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La ville de Téhéran, choisie en 1795, quelques années après la Révolution française, pour être capitale iranienne, comporte de très nombreux palais et châteaux petits et grands, construits en particulier depuis le début du règne des Qâdjârs jusqu’à la Révolution islamique de 1979. On peut citer les palais du Golestân, de Niâvarân, de Saad Abâd, de Marmar, etc. Chaque roi a ainsi fait construire un ou plusieurs palais à Téhéran, ou dans les régions alors considérées comme limitrophes de la capitale, mais qui en sont aujourd’hui des quartiers. Parmi ces palais, on peut citer Saltanat Abâd, plutôt résidence de repos que palais, l’un des grands favoris du Qâdjâr Nâssereddin Shâh. Ce dernier, qui s’inquiétait beaucoup de son aise, fut un grand constructeur de très nombreux palais, à Téhéran ou ailleurs et ce qui reste du Vieux Téhéran lui doit de nombreux monuments historiques.
Ainsi, ce dernier donna l’ordre de la construction de Saltanat Abâd sur un terrain à l’époque connu sous le nom de Hessâr-e Rezâ Beyg ou Château de Rezâ Beyg, terrain situé dans ce qui était à l’époque un bourg d’un climat agréable proche de Téhéran : Rostam Abâd. Ce nom de Rostam Abâd n’est plus connu des Téhéranais, puisque ce bourg fut avalé comme tous les bourgs avoisinants par la mégalopole qu’est aujourd’hui la capitale iranienne. Même le nom de Saltanât Abâd, qui marquait le quartier actuel jusqu’à il y a une trentaine d’année, n’est plus connu que des vieilles générations.
Cette région - Rostam Abâd - était fameuse pour ses parcs agréables et son climat froid et tempéré de montagne. Elle avait d’ailleurs attiré l’attention du roi non seulement pour cette raison, mais parce qu’elle offrait un bon terrain de chasse, étant fertile en gibier à cause de sa dense couverture végétale. La construction de cet ensemble commença ainsi en 1857 sur ordre de Nâssereddin Shâh Qâdjâr. Cet ensemble comprenait le palais principal, plusieurs pavillons, une grande piscine et de nombreux jets d’eau. Sa construction fut définitivement terminée en 1887. Les divers pavillons de ce palais comprenaient des décors architecturaux divers, depuis des ornementations en craie, de la céramique, un travail de verrerie impressionnant, l’âyeneh-kâri ou décorations aux miroirs etc. Ce petit palais était considéré comme l’un des plus beaux de son temps. Il était également le plus grand palais d’été du roi qâdjâr hors de la capitale.
Parmi les avantages du "moderne" Saltanat Abâd sur d’autres résidences royales telles que le vieux palais de Niâvarân, il y avait le fait que ce palais "moderne" était le seul à offrir une vue panoramique sur les quatre directions géographiques, y compris sur la splendeur de la chaîne Alborz au nord.
Dans le parc du château, un pavillon relativement petit était consacré aux ambassadeurs et envoyés étrangers où ces derniers se préparaient ou attendaient avant une audience royale.
Le palais de Saltanat Abâd était doté de deux chaînes de ghanât lui étant réservées et son mur d’enceinte atteignait sept kilomètres. A droite du château lui-même, la tour de l’horloge, construite à la manière des temples du feu zoroastriens, s’amincissait de bas en haut et indiquait l’heure.
Le roi avait également consacré un pavillon à une exposition d’images de faune et de flore connues ou inconnues en Iran et avait baptisé le pavillon, "Musée d’Histoire naturelle". Il avait également consacré des pavillons à son harem d’épouses. Nâssereddin Shâh passait l’essentiel de ses "vacances" dans ce château, à marcher sous les arbres majestueux du parc et passait peu de temps dans le bâtiment proprement dit. Le bâtiment du palais comprenait au centre une salle majestueuse qui faisait office d’appartement privé et de chambre à coucher royale.
A la fin du règne de Nâssereddin Shâh, des ateliers d’armement furent construits sur une importante partie des terrains du château et ces terrains prirent le nom d’Arsenal Nâsseri. Une autre partie des terrains du palais fut consacrée à la même fonction quelques années plus tard et prit le nom d’Arsenal Mozzaffari. Aujourd’hui, ces deux arsenaux sont toujours des terrains militaires impossibles à visiter.
Ce qui reste aujourd’hui de cet ensemble est le bâtiment central, qui comprend deux étages avec une grande salle et une belle howzkhâneh décorée à la craie découpée et carrelée de belles céramiques coloriées. La tour de quatre étages des appartements intérieurs est reliée à la grande salle et la howzkhâneh de l’étage inférieur est également décorée de magnifiques céramiques. Parmi les évènements importants ayant eu lieu dans ce palais "fantôme", on peut signaler le couronnement du dernier des Qâdjârs, le malheureux Ahmad Shâh, le 22 juillet 1914.
En 1956, le palais Saltanat Abâd fut inscrit au registre des monuments nationaux et après la Révolution islamique, le nom de l’avenue bordant le palais fut modifiée et devint Pasdârân, aujourd’hui avenue "chic" de Téhéran.