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L’Avestâ ainsi que les autres textes religieux zoroastriens parlent des démons, des êtres légendaires et des héros de la Perse antique. Les sources les plus instructives en la matière sont l’Avestâ, le Bondahesh, ainsi que quelques autres documents ayant été consacrés aux anciens héros iraniens.
Deux types de forces malfaisantes existaient dans l’ancienne Perse : celles qui attaquent directement le corps humain, et celles qui fréquentent les hommes en attendant une occasion favorable pour nuire à leurs récoltes ou à leur bétail. En général, les forces malfaisantes et leurs ennemis s’appelaient Yâtou. Le mot Div (démon) vient du mot archaïque Dévâ qui veut dire "dieu" ou "faux dieu". Les forces malfaisantes féminines s’appelaient Peïrikâ (fée ; pari en persan moderne). Les fées vaquaient à leurs activités pendant la nuit. Comme les sorcières, elles pouvaient se déguiser en rat ou prendre l’apparence d’une comète. Parfois, elles se faisaient belles pour séduire les hommes. L’âme féminine de Neِche, qui se déguise en mouche, est considérée comme la plus malfaisante. Ladite mouche tachetée venant du Nord [1], appartient au groupe malfaisant de Doroudj (en persan moderne on l’appelle, dorough, qui veut dire mensonge).
Parmi d’autres êtres légendaires de la tradition zoroastrienne, on peut nommer Saïn (Simorgh), l’oiseau légendaire qui ressemble au faucon. Le Saïn fait son nid en haut de l’arbre Hametokhmeh. En battant des ailes, il sème des graines de cet arbre. Selon les légendes, cet oiseau allaite ses poussins. Ce qui retient l’attention est que dans le Shâhnâmeh de Ferdowsi, cet oiseau, ayant des pouvoirs extraordinaires, joue un rôle de premier plan, en particulier dans l’histoire de Zâl et Rostam.
L’arbre Hametokhmeh pousse au milieu de la mer Farâkhkart. Dans les profondeurs de cette mer se trouve un poisson gardien qui peut écarter tous les êtres nuisibles, dont une grenouille rongeuse très dangereuse. Un autre gardien, protège la mer : Kharpâk. Outre le Simorgh, l’Avestâ fait mention de quelques autres oiseaux à savoir le Karshaptâr, un oiseau au vol rapide qui diffuse les messages du prophète zoroastrien ; l’Oshuzosht ou Djoghd (hibou) qui, en prononçant des mots sacrés, écarte les divs malveillants ; et enfin, le Tchomroushe qui s’occupe des affaires spirituelles des non-Iraniens ; il contribue d’ailleurs à semer des graines de Hametokhmeh.
Autrefois, la croyance était répandue que les êtres nuisibles comme les divs constituaient une menace pour les hommes et les végétaux. Les animaux sauvages, les rongeurs, les tortues, les araignées et les insectes étaient tous considérés comme nuisibles. On peut également mentionner les monstres légendaires contre lesquels les héros humains luttent sans cesse. Ces monstres prenaient souvent la forme de dragons ou de serpents. L’exemple le plus connu de ces êtres est l’Egidehâk (ejdehâ en persan moderne), dragon à trois têtes qui mange de la chair humaine. Dans le Shâhnâmeh, ce cannibale se manifeste sous le nom de Zahhâk. L’Avestâ le décrit ainsi : « Un monstre à trois têtes, trois gueules, six yeux qui a le pouvoir de nuire aux hommes, qui peut dire les plus grands mensonges afin d’anéantir la sincérité du monde… » (Yasht 9, p. 14).
Dans le chapitre Abân Yasht de l’Avestâ, Egidehâk (Zahhâk), pour obtenir du Farrah (splendeur royale) demande l’aide d’Anâhitâ, la déesse de l’eau. En effet, au moment où Zahhâk se marie avec les deux filles de Djamshid (le roi pécheur de Djam), ce dernier perd sa splendeur qui lui est donnée par le dieu du feu (Atar). Zahhâk pourchasse ce dernier jusqu’à la mer Farâkhkart, en vain.
Les autres dragons sont l’Egisarvar, jaune et cornu (sarvar veut dire cornu) qui mange des hommes et des chevaux ; Kondrob (kondrow veut dire lent), qui a des talons en or et effraie la mer Farâkhkart ; le jeune Sanâvizak, qui espère se rendre maître des forces bienfaisantes et malfaisantes ; et un grand oiseau malveillant nommé Kamak, qui déteste les humains et est finalement tué par un héros au cours d’une lutte où le Bien vainc le Mal. Cette lutte se situe au cœur du zoroastrisme.
Certains héros de l’Avestâ appartiennent à l’époque pré-zoroastrienne où les peuples indien et iranien, ayant une langue commune, étaient considérés comme étant de la même race. Avec le développement du zoroastrisme en Iran, certaines notions pré-zoroastriennes s’introduisent dans l’Avestâ. C’est le cas du chapitre 19 nommé Zâmiâd Yasht, qui est consacré à une description très détaillée des anciens héros qui apparaîtront tous 2000 ans plus tard dans le Shâhnâmeh. Autrement dit, ce chapitre relate les histoires du Shâhnâmeh longtemps avant son apparition.
Kioumars (ou Djân-e mirâ, qui signifie âme mortelle) est le premier homme légendaire. C’est un homme au visage charmant, clair comme le soleil : « Nous admirons l’entité de Kioumars, lui qui apprend premièrement les instructions d’Ahourâ Mazdâ. Celui qui fit naître la génération d’Ariâ » (Yasht 13, p. 87).
La mythologie des rois iraniens commence par la lignée Paradât (Pishdâdiân du Shâhnâmeh) dans laquelle Heochangeh (Houshang du Shâhnâmeh) est le premier roi. Dans le chapitre آbân Yasht, il demande l’aide d’Anâhitâ pour obtenir des forces malfaisantes.
Takhmourop (Tahmouress du Shâhnameh) succède à Houshang et gouverne les forces malfaisantes pendant 700 ans.
Le Yameh (Djamshid) est sans aucun doute le héros le plus important des mythes iraniens. Il est connu, dans les traditions indoeuropéennes, sous le nom du Yamé Khash’at. Dans la version indienne, Yameh Vadâ’ï choisit la mort et devient le roi des morts. Le Yamé de l’Avestâ est un "Yamé fovorable" et un " bon berger" adoré par les habitants du territoire mythique d’Iranéom vo’jdé (iranvej en pahlavi). Les anciens Iraniens tenaient leur territoire pour le centre de l’univers. Djamshid gouvernait un monde où règnait la bonté. Après 300 ans, Djamshid se rendit compte du développement excessif des êtres sur la terre ; il décida donc de l’élargir au moyen de son bâton et de son fouet d’or. Avant la fin de son gouvernement, il élargit la terre pour la deuxième et troisième fois. Mais en commettant un péché (celui du mensonge), il perdit définitivement sa splendeur royale : « il se mit à mentir, et donc la splendeur le quitta immédiatement ; lorsqu’il se vit dénué de splendeur, il fut triste et faible, puis vaincu devant son ennemi » (Yasht 19, p. 34).
Au moment de l’apparition du prophète zoroastrien, Djamshid devient pour la deuxième fois le roi du Paradis. Dans le chapitre Vendidâd de l’Avestâ, une description intéressante est donnée de Djamshid, bien différente des précédentes. Dans ce chapitre, on ne fait pas allusion à son péché. Il règne pendant 1000 ans en Iran, puis les dieux l’avertissent de l’arrivée de l’ère froide. Il choisit donc un homme et une femme, ainsi que les meilleures espèces d’animaux afin de les éloigner du froid. Selon les légendes ultérieures, Djamshid est immortel ; néanmoins, d’après le Shâhnâmeh, il devient mortel en commettant un péché inexcusable.
C’est grâce à son combat contre Zahhâk que Fereydoun est resté vivant dans la mémoire des Iraniens. Il ne le tue pas mais l’enchaîne au mont Damâvand jusqu’à la fin du monde. Dans l’Avestâ, nous pouvons lire à propos de l’origine de Fereydoun : « Le fils d’Abtine, Fereydoun est toujours victorieux et réussit à vaincre le Dragon à trois têtes. Avant son combat contre le Dragon, Fereydoun demanda l’aide d’Anâhitâ pour qui il sacrifia cent chevaux, mille bœufs et dix mille moutons » (Yasht5, p. 33). Dans le chapitre Farvardin Yasht, nous lisons qu’il sait guérir certaines maladies et qu’il résiste bien à la gale et à la fièvre. Il est admiré en tant que courageux médecin.
Kerespâsâ (Garshâsb) est introduit comme membre de la famille Sâm. Dans le Shâhnâmeh, Sâm est présenté comme étant le grand-père de Rostam alors qu’en réalité, il n’existe aucun lien de parenté entre ces deux personnages. Dans le Yasht 13, nous lisons que Garshâsb possède des cheveux très forts et une masse d’armes. Outre ses conflits contre les dragons, il lutte contre les forces maléfiques dont un dragon cornu qui est enfin tué. Un jour, en faisant la cuisine, Garshâsb répand par inadvertance de la nourriture sur le feu qu’il pollue. Il commet ainsi un péché impardonnable et se voit privé du Paradis.
Le règne mythique des Pishdâdiâns se poursuit avec les rois des Kou-ye Iran (Kiâniân du Shâhnâmeh) : Key Vishtâsb (Key Gashtâsb du Shâhnâmeh), Key Osen (Key Kâvous du Shâhnâmeh) et Key Heosarouh (Key Khosrow du Shâhnâmeh). Ces rois, considérés comme étant possesseurs du Farrah (la splendeur royale), ont été largement loués dans l’Avestâ. Leur ennemi, Farangrasin (Afrâsiâb-e Tourâni) est en quête de cette même splendeur. Selon les légendes ultérieures, le mot "Touriâ" est dérivé de "Tour", nom donné à l’un des trois fils de Fereydoun.
D’après le Shâhnâmeh, Fereydoun partage son territoire entre ses fils nommés, selon le Bondahesh, Selm, Tour et Iradj. Ce dernier en hérita la part du lion, c’est-à-dire la partie principale (l’Iran), tandis que Selm et Tour reçurent les régions de l’Ouest et de l’Est.
Zâmiâd Yasht rapporte en détail l’histoire de Farangrasin qui lutte contre les rois iraniens pour obtenir leur splendeur : « Le vil Afrâsiâb-e Tourâni s’efforce assidûment d’acquérir le Farrah dans la mer de Farâkhkart ; il se déshabille et se jette à l’eau pour trouver la splendeur qui appartient aux rois iraniens et au saint Zoroastre » (Yasht 19, p. 58).
Afrâssiâb-e Tourâni est l’ennemi des Key. Il est également considéré comme le symbole du mal. Etant sans cesse à la recherche de la splendeur des rois iraniens, il tente de détruire leur royauté. Finalement, il subit une défaite de la part de Key Khosrow, le fils de Siâvakhsh (Siâvash du Shâhnâmeh) qui avait décidé de venger son père assassiné : en fait Siâvash fut injustement assassiné par Garsivaz (Kérésavazdâ de l’Avestâ) le frère d’Afrâsiâb. Une grande partie du Shâhnâmeh est d’ailleurs consacrée à la vie du prince Siâvash, à son mariage avec Faranguiss, la fille d’Afrâsiâb, ainsi qu’à sa mort.
[1] Parmi les quatre points cardinaux, le Nord est considéré comme l’origine de tous les méfaits.