N° 71, octobre 2011

Littérature d’enfance et de jeunesse après la Révolution islamique d’Iran


Ramezânali Vâsheghâni Farahâni


Compte tenu de l’importance de l’éducation islamique et l’extension des sujets pédagogiques via l’écriture, les écrivains iraniens se sont également orientés vers la littérature d’enfance et de jeunesse. En réduisant le ton littéraire à une forme plus souple et proche du langage enfantin, les écrivains iraniens tentèrent de s’approcher davantage du monde des enfants bien avant la Révolution. Grâce en particulier aux efforts de Djabbâr Baghtchehbân, la littérature d’enfants vit le jour en 1300 (1921). En 1319 (1940), Sobhi Mohtadi lança une émission radiophonique pour les enfants, sous forme de contes à écouter avant l’heure du coucher.

Couverture de Dâstân-e Râstân de Mortezâ Motahari

Avant la Révolution islamique, certains grands écrivains ont créé des œuvres qui ont ouvert la voie au foisonnement de la littérature d’enfance. Parmi les plus connus, nous pouvons citer Mahdi Azâryazdi, Mahmoud Hakimi, Seyyed Gholâmrezâ Sa‘idi, Ali Shariati, Mortezâ Motahari, Mostaphâ Zamâni, Samad Behrangi, Parvin Dowlat Abâdi, ou encore Mahmoud Kiânoush.

Ces écrivains furent parmi les premiers à aborder les thèmes moraux et spirituels dans leurs écrits destinés aux enfants et adolescents. Avec son Dâstân-e Râstân (Récits des Justes), Mortezâ Motahari a entre autre rendu un service extraordinaire à la jeunesse iranienne. L’impact important de ce mouvement perdure toujours.

Ali Shariati, penseur et intellectuel iranien, en écrivant son Yek, djelosh tâ binahâyat sefr-hâ (Un, avec devant infiniment de zéros) et Mostaphâ Zamâni avec son Ghesseh-hâye Ghor’ân (Histoires coraniques) ont également accompli un grand pas en ce sens. Mahmoud Hakimi, en reproduisant les récits historiques, en particulier l’histoire des premiers temps de l’islam, a réussi à susciter une nouvelle émotion dans la jeunesse iranienne par rapport à l’histoire de l’islam. Toutes ces œuvres eurent un impact significatif sur la réhabilitation de la culture islamique au sein des familles iraniennes.

En général, la littérature pour enfants et destinée à la jeunesse ne faisait pas l’objet d’une attention ciblée avant la Révolution de 1979. Ainsi, le monde littéraire n’attachait pas à cette catégorie littéraire l’importance qui lui était due.

Couverutre de Ghesseh-hâye Ghor’ân de Mostaphâ Zamâni

Le regard, le ton et la rhétorique utilisés étaient plutôt faits pour un auditoire adulte et l’approche se faisait, plutôt que par l’intermédiaire d’un récit intéressant les enfants et les adolescents, par les tendances politico-sociales des écrivains.

Ce contexte était toutefois naturel, car les écrivains engagés ou religieux n’étaient pas nombreux d’une part, et d’autre part, le pouvoir politique surveillait de près toute velléité d’éveil.

Un grand nombre d’écrivains de la littérature de jeunesse étaient issus des courants politiques de gauche tels que le parti communiste iranien, le Toudeh, les sympathisants marxiste-socialistes, ou les pensées occidentales, étrangères ou hostiles aux idées et pensées religieuses. Profitant d’une organisation solide et d’un courant bien infiltré dans le système intellectuel et politique, ce groupe d’écrivains se procurait également des soutiens étrangers pour faciliter son infiltration doctrinale et sa domination intellectuelle. C’est justement suite à cette politique qu’ils adoptèrent une tendance ciblée en se tournant vers la traduction des œuvres littéraires étrangères.

Lors d’une interview, Hossein Fattâhi, spécialiste de la littérature de jeunesse en Iran, dit à ce propos : « Les statistiques officielles montrent qu’entre 1346 et 1356 (de 1967 à 1977), le taux de traduction des livres étrangers en Iran s’élevait de 80 à 85%, tandis que pour la même période, le taux de publication de livres iraniens était de 15 à 20%. D’ailleurs, dans le cas d’un bon nombre de ces ouvrages iraniens, il s’agissait de rééditions ou de reprises de textes anciens… C’est notamment en raison d’une telle pauvreté du marché du livre que les récits de jeunesse à orientation religieuse, tels que le Dâstân-e Râstân de Motahari étaient l’objet d’une grande popularité.

Dans les années 1360 (1981), la proportion traduction/rédaction de la littérature atteignit heureusement le taux inverse. En d’autres termes, le taux de traduction qui s’élevait à 80% avant la Révolution laissa place à un foisonnement d’écriture, tous sujets compris. Ce succès remarquable constitue le point focal le plus important de cette époque. »

Couverture de Dâstân-e gol-e sorkh de Mahmoud Barâbâdi

Dans l’ensemble, avant la Révolution de 1979, la littérature de jeunesse ne rassurait pas. On y trouvait souvent des contenus malsains, nuisibles et même corrompus, où un réalisme étrange poussait les écrivains à ne pas épargner aux enfants et aux adolescents le moindre détail choquant. Ce courant était effectivement d’une forte volonté à confiner l’esprit de la jeune génération dans des sujets en apparence secondaires et peu provocateurs pour le système politique.

Pour Fâtemeh Amiri, spécialiste de la littérature persane, « la littérature de cette période était façonnée de telle sorte qu’elle n’attirait pas la jeunesse iranienne vers la lecture. Elle l’orientait plutôt vers les romans noirs, policiers, fictions, imaginaires ou des écrits nihilistes et désespérants. Le contenu était marqué par l’abondance de scènes d’amour ou de relations illicites : dans l’ensemble, cette littérature n’était pas faite pour la jeunesse. »

Quant à Mortezâ Motahari, il écrit à ce propos : « On peut dire que la Révolution islamique étant fondée sur les valeurs islamiques et les causes confessionnelles, elle prend pour cible, au-delà de ses effets sur la sociopolitique du pays, l’esprit des individus, en leur donnant une mentalité différente et en leur modifiant le regard, le goût littéraire et les attentes intellectuelles qu’ils avaient de la littérature, car il s’agit, au fond, d’une révolte culturelle et spirituelle qui puise ses origines dans les nobles enseignements de l’islam. Il s’agit d’une révolution qui bénéficie d’une identité islamique dans tous ses aspects politiques, idéologiques, spirituels et même matérialistes. »

Couverture de Derakhti ke parandeh-hâ râ doust nadâsht de Djamshid Sepâhi

Effectivement, dès l’époque des luttes révolutionnaires, certains écrivains décident de changer et de créer une littérature en accord avec le nouvel horizon ouvert, pour prouver leur solidarité et leur convergence de vue avec l’état culturel du pays. Parmi ces écrivains nous citerons : Nâsser Irâni, Nâder Ebrâhimi, Mahmoud Golâb Dareii, Houshangh Morâdi Kermâni, Mahmoud Kiânoush, etc.

Parmi eux, Houshangh Morâdi Kermâni est à citer à titre particulier, puisqu’il a réussi à créer des œuvres universelles et du goût de tout auditoire, jeune ou plus âgé, des œuvres souvent également connues à l’extérieur du pays.

Kermâni a commencé sa carrière littéraire dans les années 1340 (1961), mais son œuvre ne s’est pleinement développée et n’a atteint sa maturité qu’après la Révolution islamique. Il est aujourd’hui l’un des plus importants auteurs de jeunesse d’Iran.

Ses succès remarquables ont fait que plusieurs de ses œuvres ont été traduites à l’étranger et lui ont valu plusieurs prix littéraires, lors de festivals locaux ou internationaux.

En 1379 (1999), son livre Batcheh-hâye ghâlibâf (Les enfants tisseurs), écrit en 1980, faisait partie des livres candidats du prix Kiriyama Pacific 2000, une première pour un livre iranien.

Couverture de Salâm ey setâreh-hâ de Farhâd Toussi

Dans la même période, une autre génération d’écrivains iraniens est également apparue sur la scène littéraire qui, à son tour, a entrepris de promouvoir une littérature de jeunesse adaptée aux besoins des enfants et adolescents. Cette nouvelle génération, mûrie durant la Révolution et la guerre qui l’a suivie, est quelque peu différente de la précédente et a réussi à porter la nouvelle littérature à des sommets nouveaux. On peut citer parmi eux : Seyyed Mahdi Shodjâ’i, Ebrâhim Hassanbeygi, Dârioush Abedi, Mahmoud Mirkiâni, Hossein Fattâhi, Djamshid Sepâhi, Rezâ Râhgozar (ce dernier commença à écrire avant la Révolution, mais il fait partie des écrivains engagés et courageux de son temps, qui a beaucoup fait pour la littérature de jeunesses), Hamid Gerogân, Mahdi Hadjvâni, Amir Hossein Fardi, Mohammad Rezâ Kâteb, Mahdi Morâd Hâssel, Mohammad Mohammadi, Samirâ Aslânpour, Maryam Djamshidpour et Faribâ Kalhor.

Avant de présenter quelques œuvres de jeunesse d’avant ou d’après la Révolution, il convient de préciser que cette catégorie de littérature a connu une évolution profonde dans les années précédant la chute du régime du Shâh.

Les messages comme la liberté, la morale, l’unité et la solidarité, l’unité de verbe et d’action, le renforcement de l’espoir, l’invitation à l’amour et l’affection, la persévérance religieuse, le refus des attitudes vulgaires, le rejet des conduites incitatrices des passions matérielles et menant aux dérives mentales et comportementales, font partie des grands thèmes abordés.

Cette littérature tente également d’enseigner le discernement et le sens de la réflexion à la jeunesse du pays.

Couverture de Bâgh-e vahsh-e kâghazi de Hamid Gerogân

Les spécialistes littéraires reconnaissent les particularités suivantes pour cette catégorie de la littérature iranienne :

1. La naissance d’une littérature spécialisée et conforme aux besoins des enfants et de la jeunesse issus de la génération révolutionnaire.

2. La croissance et l’amélioration qualitative et quantitative des œuvres littéraires.

3. L’amélioration et la spiritualisation des visions, valeurs et perspectives appliquées par les ouvrages littéraires de jeunesse.

4. Le réalisme accru des œuvres destinées à la jeunesse.

5. La variété thématique.

6. La croissance quantitative des œuvres rédigées par rapport aux œuvres traduites.

7. L’abondance des récits et nouvelles littéraires avec des contenus religieux et moraux, ainsi que la croissance de la reproduction littéraire.

8. Le développement des thèmes culturels parallèlement à l’extension éducative à l’aide d’enseignements pédagogiques.

9. La modélisation de personnalité et de caractère, à partir des caractères de braves soldats morts ou mutilés sur le front durant la guerre.

Ces changements commencèrent à intervenir au moment où la littérature de jeunesse prérévolutionnaire était quasi étrangère aux réalités internes et externes de cette couche sociale hautement sensible.

Voici quelques uns des ouvrages de la littérature pour enfants et adolescents de cette période :

1. Parastoui ke parvâz nemidânest (L’hirondelle qui ne savait pas voler), 1358 (1979), de Djamshid Sepâhi.

2. Hamsafarân-e Bâd (Les voyageurs du vent), 1358 (1979) et Shâh-e Koutchak » (Le petit roi), 1359(1980), par Naghi Soleymâni.

3. Vaghti Batcheh-hâ enghelâb mikonand (Quand les enfants font la révolution), 1357(1979), par Hamid Tadayyon.

4. Shokouh-e Shahâdat (La splendeur du martyr), 1359 (1980), Hamid Gerogân.

5. Dâstân-e gol-e sorkh (Le récit de la rose), 1359 (1980), Mahmoud Barâbâdi.

6. Salâm ey setâreh-hâ (Bonjour à vous, ô étoiles), 1360 (1981), Farhâd Toussi.

7. Safar-e tcheshmeh-ye koutchak (Le voyage de la petite fontaine), 1363 (1984), Rouz-hâye emtehân (Les jours d’examens), 1363(1984), Dotcharkheh-ye Aghâ Jân (Le vélo d’Aghâ Jân), 1366 (1987), par Fereydoun Amouzâdeh Khalili.

8. Bâgh-e vahsh-e kâghazi (Le zoo en papier), 1362 (1983), Hamid Gerogân.

9. Derakhti ke parandeh-hâ râ doust nadâsht (L’arbre qui n’aimait pas les oiseaux), 1362 (1983), Djamshid Sepâhi.

10. Andouh-e Barâdar (Le chagrin du frère) par Seyyed Mahdi Shodjâi’i.

11. Yek parvâneh, hezâr parvâneh (Un papillon, mille papillons), 1365 (1986), Hassan Ahmadi.

12. Une collection intitulée Rouz-e tanhâi-ye man (Le jour de ma solitude), Pandj sang (Cinq pierres) et Afsâneh-ye khoshbakhti (La légende de bonheur), 1366 (1987), Mohammad Mirkiâni.

13. Fazânavard dar koureh-ye adjorpazi (L’astronaute dans le four à briques), 1367 (1988), Mohammad Mohammadi.

Bibliographie :
- Hassan Bayât, Mohsen Hosseini, Goftâr-hâyi darbâre-ye adabiât va tcheshmandâz adabiât-e enghelâb-e eslâmi (Perspective de la littérature sous la révolution islamique d’Iran), Centre de recherches de l’IRIB. 1387 (2009).
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- Hassan Mirâbedini, Sadsâl dâstânnevisi Iran (Cent ans de récit en Iran), Téhéran, ed. Tcheshmeh, 1998.
- www.anjomanghalam.ir/1388/09/post-187.html
- www.shat.ir/home.html
- www.farhangeisar.org/
- http://fr.wikipedia.org/wiki/Velayat-e_faqih
- http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_Iran-Irak


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