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Le 5 mai 2011, le professeur Marius-François Guyard nous a quittés : il venait d’avoir 90 ans.
Élève de l’École normale supérieure (promotion de 1942), agrégé de lettres, il avait occupé des fonctions administratives importantes, en Grèce et au Royaume-Uni, ainsi qu’en France où il fut recteur d’académie de 1967 à 1980 (à Montpellier, Amiens, Lyon). Il fut professeur de littérature française à l’université de Paris Sorbonne, où il termina sa carrière de chercheur et d’enseignant, et qui lui a rendu un vibrant hommage lors d’une cérémonie organisée le 1er octobre 2011.
Pour les comparatistes du monde entier, il est – et reste – l’auteur d’un précieux manuel, La Littérature comparée, paru dans la prestigieuse collection « Que sais-je » en 1951. L’ouvrage connut six éditions régulièrement mises à jour, la dernière, parue en 1978, mentionnant que c’était le « 44e mille ».
Ce manuel, dont a paru une traduction partielle en persan dès 1953, a été traduit en : arabe, coréen, espagnol, japonais, portugais. Il a suscité de nombreux commentaires et de vigoureux débats, car il est un des premiers manuels de littérature comparée à présenter une vue aussi claire et précise de la discipline, en même temps qu’engagée dans la voie d’un humanisme profond ; il est aussi par là un des premiers représentants de ce qu’on a appelé l’école française de littérature comparée, fondée sur de solides études historiques, réticente devant des généralisations hâtives. La plupart des manuels qui, à partir des années 1970, ont proliféré avec le développement de la littérature comparée dans le monde, ont pris position par rapport à lui ou l’ont cité.
Marius-François Guyard avait confiance dans l’avenir de la littérature comparée, dont il a suivi longtemps l’évolution. Cette confiance, écrivait-il en 1951, dans la 1ère édition, repose « sur des raisons morales et intellectuelles ». Raisons morales : « Chacun sent bien que les échanges culturels sont un des fragiles espoirs de l’humanité ». Raisons intellectuelles : « Le comparatisme, en écrivant l’histoire des relations littéraires internationales, montre qu’aucune littérature n’a jamais pu s’isoler sans s’étioler, et que les plus belles réussites nationales ont toujours reposé sur des apports étrangers, qu’elles les assimilent ou qu’elles s’affirment plus nettement contre eux et grâce à eux. En même temps, le comparatisme aide chaque peuple à suivre en lui-même la naissance de ces ‘mirages’ qu’il prend trop souvent pour des images fidèles : leçon de lucidité et d’humilité, qui vaut ce que valent les leçons de l’histoire : méconnues, mais certaines ». Il gardait ces termes, mot pour mot, dans la 6e édition de 1978.
Pour lui, raisons morales et raisons intellectuelles se rejoignaient : le comparatiste Marius-François Guyard nous donne, en quelques phrases, des motifs pour continuer dans les voies frayées par une discipline pour laquelle le respect et la compréhension d’autrui sont des qualités essentielles. Qu’il en soit remercié, et que son message soit entendu !
* Voir la tr. persane de texte, in Nâmeh-ye Farhangestân, vol. XII, N° 1 (Ser. N°. 45, pp. 176-77). T. Sadjedi.