile, produit par l’homme et son action, c’est-à-dire l’alliance entre la nature et l’intelligence humaine. Vous serez éblouis par cet art merveilleux, par ces mains de génie qui font du dur métal des objets d’art. Ces œuvres d’art qui sont la concrétisation de la puissance des maîtres qui font d’une matière brute un objet utilisable. Les matières au service de l’homme, voilà ce que ces artisans cherchent à prouver.
L’art de la coutellerie en Iran remonte au moins au IIème millénaire av.J.C, ou même avant, car avoir une arme a, de toute éternité, été une urgence pour chaque individu. Autrefois, la coutellerie et surtout la fabrication de l’épée étaient en vogue dans les différentes régions de l’Iran. Les meilleures armes étaient fabriquées à Ispahan, dans le Khorâssân, à Ghazvine, Shirâz et Zandjân. Les épées fabriquées dans les premières années de l’époque islamique en Iran portaient l’inscription " Dieu nous aidera et la victoire est proche ". Mais peu à peu, l’usage des armes blanches s’éteignant, la fabrication des épées s’arrêta également. Les maîtres se contentèrent de fabriquer des couteaux d’usage quotidien, comme le couteau de cuisine par exemple.
Aujourd’hui, Zandjân est l’une des rares villes où la coutellerie reste un art et un métier. La fabrication du couteau est le plus important et le plus reconnu des métiers manuels de cette ville et joue un rôle essentiel dans l’économie de cette région. Cet art a connu un progrès considérable depuis l’époque safavide et les couteaux produits de nos jours sont unique du point de vue de leur variété, de leur beauté et de leur qualité. Il existe deux sortes de couteaux selon leur usage : les couteaux ordinaires et les couteaux ornementaux : les couteaux de cuisine, de chasse, les canifs, les couteaux à cran d’arrêt, les poignards à lame courte et large, les couteau-poignards, les coutelas, les épées, les couperets, les ciseaux et les petits marteaux à casser le sucre sont certains des ouvrages de cette ville, parmi lesquels le plus apprécié est le canif, dont la fabrication a connu une nette croissance à l’époque safavide.
L’acier, le fer, le laiton, la coquille d’œuf, les bois du cerf et le maillechort constituent les matières premières de la coutellerie. Chaque couteau est composé de deux parties : une lame d’acier et un manche.
" L’acier qui, après la fonte, doit être coupé en tailles différentes et mis au froid. Cela facilitera le limage. L’acier est ensuite limé avec un émeri mou et frotté contre un bois dur. Le lustrage de la lame s’appelle techniquement "âyneh kârî". Les couteliers utilisent parfois pour cela les ressorts brisés des voitures. Mais l’acier ainsi limé résiste mal aux milieux humides et acides.
" La couche intérieure ou le squelette du manche est généralement en fer ou en laiton. Pour fabriquer cette couche en fer, on utilise des courroies de toutes sortes. Les manches en laiton sont faits après une opération de fonte.
" La couche extérieure du manche est faite de plusieurs matières. Autrefois, la matière principale était la corne ou le bois de cerf. Le couteau en bois de cerf avait un énorme succès.
Des couches extérieures métalliques dures et bon marché sont également parfois utilisées par les couteliers. Actuellement, les couches les moins chères sont les couches de fibre ou de nylon.
" Pour les couteaux usuels, l’axe du couteau ou la charnière de la lame est retenue par des clous ordinaires et pour les couteaux commandés, par des clous spéciaux.
Les instruments de base de la coutellerie sont le four à charbon, le marteau, l’enclume, le perforateur, les ciseaux à couper le fer, la roue à aiguiser, la pince de forge, la mèche, la lime et l’émeri. La coutellerie n’est pas restée exempte de changements et s’est modifiée de génération en génération. Les instruments de travail ont donc également changés. Des siècles durant ces instruments, en particulier les mèches en forme d’arc et les pinces, furent fabriqués à la main par les maîtres couteliers eux-mêmes. Mais aujourd’hui, les instruments se sont modernisés et les mèches électriques remplacent les anciennes.
La coutellerie est un travail dur qui exige non seulement beaucoup de temps et d’énergie, mais demande également de la finesse, une bonne dose de patience et un amour certain, c’est pourquoi les maîtres plus âgés se contentent d’enseigner et laissent les plus jeunes s’occuper du travail.
Le maître coupe d’abord les tiges d’acier d’un diamètre de 3 cm en morceaux de taille convenable. Les mettant dans le four, il les fait fondre, puis il les martèle sur une enclume pour leur donner la forme désirée. Ensuite, à l’aide de ciseaux spéciaux, il les coupe une nouvelle fois puis les remet dans le four. Après cette refonte, il replonge les morceaux dans l’eau puis commence immédiatement à aiguiser ce qui va devenir la lame au moyen d’une lime, en pratiquant, à l’aide de la mèche, les trous du manche. Après cela, il affine l’aiguisage au moyen d’une roue aiguisoir. Les lames ainsi obtenues doivent être polies. Le polissage se fait en deux étapes : après et avant le placage. Dans la première étape, la fabrication primitive de la lame une fois finie, l’aiguisage est fait avec des dynamos dans les roues desquelles est placé un disque d’étouffe serrée. La deuxième étape comprend le polissage de la lame au moyen d’une roue appelée " Vaks 410". Mais avant cette seconde étape, on plaque sur la lame une mince couche de chrome afin de rendre l’acier plus dur et plus solide. Le second polissage vise à rendre la lame plus brillante. Ce qui est particulier à ces couteaux, c’est qu’ils restent malléables même après la fin des opérations, ce qui leur permet d’être de nouveau martelé dès que le besoin s’en fait sentir sans qu’il soit nécessaire de les refondre.
Après ces deux étapes, les couteliers gravent quelques crevasses sur la lame des couteaux au moyen de moules spéciaux. Plus les crevasses sur la lame sont nombreuses, plus le couteau est cher. Les meilleurs couteaux portent généralement le nom et la signature du maître fabricant la lame.
Après cette étape, une autre opération de placage a lieu qui augmente la solidité de la lame. Cette partie du travail n’a pas de règle particulière et chaque maître possède sa propre recette secrète. Ce placage doit donner une meilleure élasticité à la lame en lui évitant de se casser en heurtant un objet dur. La technique la plus générale en la matière est de chauffer la lame à blanc puis de la plonger immédiatement dans un pot d’huile frais ou de pétrole brut pour qu’elle durcisse en refroidissant. D’autres maîtres chauffent la lame à blanc, la plonge dans de la cendre chaude, la laissent refroidir et durcir, puis la réchauffent encore une fois à feu plutôt doux, puis, après refroidissement, la polissent une nouvelle fois.
Il est impératif que la lame soit bien fixée au manche. Cette étape exige également beaucoup de délicatesse et d’habilité.
Le caractère plus ou moins aiguisé, la solidité, la flexibilité de la lame et la qualité des couteaux sont différents, car chaque maître a sa propre technique et recettes de fabrication.
La fabrication manuelle de celui-ci étant compliquée comme celle de couteau, nécessite de l’obstination et de la finesse. Le petit marteau est composé de deux parties : le manche et la tête, tous deux faits à la main.
Dans cette fabrication, le métal est d’abord fondu, puis limé et passé sous des roues spéciales qui lui donnent une vague forme. Puis, l’arête de la lame est limée, aiguisée par placage et polie ensuite à l’aide d’un tissu spécial actionné par une dynamo électrique.