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Avicenne le médecin
Extrait de Tchahâr Maghâleh de Arouzi Samarghandi
Traduit par
Arrivé à Gorgân, Avicenne loua une chambre dans un caravansérail et s’occupa du soin des malades. De bouche à oreille, son nom fut connu de tous et sa renommée se répandit dans toute la ville.
Sur ces entrefaites, le neveu du roi Kâvous tomba gravement malade et malgré tous les remèdes que les médecins lui prescrivirent, sa maladie, au lieu de guérir, s’aggrava tant et si bien que son entourage dit à Kâvous : « Un médecin vient d’arriver dans notre ville, doté du souffle ranimant du Christ ; la guérison de toutes les maladies est entre ses mains ; il vaut mieux l’appeler au chevet du malade et le prier de soigner le souffrant ».
Kâvous accepta, envoya chercher Avicenne et le fit amener pour examiner le malade.
Après l’avoir examiné méticuleusement, Avicenne le regarda et comprit que sa souffrance était d’un autre genre et que ses soins exigeraient des moyens incongrus.
Il demanda alors de lui faire venir un homme connaissant les rues et les quartiers de Gorgân. Son ordre fut immédiatement exécuté. Cet homme connaissait toutes les rues de la ville et les nommait une à une.
Avicenne mit l’une de ses mains sur le front du malade, de l’autre lui prit le poignet et lui tâta le pouls. Il demanda ensuite à cet habitant de la ville de nommer une à une toutes les rues de Gorgân.
L’homme acquiesça.
Arrivant au nom d’une rue, Avicenne vit le malade sursauter et rougir.
Il poursuivit ainsi : « Allez chercher quelqu’un qui connaisse toutes les rues et ruelles de ce quartier ». On lui obéit immédiatement.
Avicenne, de nouveau, mit sa main sur le front du malade, lui prit le pouls tout en énumérant le nom des rues. La prononciation du nom de l’une d’entre elles fit tressaillir le malade et lui fit monter le rouge à la face.
Après coup, Avicenne déclara : « J’ai besoin d’une personne qui pourrait reconnaitre tous les habitants de cette rue, le numéro des habitations et le nom de leur propriétaire ».
On trouva l’homme ; celui-ci décrivit les maisons. La description de l’une d’elles fit soupirer le neveu de Kâvous.
Avicenne donna ensuite l’ordre de faire venir à ses côtés l’un des habitants de cette maison et lui demanda de donner le nom de chacun des membres de cette famille. Parmi les noms figurait celui d’une fille à la prononciation duquel le malade se tortura, rougit et son cœur battit la chamade.
Avicenne se rendit chez Kâvous et lui dit : « Lorsque j’ai visité le malade, j’ai constaté qu’il s’agissait de passion, de troubles amoureux et qu’il était sans aucun doute épris d’une belle pour laquelle il était tombé dans cet état. Pour trouver l’objet de son amour, j’ai fait les démarches dont vous êtes au courant et Dieu merci, j’ai trouvé le moyen que voici pour le guérir : ce jeune homme est consumé d’amour pour une fille habitant telle rue et telle maison ».
Kâvous s’étonna de l’étendue du savoir d’Avicenne dans le domaine de la médecine.
Il ajouta : « Cette jeune fille et ce jeune homme sont tous les deux de mes proches ; j’ai compris que la pudeur empêchait mon neveu d’avouer son attachement à elle ».
Tout finit par s’arranger ; on accorda la main de la jeune fille au jeune homme ; on organisa une fête somptueuse et on les maria.
Ce fut ainsi qu’Avicenne réussit à libérer l’heureux marié de la souffrance qui le rongeait.