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Tout d’abord, il faut retenir que les deux notions « pèlerinage » et « tourisme religieux » sont pratiquement interchangeables, sans pour autant se recouvrir. Plus précisément, le pèlerinage et la "visite pieuse" (ziyârat) peut faire partie du voyage religieux. Si le voyageur projette de visiter un lieu saint (une mosquée par exemple) dans un but culturel, il ne sera plus question de pèlerinage mais seulement de tourisme religieux.
En revanche, si un pèlerin se déplace dans une optique religieuse, et ce, sans tenir compte de la charge culturelle ou historique de sa destination, son voyage sera « nimbé d’une aura immatérielle » ; il aura en somme entrepris une expérience de pure spiritualité. C’est évidemment ce type de voyage, effectué en toute simplicité, qui a pris le nom de "visite pieuse" ou de « pèlerinage ». Ce dernier est l’une des formes de voyage les plus courantes dans le monde, et fait se déplacer chaque année des millions de personnes.
Les attractions religieuses dont les mosquées, mausolées, monastères, églises, cathédrales, synagogues ou temples du feu sont des lieux de rencontre pour des millions de visiteurs. Ils s’y rendent malgré parfois de pénibles voyages ; qu’il s’agisse du mauvais temps (d’antan) ou de la modestie des équipements prévus pour leur séjour (toujours d’actualité). Concernant l’Iran, des villes saintes telles que Qom et Mashhad sont largement visitées par les musulmans du monde entier. La gestion des déplacements et de la résidence de cette population exige le recours à un vaste réseau de coopérations. L’aménagement et l’installation de logements convenables, une restauration et une hôtellerie conformes aux tempéraments et aux habitudes régionaux, aux styles de vie des voyageurs en limitant le caractère exotique du voyage permettent chaque année d’accroître le nombre des pèlerins visitant le pays.
Compte tenu de la part d’« immatérialité » dans ce genre de voyage, la visite pieuse a toujours eu un succès considérable, dans les pires conditions climatiques ou dans les situations géographiques les plus désavantageuses, comme c’est le cas dans des pays désertiques comme la Syrie ou l’Arabie Saoudite. D’après les spécialistes de la question, la volonté du pèlerin, centrée sur son « odyssée », est l’élément le plus important de son voyage. C’est ce qui lui permet d’écarter tous les obstacles sur son chemin. C’est la raison pour laquelle la situation géographique n’a pas une incidence notable sur le pèlerinage, et que ces destinations ne manquent jamais de croyants venus de tous les horizons, toutes saisons comprises. D’ailleurs, pour ce genre de voyage, rallier sa destination n’est pas la seule fin. L’expérience est amorcée dès l’instant du départ, et continue tout au long du trajet à parcourir.
On peut ainsi classifier les différentes dimensions du tourisme religieux :
- Les attractions religieuses, elles-mêmes subdivisées en sous-groupes : mosquées, mausolées des descendants des Imâms (Imâmzâdeh), tombeaux et sépultures, lieux de rituels et de réunions pour les croyants, monastères, couvents et synagogues.
- Le tourisme religieux tient compte également de la durée du voyage. On peut ainsi distinguer les voyages de courte durée des voyages plus longs. Dans le premier cas, ni la distance à parcourir ni la durée du voyage ne dépasse guère les limites de la journée, tandis que dans le second cas, qu’il s’agisse d’un déplacement intra ou extraterritorial, le voyage effectué s’étendra bien au-delà d’une simple journée.
- Quant aux buts des voyages religieux, ils sont divers. La majorité des pèlerins, ne cherche qu’à visiter le lieu saint en question, effectuer des rituels liturgiques, faire preuve de charité ou rendre visite aux nécessiteux dans les hôpitaux, et parfois, propager une foi à laquelle le pèlerin tient par-dessus tout. Le deuxième groupe concerne les voyageurs qui participent aux colloques ou aux cérémonies religieuses tout en visitant les sites saints.
- Certains pèlerins, en raison de la nature de leur foi, ne voyagent pas en groupe et penchent plutôt vers des voyages individuels et non organisés. Par contre, les adeptes des religions abrahamiques, c’est-à-dire l’islam, le judaïsme et le christianisme, eu égard à l’intérêt qu’ils portent aux activités collectives, font le trajet en nombre pour profiter de la présence de leurs coreligionnaires et rencontrer de nouvelles personnes avec des idées et des croyances identiques ou similaires. Le plus emblématique parmi les pèlerinages collectifs est certainement celui de La Mecque, transformée aujourd’hui en lieu de rencontre pour les musulmans des quatre coins du monde. Les occasions de célébrations ou de cérémonies religieuses peuvent également dynamiser le tourisme des pays religieux, à savoir, durant les mois de Dhou al-Hijja où les croyants se rendent à La Mecque pour accomplir les gestes rituels édictés par leurs traditions respectives.
- Quant au trajet, il est aujourd’hui parcouru grâce à des moyens de transport modernes, climatisés et bien équipés, sauf dans certains cas spécifiques, alors que jusqu’à la moitié du XIXe siècle, c’était à dos d’animaux, parbarques ou bateaux, qu’on se déplaçait.
- Parmi les spécificités du pèlerinage, d’autres sont remarquables :
Les voyageurs religieux sont censés ne porter aucune atteinte à l’environnement naturel des lieux où ils se rendent, à l’environnement social ou politique également, puisque les pèlerins, compte tenu de leur « morale religieuse » doivent respecter scrupuleusement les droits d’autrui durant le voyage. De plus, totalement voués à leur quête de spiritualité, les pèlerins n’aiment généralement pas se déplacer après avoir rejoint leur destination sacrée. Contrairement à certains voyages nécessitant des conditions particulières, le pèlerinage est accessible à toutes les couches sociales et même aux différents groupes d’âge. Outre les bénéfices immatériels, le pèlerinage peut également avoir partie liée avec le tourisme culturel, entre autres avec la visite des sites historiques, les achats chez les artisanats régionaux, la connaissance de la culture du pays de provenance. Le tourisme culturel peut également constituer une pause, un moment de repos, de détente et de distraction pour les pèlerins. L’emplacement géographique de l’Iran, au-delà de sa richesse religieuse, peut également servir de transit entre les pays musulmans. Le pays se situe en effet sur le trajet des pèlerins.
Dans des pays tels que l’Iran qui ont un bon potentiel religieux, et compte tenu du grand nombre de musulmans dans le monde, le tourisme religieux recèle des potentialités économiques importantes. Récemment l’intérêt mondial pour les sites saints en Iran a augmenté à tel point qu’on est parvenu petit à petit à valoriser ce genre de tourisme dans le pays en dépit du tourisme culturel qui lui, reste peu développé. De plus, les visites au mausolée de l’Imam Rezâ à Mashhad, à celui de Hazrat-e Ma’soumeh à Qom, de Hazrat-e Abdol ’Azim à Rey et de Shâh Tcherâgh à Shirâz peuvent gagner en envergure moyennant une bonne planification et un développement des infrastructures. D’autre part, ces deux formes de tourisme, le tourisme religieux et le tourisme culturel, ne se contredisent pas et dans des pays comme l’Iran qui jouit du voisinage des lieux sacrés et historiques, dans la plupart de ses villes touristiques, cette relative coïncidence pourrait apporter davantage au tourisme (en général) en Iran. Cet avis n’est pas partagé par tous les spécialistes mais l’expérience dans ce domaine atteste qu’en l’état actuel, cette politique s’avèrerait des plus bénéfiques.
Actuellement les Iraniens s’adonnent plutôt au tourisme dans les pays voisins, notamment dans les pays limitrophes du nord, pour en visiter les attraits culturels communs à leur propre culture iranienne. Mais l’inverse n’a malheureusement jamais eu lieu sauf dans certains cas, et cela avec des visées religieuses et très limitées. Les pèlerins Tadjiks, par exemple, se hâtent de rendre visite au mausolée de l’Imâm Rezâ à Mashhad mais n’ont curieusement aucune attirance pour les villes historiques comme, par exemple, Ispahan, d’où le vol direct Douchanbé-Mashhad. Cela tient peut-être au manque d’intérêt généralisé des Iraniens pour la présentation de leurs acquis et valeurs culturelles autres que religieuses.
Par ailleurs, les pays considérant l’Iran comme leur destination de pèlerinage, ne font pas partie des pays dit "développés". Par conséquent, prévoir une large coopération dans ce domaine nécessite l’assomption de certaines responsabilités de la part des deux pays dont le plus important est la reconsidération des frais de voyage et de logement des pèlerins. Le tourisme religieux apparaît donc comme étant le principal moyen de développer le tourisme en Iran étant donné sa grande richesse dans ce domaine, ainsi que son grand potentiel d’attraction pour les populations chiites habitant dans les pays limitrophes.