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La connaissance des Iraniens du concept de musée date du règne du roi qâdjâr Nâssereddin Shâh qui ordonna, après son retour d’un voyage en Europe, de transformer un des pavillons de son palais du Golestân en musée en 1914. Deux ans plus tard, en 1916, le premier musée iranien, qui devint le Musée National (mouzeh-ye melli) fut inauguré par Mortezâ Gholi Khân Momtâz-ol-Molk dans l’une des ailes de l’école Dar-ol-Fonoun. Cet ensemble fut transféré, quelques années plus tard, au palais Mass’oudieh, puis au musée Iran-e Bâstân (Musée de l’Archéologie).
Quant au Musée Rezâ Abbâssi, l’un des musées de Téhéran, riche en collections diverses, il fut inauguré en septembre 1978, puis agrandi et rénové durant l’année suivante pour accueillir de nouveau le public à partir d’octobre 1980. En 1985, le musée fut de nouveau clos et rouvert l’année suivante. Finalement, une nouvelle série de rénovations eurent lieu en 1999, à la suite desquelles le musée est demeuré ouvert jusqu’aujourd’hui. Ce musée comprend des collections s’étendant de la préhistoire jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, et se focalise en particulier sur les arts picturaux et calligraphiques. Il retrace admirablement les changements, l’évolution et le perfectionnement des arts, de la pensée et des coutumes des Iraniens depuis les débuts de l’histoire.
Le musée a été baptisé du nom de Rezâ Abbâssi (1565-1635), maître miniaturiste de l’époque safavide. Ce dernier fut le plus notable représentant de la miniature safavide et vécut durant le règne de Shâh Abbâs Ier le Grand. Les collections détenues par ce musée sont conservées dans deux sections séparées, la réserve et les salles. Environ 600 pièces sont en alternance disponibles au public. Les fonds du musée ont été en grande partie achetés à des collectionneurs privés, iraniens ou étrangers, tels que Nâsser Khalili ou M. Mahboubiân.
Les pièces présentées dans les salles sont de deux types : préislamiques (comprenant également la préhistoire) et islamiques.
Les pièces de la période islamique, plus nombreuses, sont à visiter dans quatre sections : islamique 1, islamique 2, œuvres picturales et œuvres calligraphiques.
Ce musée sur trois étages comporte cinq salles : 1) Art préislamique, 2) Art islamique 1, 3) Art islamique 2, 4) Œuvres picturales, 5) Œuvres calligraphiques
Les pièces sont exposées de façon à mettre en relief les caractéristiques artistiques et culturelles propres à leur époque. Par exemple la salle des pièces préislamiques comporte de nombreux objets en or, en argent ou autres métaux précieux, et servant généralement à l’ornementation, en somme des objets de luxe. Ceci alors que les objets de la période islamique servaient généralement à un usage quotidien, tels que les poteries ou les manuscrits d’ouvrages scientifiques.
Les objets de la section des antiquités ont généralement été mis à jour lors de fouilles dans les régions de Kermânshâh, d’Azerbaïdjan, du nord de l’Iran et du Lorestân et leur ancienneté va du IIIe millénaire av. J.-C. jusqu’aux VIIe et VIIIe siècles av. J.-C. Ces pièces consistent essentiellement en céramiques, cruches, pichets, rhytons, bronzes du Lorestân, armes telles que haches de guerre ou décoratives, mors, brides, harnais, peignes, tonneaux, etc., généralement en bronze, terre cuite cendrée ou adobe.
Les pièces de la période préislamique, mises à jour lors de fouilles à Zivieh ou Mârlik, englobent les périodes mède, achéménide, arsacide et séleucide et sont généralement en or ou en argent.
La salle suivante est la première salle islamique où sont exposés des objets datant des débuts de l’islam jusqu’à l’ère seldjoukide (XIe-XIIIe). Ces pièces sont généralement en céramique ou métaux émaillés.
Les décorations de ces objets comprennent la gravure calligraphique à l’écriture coufique, des gravures florales, mais aussi l’usage d’émaillage en lapis-lazuli. Il y a également des objets en verre coloriés, dorés ou faits avec des coquillages. De nombreux bols, assiettes, pichets, cruches ou faïences, mais aussi des céramiques diverses et des mosaïques dorées sont exposés dans cette salle.
La troisième salle expose également des pièces d’art islamique, et couvre la période allant du XIIIe siècle jusqu’à l’ère qâdjâre. Ces pièces sont également souvent en céramique, terre cuite, adobe ou métaux émaillés. Les décorations comprennent entre autres des gravures animales ou humaines. Les techniques perfectionnées d’émaillage, en particulier transparent ou en relief, et de gravures sur bois ou sur métaux caractérisent notablement ces pièces comprenant des gourdes, bols, pichets, bassines, seaux, armes blanches, boucliers, vases, miroirs, portes-plumes ou mêmes des boîtes à outils. La plupart de ces objets sont originaires des régions depuis longtemps urbanisées tels que Soltân Abâd, Mashhad, Kermân ou Ispahan.
Dans la quatrième salle sont exposées les œuvres picturales, datées de la même période que la salle des arts islamiques 2, c’est-à-dire s’étendant du XIIIe siècle à la période qâdjâre. Cette salle comprend plusieurs manuscrits complets ou partiels du Shâhnâmeh, avec entre autres les Shâhnâmeh de Ghavâm, Dâvari, Shâh Esmâïl, Shâh Tahmâsb, et les manuscrits d’autres chefs-d’œuvre littéraires tels que le Boustân et le Golestân de Saadi, Madjma’-ol-Tavvârikh de Hâfez Abrou, le Khamseh de Nezâmi, l’Eskandar Nâmeh, ainsi qu’un nombre important d’œuvres picturales possédant les propriétés du style qâdjâr.
Cependant, les œuvres les plus remarquables de cette salle sont les miniatures de Rezâ Abbâssi lui-même : des miniatures tels que "l’homme solitaire" ou "jeune homme, coupe à la main", ainsi que celles de son élève Mo’in Mossavar, qui continua le chemin du maître et affina ce style. Ces miniatures montrent l’influence et la rencontre de plusieurs écoles, telles que celle de Herat, de Neyshâbour, de Bokhârâ, de Ghazvin, de Tabriz, d’Ispahan et du Khorâssân.
La cinquième et dernière salle du musée est la salle de la calligraphie, qui recouvre l’ensemble de l’histoire de la calligraphie islamique, depuis le Xe siècle jusqu’à l’époque qâdjâre. Cette salle est en soi un remarquable concentré d’histoire, avec des exemples de tous les styles calligraphiques islamiques couvrant cette longue période. Les écritures sont généralement consignées sur des matériaux tels que la peau, le papier farangi, le papier pékinois, etc. Les couvertures des manuscrits sont également intéressantes au niveau des matériaux utilisés. On peut entre autres citer la laque, le timâj ou le mishan. Les sujets traités dans ces manuscrits étant variés, ainsi va de même pour les décorations, parfois directement appliquées sur la feuille et les marges, parfois dans l’écriture même, telle que l’usage des oiseaux ou des fleurs dorées calligraphiées.
Les thèmes de ces calligraphies sont variés, mais comprennent essentiellement des versets coraniques, des maximes et sagesses, des poèmes. Il y a également plusieurs ouvrages scientifiques, mathématiques, astronomiques ou médicaux, dont les manuscrits ont été calligraphiés avec soin.
Les calligraphies employées couvrent tout particulier les styles des premiers siècles de l’hégire tels que le coufique et ses dérivés (tholth, naskh, mohaghegh, reyhân, towghi’, reghâ’), œuvres de grands maîtres calligraphes tels que Mir Emâd Hassani Ghazvini, Ahmad Tabrizi, Alirezâ Abbâssi, Ali Asgar Arsanjâni, Zeynolâbedin Esfahâni ou Abdol-Madjid Darvish.
En plus des salles citées, le Musée Rezâ Abbâssi met à la disposition du public une importante documentation artistique et historique, ainsi qu’une médiathèque comprenant des documents audio visuels, un espace interactif d’enseignement, entre autres, de la calligraphie et de la peinture, une bibliothèque, ainsi qu’un fonds de revues anciennes, introuvables ailleurs en Iran. Le musée comprend également des salles d’exposition, où des œuvres picturales sont souvent exposées, et des salles de conférence.
La réserve du musée comprend trois sections : la première section où sont conservés les fonds en terre cuite, adobe ou céramique et métaux divers. Quelques momies et ossements y sont également conservés.
La deuxième section comprend quant à elle les manuscrits, les textiles, les tableaux calligraphiques, les œuvres d’art en laque, les objets en matériaux "modernes" de l’époque qâdjâre, les œuvres picturales contemporaines et les miniatures.
La dernière section, finalement, est dédiée à la numismatique. Dans cette section sont conservées des monnaies de diverses périodes, allant de l’ère achéménide à l’ère qâdjâre.
Bien évidemment, la possession d’objets anciens, remarquables par leurs factures ou leur histoire ne suffit pas à faire un bon musée. Il faut également que ces œuvres soient préservées et que le musée puisse continuellement mettre à jour et échanger des informations concernant ces œuvres. D’autre part, étant destiné au public, le musée doit également promouvoir la qualité de ses prestations et prévoir un espace et des services permettant au visiteur d’apprécier son temps de visite. En ce sens, le Musée Rezâ Abbâssi peut être considéré comme l’un des musées les plus respectueux et conscients du public. Ainsi, il est sans conteste l’un des plus riches musées iraniens, d’autant plus que l’insistance sur l’évolution des arts autant que l’histoire donne un relief particulier aux œuvres exposées.
Site internet du musée :
www.rezaabbasimuseum.ir