N° 47, octobre 2009

Le mont Khâdjeh, le Persépolis du Sistân


Hoda Sadough


La province du Sistân et Baloutchistân, située au sud-est de l’Iran, a été le berceau des plus anciennes civilisations de la Perse antique. Le lac Hâmoun et la rivière Hirmand ont été les principaux facteurs de la formation des anciennes civilisations dont l’histoire de certaines remonte à cinq millénaires. L’actuel Sistân qui occupe la partie septentrionale de la province figure sous le nom de Zarang sur l’épigraphe du roi Darius, Sagestân ou Sakestân en vieux perse et Sajestân à l’avènement de l’islam. Cette région occupe une place éminente dans la composition et la genèse des contes mythiques et religieux de la Perse antique. Elle est selon l’Avesta la onzième région que créa Ahourâ Mazdâ à partir de laquelle le messie zoroastrien, le Saoshyant, fera son apparition à la fin du monde. L’Avesta révèle également que le lac Hâmoun préserve la semence de Saoshyant dans lequel trois jeunes filles vierges se baigneront et donneront naissance à l’éventuel sauveur de l’humanité.

Le Sistân est aussi le pays natal de Rostam, héros épique iranien, ainsi que de Keyghobâd et Keykâvous, souverains mythiques de la Perse dans le Shâhnâmeh (Livre des Rois) de Ferdowsi.

Le mont Khâdjeh

Les fouilles archéologiques réalisées dans cette région par des chercheurs occidentaux et iraniens ont permis de retrouver les traces de certaines civilisations anciennes grâce à la découverte de multiples objets et monuments historiques. Ce n’est pas sans raison que ces derniers l’ont surnommé "le pays du soleil" ou "le paradis des archéologues".

A 30 kilomètres au sud-ouest de la ville de Zâbol dans le Sistân apparaît le mont Khâdjeh, unique relief culminant sur la plaine du Sistân. Cette imposante montagne de basalte culminant à 609 mètres se trouve dans le lac Hâmoun. Ce lac est l’un des plus grands lacs saisonnier d’eau douce au monde, qui aurait été créé par les éruptions volcaniques du mont Taftân.

Le mont Khâdjeh est connu sous divers noms tels que mont Ghaltân, mont promis, mont de Rostam, montagne de Dieu et trône de Belgheis. "Mont Khâdjeh" est cependant le plus célèbre nom de cette montagne qui lui fut attribué en mémoire d’un homme appelé Khâdjeh Mahdi, qui aimait particulièrement la famille du Prophète (ahl al-bayt) et la lignée de Ali, premier imam des chiites, et qui mourut en martyre sur cette terre. Son mausolée se trouve au sommet de la partie septentrionale de la montagne. Il est devenu un lieu de pèlerinage qui rassemble chaque année des centaines de Sistânais venus célébrer les fêtes religieuses et nationales et immoler des animaux. Dans l’Avestâ, cette montagne est appelée "le mont d’avant l’aube", inspirant ainsi l’idée de la révélation qui serait transmise de cette montagne par le messie Saoshyant. En effet, le mont promis aurait été pour les zoroastriens un lieu de recueillement et d’attente de ce messie.

Le mont Khâdjeh

La particularité du mont Khâdjeh est peut-être due au fait qu’il est simultanément considéré comme un lieu spirituel et de recueillement dans les croyances zoroastriennes, chrétiennes et islamiques. Selon les études archéologiques menées par un grand nombre de chercheurs depuis 1910, les monuments historique bâtis au pied de cette montagne appartiendraient à l’époque arsacide et sassanide.

Cette montagne en forme trapézoïque paraît comme une île située au milieu du lac Hâmoun. Les monuments bâtis au pied du mont Khâdjeh sont divers. Ils comprennent deux forteresses, des palais, un sanctuaire, un cimetière, un foyer, etc. Les vestiges de monuments historiques appartenant à diverses époques ont aussi été retrouvés sur cette montagne. Parmi ces monuments, il convient d’indiquer Kohan Dege, signifiant "ancienne forteresse" en vieux perse, qui reste l’ouvrage le plus remarquable et le plus ancien ayant été bâti sur le versant oriental du mont Khâdjeh. S’étendant sur une surface de 40 000 m², il est connu sous les noms de forteresse de Kâferoun, forteresse de Sâm, forteresse de Rostam et le foyer sacré. Cette forteresse est constituée de différentes sections dont certaines furent détruites au fur et à mesure du temps, et d’autres dont on ignore l’époque. Cette citadelle édifiée sur une vaste terrasse rectangulaire est bordée par un long rempart. Deux entrées situées au sud et au nord-est du bâtiment y donnent accès. L’entrée sud est une antichambre au plafond voûté qui donne sur un espace surplombé par un dôme, qui conduit à la cour centrale. Cette cour de 30 mètres de long et 20 mètres de large est composée de deux ivans situés à l’est et l’ouest du bâtiment, ainsi que de plusieurs portiques qui l’entourent. La liaison entre la cour centrale et les sections nord de la forteresse est établie par des escaliers. L’intérieur du bâtiment est embelli par des murs et plafonds arqués, de bas-reliefs en plâtre et de petites colonnes. Le point le plus élevé de la citadelle est en face de l’entrée méridionale, là où se trouve l’alcôve, une pièce carrée et voûtée entourée d’un corridor circulaire. La découverte des pieds d’un temple de feu zoroastrien (âtashkadeh) sous la coupole de cette salle a mis en évidence l’hypothèse des archéologues selon laquelle cette pièce aurait été un temple zoroastrien.

Ancien mausolée abritant la tombe de Khâdjeh Mahdi

Il convient d’indiquer que la diversité des matériaux employés dans l’élaboration de cet ouvrage révèle la riche connaissance des fondateurs des principes de construction et des règles de l’art décoratif. A titre d’exemple, ces derniers ont employé des roseaux à l’intérieur des briques afin de consolider le bâti et ont sillonné la partie interne des briques pour augmenter l’adhésion de la brique et du ciment.

Des vestiges datant des dynasties parthe et arsacide ont été découverts au pied méridional des ruines de cette montagne. En 1910, l’archéologue anglais Marc Aurel Stein a pour la première fois identifié ce site. Il rédigea un ouvrage sur ce sujet dans lequel il prétendit avoir découvert les vestiges d’une pagode bouddhique. Il est le premier archéologue à avoir élaboré un plan détaillé de ce site. Il réalisa notamment des croquis de l’ensemble des ruines tout en fournissant des explications sur leurs diverses fonctions. D’après lui, ce site comprenait deux forteresses, des murailles barricadées et des tours de la forteresse principale. Il faut noter qu’il parvint à découvrir 12 tableaux de peinture qui sont actuellement conservés au musée de New Delhi. Les recherches de Stein furent poursuivies durant les années suivantes par l’archéologue allemand Ernest Herzfeld, qui réalisa une série d’excavation dans des sections du palais. Selon lui, ce site aurait été principalement un palais avec un temple de feu à l’intérieur ; conclusion qu’il déduisit après la découverte de silex sous les ruines. En outre, il émit l’hypothèse que cette région aurait été gouvernée par Gandou-Fârs, prince irano-indien de l’empire parthe qui, selon lui, serait le Rostam mythique de Ferdowsi.

En 1961, une mission italienne dirigée par Georgio Gallini fut chargée de poursuivre l’enquête. Gallini parvint à identifier six phases historiques s’étendant de la période achéménide à l’arrivée de l’islam. Par l’analyse des formes architecturales et des matériaux de construction, Gallini parvint à identifier les constructions ayant été rajoutées durant la période sassanide.

Le mont Khâdjeh
Photo : Atousa

Le mont Khâdjeh a sans aucun doute été un lieu de culte et d’adoration pour les zoroastriens. Il fut par la suite maintenu en bon état et utilisé au cours des siècles soit comme citadelle, soit comme lieu d’habitation, soit en conservant son rôle de temple. En raison de l’accroissement du nombre de dévots pendant le règne de Shâpour Ier, roi de l’empire sassanide de 240 à 272, l’agrandissement de cet espace parut nécessaire. Son règne fut marqué par la tolérance et le respect pour les traditions des différentes communautés de l’empire ainsi que par la montée en puissance du clergé mazdéen. Ce fut à cette époque que l’on entreprit des travaux de restauration tout en élaborant le projet d’expansion.

Actuellement, l’Organisation de l’héritage culturel d’Iran exprime régulièrement ses inquiétudes au sujet de la dégradation du site et exhorte les experts à élaborer d’urgence un projet de restauration. Ce lieu exceptionnel n’en demeure pas moins l’une des attractions touristiques les plus appréciées de la province du Sistân et accueille chaque année de nombreux visiteurs et touristes nationaux et internationaux.


Vestiges de fresques découvertes sur les murailles du mont Khâdjeh, conservées dans plusieurs musées du monde.


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