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Louve
Des chevriers sont là
Qui ont porté leurs bêtes nouveau-nées.
Des sources naissent à fleur de pierre où le sabot résonne
Et la palmeraie brille sur l’écaille des sables.
C’est l’heure incandescente et rose des prières.
Dans la claire-voie des cours
Un vol de tourterelles fond sur la boutonnière
Des fontaines
Et l’eau perle aux aiguières verseuses d’ablutions.
C’est l’heure-empreinte, l’heure volée
L’heure-envergure envolée
La tente est bleue dans l’âtre pétrifié du jour
La chaleur en-allée suinte au madrépore des cruches
La nuit trébuche
Sur l’argile des lampes
A l’heure infranchissable et brève des retours
Des mots me sont venus que je ne voulais pas.
Des mots de rythme sur les pistes,
de villages, de sources,
des mots d’aurore et de soleil aux lendemains de toi,
et des trilles berbères à ton éloignement.
J’ai répondu des mots de trêve aux caravansérails,
des paroles de joie au sortir des sables,
des soupirs d’aise à l’ombre et loin de la fournaise
qu’est notre amour.
Et j’ai parlé de désamour.
Et c’est en louve que je lève ma narine aux aguets.
Ce sont des hordes quittées dont je perçois l’odeur
Dans celle plus tenace des brebis.
Figés aux mailles depuis longtemps tissées de l’instinct,
Ces relents de suint donnent à mon épaule
Un geste long de dune,
Vers l’enjambée crissante des caravanes aux points d’eau.
Dans ce village
Le vent, ça s’envole
avec tout :
avec les pensées,
les cheveux,
avec ma robe
qui plaquée contre mes cuisses
veut m’emporter
dans ce village où je passais
mon enfance à
m’envoler
Trop près pour que tu me voies
Tout près,
j’habite
encore plus près
trop près pour que tu me voies
si tu évites les orages,
si tu évites les fossés
noyés d’orties après la pluie,
les branches basses alourdies, jusqu’au sol où les chevilles
- trop hardies
s’entortillent,
les mares pleines de crapauds qu’on s’attarde à écouter,
j’habite
ici,
tout près d’ici
écarte toi, tu me verras
assise dans ce même endroit baigné de lune et de soleil
trop proche pour que tu me voies
Le sablier
Un jour où je fuyais très vite
L’étrange douleur à venir
Et rejoignais sous leur guérite
Les déserteurs de souvenirs
Je vis l’absence se rouler
Comme un fœtus en larmes
Dans le ventre d’un sablier
Qui lui laminait l’âme
En écarts de mémoire