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« Les biens et les enfants sont l’ornement de la vie de ce monde. Cependant, les bonnes œuvres qui persistent ont auprès de ton Seigneur une meilleure récompense et [suscitent] une belle espérance. »
Coran, sourate « La Caverne » (Al-Kahf), verset 46.
Le mot waqf vient de la racine trilitère waqafa qui signifie littéralement "stopper" ou "immobiliser". Le waqf consiste ainsi à faire don d’une propriété de manière définitive et incessible – et donc à l’« immobiliser » - afin de consacrer les revenus qui en sont issus à une cause choisie par le donateur. En d’autres termes, lorsqu’une personne cède son bien sous forme de waqf, elle en perd la propriété et ne peut ni le reprendre, ni le céder. La propriété du bien demeure donc figée à jamais et est inaliénable. Cette pratique, qui n’est pas mentionnée telle qu’elle dans le Coran, a été recommandée par le prophète Mohammad lui-même et s’est répandue dès les premières années de l’islam, favorisant notamment l’essor des sciences et l’amélioration du sort des plus démunis. Si les aspects bénéfiques du waqf au niveau social semblent évidents, cette pratique recèle également des dimensions spirituelles parfois insoupçonnées qui s’enracinent dans une vision particulière de l’homme et de la religion présente au sein de l’islam. Le waqf peut ainsi être considéré comme une manifestation de l’étroite harmonie existant entre individuel et social, ainsi qu’entre sphère spirituelle et matérielle caractérisant la majorité des pratiques de cette religion.
Si le waqf n’est pas évoqué nommément et directement dans le Coran, son esprit s’accorde parfaitement avec de nombreux versets. Cette pratique serait née à la suite de la réponse du prophète Mohammad à l’un de ses compagnons qui lui avait demandé comment il pouvait utiliser de la meilleure façon les terres qu’il venait d’acquérir à Khaybar. Mohammad lui conseilla d’en immobiliser le fond et de donner en aumône les produits ou revenus qui en étaient issus : ces terres ne pourraient dès lors plus être vendues, héritées ni léguées afin de permettre une continuité de cet acte de charité. Une tradition était née. Elle se répandit ensuite, comme nous le verrons, dans la plupart des pays musulmans pour devenir une institution à part entière.
Actuellement, le waqf consiste le plus souvent à céder l’ensemble ou une partie de la propriété d’un bien immobilier. Il est ainsi possible de déterminer un pourcentage des biens produits par une entreprise et de l’allouer chaque année sous forme de waqf, sans pour autant perdre la totalité de la propriété de cette dernière. Un autre type de waqf, qui a d’ailleurs été souvent critiqué, consiste à céder la propriété ou une partie de la propriété d’un bien à l’un des membres de sa famille afin de favoriser l’un de ses enfants ou de garantir qu’un bien reste au sein d’une même famille et puisse se transmettre d’une génération à l’autre. Cette pratique, qui semble s’éloigner de la dimension caritative du waqf original, est appelée le waqf ahli ou "familial" en opposition au waqf khayri ou "de charité".
La gestion des biens cédés sous forme de waqf est confiée à une personne ou à une fondation qui se charge d’en répartir les revenus selon la cause déterminée par le donateur. Chaque waqf requiert donc la présence de quatre personnes : la personne qui lègue son bien (wâqif), l’administrateur du bien (motavalli), le juge (qâzi) et le(s) bénéficiaire(s) (mawqouf ‘alayh). Le waqf doit également s’accompagner d’une déclaration officielle souvent consignée sous forme d’un acte juridique ou waqfnâmeh en persan. Les biens cédés peuvent être des terres cultivables, des fermes, des bâtiments, des entreprises, des arbres... [1] et les bénéficiaires, des institutions (religieuses, éducatives, sociales), une catégorie particulière de personnes comme les orphelins, les personnes démunies, les voyageurs ou même, comme nous l’avons évoqué, les membres de sa propre famille. Ce système est également appelé « habous » (qui vient de habasa signifiant « enfermer », « retenir »), notamment au Maghreb.
Le fait de donner ses biens sous forme de waqf est fondé sur une conception particulière de l’homme et de sa fin ultime. Selon une logique individualiste et égoïste, le but ultime de l’homme est d’accumuler le maximum de bénéfices matériels et d’éviter tout ce qui pourrait conduire à une perte de son capital. L’islam se base sur une autre vision selon laquelle l’homme a des devoirs envers son prochain, tandis que la vie terrestre et l’ensemble de ses richesses matérielles ne sont pas une fin en soi, mais servent à préparer une vie future et éternelle.
L’islam est également une religion sociale au sens où l’attention et l’aide apportées à la communauté font partie intégrante de la foi et de la pratique, au même titre que les actes de piété individuels. [2] Ainsi, dans la sourate « Les croyants », le fait de « s’acquitter de la zakât (l’aumône obligatoire) » (23:4) fait partie des caractéristiques principales du croyant, tandis que la description des « pieux » figurant au début de la sourate « La Vache » les décrit comme des gens qui « dépensent [dans l’obéissance à Dieu] ce qu’[Il] leur a attribué » (2:3). Le croyant est donc une personne « dans » la société ; conscient de ses problèmes et ayant le devoir de contribuer à l’amélioration de la condition de ses pairs. Un hadith du prophète Mohammad évoque ainsi que « Toute personne qui se lève en n’ayant pas l’esprit occupé par [les problèmes de] sa communauté n’est pas un musulman. » [3] Les Imâms du chiisme ont également beaucoup insisté sur l’importance des valeurs d’entraide et de l’attention portée à son prochain : ainsi selon l’Imam Kâzem, « celui rend heureux le cœur d’un musulman, Dieu réjouira son cœur le Jour de la Résurrection ». [4]
Absent du Coran, le waqf ne peut donc pas être considéré, au même titre que le jeûne ou l’aumône par exemple, comme un commandement divin et une obligation. Cependant, il s’accorde parfaitement avec l’importance de la notion de charité dans le Coran, tant au niveau social qu’individuel et spirituel : « Vous n’attendrez la [vraie] piété (al-barr) que si vous faites des largesses de ce que vous chérissez. » (3:92). Ainsi, au niveau individuel, l’islam considère l’homme comme le "successeur" (khalifa) de Dieu sur terre et Son plus éminent représentant : "Lorsque ton Seigneur confia aux anges : "Je vais établir un successeur" […] Et Il apprit à Adam tous les noms." (2:30-31) ; "Puis Il lui donna sa forme parfaite et lui insuffla de Son Esprit." (32:9). Né du souffle divin et connaissant les noms de Dieu, l’homme a donc en lui les potentialités lui permettant de devenir un homme parfait à l’image de son Créateur ; c’est-à-dire d’être, comme lui, généreux (karim), compatissant (ra’ouf), miséricordieux (rahim)… en actualisant toutes les perfections que Dieu a déposées dans sa nature. Par conséquent, si une personne donnant une partie de ses biens sous forme de waqf doit le faire pour Dieu et afin de gagner Son assentiment, son acte lui permet également de se rapprocher et de ressembler à son Créateur qui donne à Ses créatures sans compter : "Dieu accorde Ses bienfaits à qui Il veut, sans compter." (2:212).
Contrairement à l’aumône obligatoire (zakât) ou non obligatoire (sadaqa) qui ne sont données qu’une fois, les biens cédés sous forme de waqf dégagent constamment de nouveaux revenus. Ainsi, les effets positifs découlant du don profitent non seulement à la société et à la « cause » choisie, mais aussi, sur le plan spirituel, à son donateur durant sa vie et même après sa mort.
Le waqf comporte de nombreuses dimensions sociales, individuelles et spirituelles dont nous allons tenter d’évoquer les grandes lignes. Cet aspect multidimensionnel doit être étudié à la lumière des notions de « zâhir » (aspect apparent) et de « bâtin » (aspect caché), qui sont également deux des noms de Dieu. Selon la vision du monde islamique, l’ensemble de la création est une manifestation des Noms de Dieu : ainsi, chaque réalité recèle plusieurs dimensions apparentes et cachées qui, loin de s’exclure mutuellement, se correspondent et dépendent étroitement l’une de l’autre. A partir de là, chaque commandement divin doit être compris comme une réalité multidimensionnelle comportant une utilité à la fois spirituelle, sociale, individuelle, psychologique, économique, culturelle… chacun ayant à son tour des dimensions « apparentes » et « cachées ». A titre d’exemple, le fait de jeûner a une dimension spirituelle personnelle, comme le fait de se rapprocher de Dieu en ressentant sa faiblesse et sa dépendance à Lui, mais aussi sociale en aidant à mieux comprendre la souffrance des plus démunis et à créer un sentiment de fraternité et d’entraide au sein de la société. Ces aspects ne sont pas séparés les uns des autres mais ne sont que les manifestations des effets d’une même réalité à différents niveaux.
La même logique peut être appliquée pour tenter de saisir les multiples dimensions du waqf : ses aspects les plus apparents sont bien évidemment les bénéfices économiques et sociaux que de tels dons entraînent pour la société et « la vie de ce monde » en général, mais il a également des effets profonds sur la vie spirituelle terrestre du donateur et influe sur sa condition dans l’Au-delà.
Pour comprendre plus précisément l’importance du waqf au niveau individuel, il faut rappeler que selon l’islam, la vie de ce monde est essentiellement une préparation à la vie de l’Au-delà et lors de laquelle l’homme, par sa foi et ses actes, détermine son statut futur. Le Coran invite donc à orienter tous ses actes en vue de cette préparation : « Cette vie d’ici-bas n’est qu’amusement et jeu. La Demeure de l’Au-delà est assurément la vraie vie, s’ils savaient ! » (29:64). Tout véritable croyant se doit donc d’utiliser ses biens dans la voie de l’Au-delà. Le Coran évoque à maintes reprises les biens matériels comme des jouissances passagères et comme un moyen de se rapprocher de Dieu s’ils sont utilisés dans Sa voie. Ces moyens peuvent néanmoins se transformer en épreuve s’ils ne sont considérés que pour eux-mêmes et sont source d’attachement matériel, étant donné que seule la foi, les actes et les intentions accompagneront leur auteur dans l’autre-monde, tandis que les biens matériels ne lui seront d’aucune utilité : « Et recherche à travers les biens que Dieu t’a donné, la Demeure dernière » (28:77) ; « […]Le jour où l’on sera ressuscité, le jour où ni les biens, ni les enfants ne seront d’aucune utilité, sauf celui qui vient à Dieu avec un cœur sain » (26:87-89) ; « Les biens et les enfants sont l’ornement de la vie de ce monde. Cependant, les bonnes œuvres qui persistent ont auprès de ton Seigneur une meilleure récompense et [suscitent] une belle espérance » (18:46). [5]
Le fait de donner ses biens sous forme de waqf permet ainsi d’atténuer ses attaches matérielles et mondaines ainsi que de se libérer des soucis, de la cupidité et de la convoitise qui lui sont associées : « Ceux qui dépensent leurs biens dans le sentier de Dieu sans faire suivre leurs largesses ni d’un rappel ni d’un tort, auront leur récompense auprès de leur Seigneur. Nulle crainte pour eux, et ils ne seront point affligés. » (2:262). Avant d’avoir des conséquences positives sur le plan social grâce aux revenus qu’il dégage, le waqf a donc d’abord un rôle purificateur au niveau individuel, en libérant l’âme de son attachement à tout ce qui n’est pas Dieu. Cet aspect est directement évoqué dans le Coran à propos de l’aumône : « Prélève une aumône (sadaqa) sur tes biens, pour les purifier et les bénir » (9:103). [6] Il permet également au donneur de clarifier sa position sur le plan existentiel, et de prouver concrètement à son Créateur que sa vie future lui importe davantage que son confort matériel présent.
Toujours sur le plan individuel, le waqf a également des conséquences à plus long terme et est même susceptible d’influer sur le statut du donateur dans l’Au-delà. Cette réalité est évoquée de façon générale dans un hadith du prophète Mohammad [7] selon lequel lorsqu’une personne meurt, ses œuvres s’arrêtent et ne peuvent plus avoir d’effet bénéfique sur elle dans l’Au-delà sauf trois choses : une œuvre de bienfaisance durable (sadaqa jâria), un savoir utile et un enfant vertueux qui prie pour lui. [8] Le waqf fait partie de la catégorie des "œuvre durables" étant donné que les revenus issus des biens cédés continuent à être donnés en aumône après la mort de l’ancien propriétaire du bien. Il faut ainsi garder à l’esprit que l’un des noms de Dieu évoqué dans le Coran est « hasib » c’est-à-dire « tenant compte de tout », « observant et comptant » [9], qui fait référence au fait que Dieu enregistre le moindre acte des hommes, bon ou mauvais [10] : « Il n’échappe à ton seigneur ni le poids d’un atome sur terre ou dans le ciel » (10:61) ; « Quiconque fait le bien fût-ce du poids d’un atome le verra, et quiconque fait le mal fût-ce du poids d’un atome le verra » (99:7-8). Si l’on croise ces versets avec le hadith du prophète Mohammad évoqué plus haut, on peut ainsi déduire que Dieu prend non seulement en compte l’acte en lui-même, mais également ses conséquences à plus ou moins long terme. Par conséquent, même après la mort et avant la résurrection, certains actes terrestres peuvent « atteindre » la personne décédée dans l’intermonde et améliorer sa condition finale lors du Jugement dernier. En outre, les effets "multiplicateurs" des dons faits pour Dieu sont évoqués de manière générale dans le Coran : « Ceux qui dépensent leurs biens dans le sentier de Dieu ressemblent à un grain d’où naissent sept épis, à cent grains l’épi. Car Dieu multiplie la récompense à qui Il veut et la grâce de Dieu est immense. » (2:261) [11]
Au niveau social, les effets bénéfiques du waqf sont plus évidents : les revenus issus du waqf contribuent à satisfaire de nombreux besoins matériels, religieux et culturels de la communauté, de l’aide aux personnes démunies à l’entretien des mosquées. Le waqf favorise également la création d’une atmosphère d’entraide, et permet d’atténuer les écarts de richesses au sein d’une même communauté. Elle va donc dans le sens de la concrétisation d’une plus grande justice sociale et des valeurs chères à l’islam telles que la magnanimité et le don généreux d’aumône (infâq, ithâr). Comme nous le verrons par la suite, le waqf permet aussi de favoriser le développement de la science et de l’éducation, dimension évoquée par Ibn Khaldoun dans sa célèbre Moqaddima où il évoque plus précisément le rôle du waqf dans la prise en charge financière des étudiants en sciences religieuses.
En résumé, le waqf associe parfaitement effort spirituel individuel et bénéfices sociaux, et crée une dynamique particulière entre vie terrestre – de par ses bénéfices matériels immédiats pour les personnes et institutions en bénéficiant – et vie éternelle du donateur.
Après la recommandation du prophète Mohammad faite à l’un de ses compagnons de céder ses terres sous forme de waqf, de nombreux proches et compagnons du Prophète firent à leur tour don de leurs biens selon cette même logique. Le premier Imam du chiisme et son gendre, Ali, a ainsi donné la majorité de ses possessions sous forme de waqf, notamment des terres agricoles, des palmeraies, et des puits qu’il avait creusés de ses propres mains. Son épouse et fille du Prophète, Fatima, a également cédé de cette manière plusieurs jardins qu’elle possédait.
Les modalités du waqf ainsi que sa juridiction n’ont pas été précisées par le prophète Mohammad. Par la suite, les différentes écoles juridiques de l’islam comme le hanafisme, le hanbalisme et le chafiisme en ont donc défini les bases pratiques selon leurs propres interprétations. Le malékisme se distingue par le fait qu’il considère que la condition de la perpétuité du don n’est pas essentielle : le wâqif ou donateur peut décider de céder son bien pour un certain nombre d’années et en récupérer par la suite la propriété. Dans le chiisme, le waqf a été vivement encouragé par les Imams et les bases juridiques ont été définies par des théologiens et penseurs tels que Sheykh Toussi. Les différences dans les modalités d’applications sont liées aux différentes traditions et à des contextes particuliers qui doivent être considérés comme autant de regards et de façon d’appliquer une même tradition.
Au cours des premiers siècles de l’islam, des revenus issus de waqf ont ainsi servi à aider les couches les plus pauvres de la société ainsi qu’à construire ou à assurer l’entretien de mosquées, hôpitaux, ou encore de financer des campagnes militaires. Les revenus issus des waqfs ont également été alloués à des causes très diverses notamment à la construction d’auberges pour les voyageurs, l’aide aux orphelins ou aux pèlerins, l’installation de fontaines, l’impression du Coran, l’approvisionnement en eau et en nourriture… Il a ainsi eu un rôle actif dans le développement social et culturel des sociétés musulmanes.
Les ressources issues des waqfs servaient parfois également à rémunérer des médecins et à l’achat de médicaments. Au Xe siècle, la seule ville de Cordoba comptait plusieurs centaines d’hôpitaux dont la plupart dispensaient des soins gratuitement grâce aux revenus agricoles issus du waqf qui assuraient leur fonctionnement. A la fin du XVe siècle, les fonds issus du waqf ont également permis de financer l’école de médecine et le célèbre hôpital Dar al-Shifâ en Egypte.
Le waqf a également eu un rôle central dans le développement des sciences et de la culture en pays d’islam. Les revenus en étant issus ont tout d’abord permis l’édification des plus grands centres scientifiques et universités du monde musulman, notamment Dâr al-‘Ilm, Dâr al-Khazâneh, ou encore Bayt al-Hikma. Ces revenus étaient également alloués à la rémunération des enseignants et permettaient d’assurer l’hébergement et les frais des étudiants, ainsi qu’à assurer tous les frais de fonctionnement interne. La célèbre université Al-Azhar du Caire ainsi que l’université Nezâmieh de Bagdad, qui ont formé des générations de théologiens et de savants, ont également été financées grâce au waqf. Cette tradition a ainsi permis d’assurer l’indépendance politique de ces institutions et de les préserver de toute confiscation ou saisie par un tiers, notamment par le pouvoir en place.
A Nadjaf, de nombreuses écoles théologiques situées à proximité du sanctuaire de l’Imam Ali ont également vu le jour grâce au waqf, convertissant un temps cette ville en un important centre théologique et culturel. Les revenus issus des waqfs ont également été alloués au financement d’importants travaux notamment dans le domaine de la médecine, dont l’ouvrage Al-Kolliyât fi at-Tibb d’Averroès. En outre, et bien qu’ils ne fassent pas partie des biens immobiliers, des livres et parfois des bibliothèques entières ont été léguées au cours des siècles sous forme de waqf. La plupart du temps, l’essentiel de ces ouvrages étaient des Corans ou des ouvrages religieux, mais les livres profanes faisaient également parfois partie des dons. Ces ouvrages ont pu constituer le fond des bibliothèques de nombreuses universités, madrasas et mosquées.
Chez les fidèles chiites, une part importante des revenus issus des waqfs ont été et demeurent alloués à l’entretien des sanctuaires des Imams en Iran ou en Iraq [12], ou encore au paiement des maddâh chantant les élégies du martyre de l’Imam Hossein.
Le waqf peut potentiellement faire de chaque membre de la société un acteur actif dans la gestion des affaires publiques, tout en répandant un esprit de coopération et un sentiment d’appartenance à une même communauté nécessaire à la survie de toute société. Il manifeste également la dimension visionnaire de l’islam et l’attention portée aux générations futures. Cette tradition est donc un exemple d’harmonie entre spiritualité et cohésion sociale, et concoure à construire un vivre ensemble équilibré tout en convertissant cette vie en un perpétuel "champ de l’Au-delà".
Bibliographie :
Le Coran
Me’raji, Saïd, Waghf – Sonnat-e Mândegâr (Le waqf, une tradition qui demeure), Bonyâd-e pajouhesh va tose’eh farhang-e wahf, Téhéran, 1385 (2006).
Dânesh Pour, Sayyed Ali, Riyâhi Sâmâni, Nâder, Tcherâ va tchegouneh vaghf konim ? (Pourquoi et comment donner ses biens sous forme de waqf) Téhéran, Sâzmân-e Tchâp va enteshârât, 1388 (2009).
Mollâee Pour, Javâd, Waqf, sarmâyeh mândegâr (Le waqf, un capital durable), Markaz-e pajouhesh-hâye eslâmi-e Sedâ o Simâ, Téhéran, 1384 (2005).
[1] Il existe néanmoins des désaccords entre les différentes écoles juridiques sur la question de la possibilité de léguer des biens meubles comme des animaux, des équipements industriels, de l’argent…
[2] A titre d’exemple, ce verset montre l’équilibre existant entre dimension individuelle et sociale en islam : "Ils sont ceux qui se repentent, qui adorent, qui louent, qui parcourent la terre (ou qui jeûnent), qui s’inclinent, qui se prosternent, qui commandent le convenable et interdisent le blâmable et qui observent les lois de Dieu... et fais bonne annonce aux croyants." (9:112) L’adoration, l’inclination et la prosternation font référence aux actes de piété individuels tandis que le fait d’ordonner le convenable et d’interdire le blâmable souligne le rôle que doit jouer le croyant dans la société.
[3] Osoul Kâfi, Vol. 2, p. 164.
[4] Wasâ’il ash-Shi’a, Vol. 6, p. 582.
[5] L’accumulation est également parfois décrite comme conduisant directement à la perte de l’homme : « Malheur à tout calomniateur diffamateur qui amasse une fortune et la compte, pensant que sa fortune l’immortalisera. Mais non ! Il sera certes, jeté dans la Hutamah. » (104:1-4)
[6] Dans son ouvrage Découverte de l’islam, Roger du Pasquier évoque également une autre dimension de la dimension purificatrice de l’aumône et du processus de purification qui, selon lui, "équivaut aussi à un sacrifice qui enlève l’aspect maléfique de ce qui est trop quantitatif dans les possessions terrestres de l’homme, les faisant participer au sacré éminemment qualitatif que l’Islam confère à toute la vie".
[7] Il existe également de nombreux hadiths du prophète Mohammad sur l’aumône qui évoquent notamment le fait qu’elle efface les péchés comme l’eau éteint le feu.
[8] Hadith cité dans : Majlisi, Bihâr al-Anwâr, Vol. 2., p. 22. L’Imam Sâdiq a également une parole similaire : « Après la mort, aucun salaire ni récompense n’atteint la personne, sauf au travers de trois actes qu’elle a accompli sur terre, l’un de ses actes est une aumône (sadaqa) qu’elle a donné tout au long de sa vie et qui demeure en cours (jâri) après sa mort. Elle bénéficie ainsi de la récompense spirituelle de son don. » Tahrir al-Wasila, Vol. 2, p. 62.
[9] Voir notamment les versets 4:6, 4:86, 17:14 et 33:39.
[10] Il existe néanmoins de nombreux moyens d’effacer les conséquences de ses mauvaises actions notamment par la repentance, la prière, la charité, les bonnes actions… De nombreux versets y font référence, dont celui-ci qui souligne que les bonnes actions transforment et effacent les efforts des mauvaises actions commises précédemment : « Sauf celui qui se repent, croit et accomplit une bonne œuvre ; ceux-là Dieu changera leurs mauvaises actions en bonnes, et Dieu est Pardonneur et Miséricordieux ». (25:70) Ce verset fait également référence à la même réalité : « Les bonnes œuvres dissipent les mauvaises » (11:114).
[11] Nous retrouvons cette idée de multiplication des offrandes dans d’autres versets comme celui-là : « Ceux et celles qui font la charité et qui ont fait à Dieu un prêt sincère, cela leur sera multiplié et ils auront une généreuse récompense. » (57:18)
[12] Les dotations peuvent être affectées à l’entretien et à la rénovation des sanctuaires, au paiement de leurs gardiens, à l’achat de tapis ou de repas pour les pèlerins, etc.