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La province d’Ilâm, connue dans l’Antiquité sous le nom de Aryvjan, a été le berceau de l’une des premières et des plus anciennes civilisations du monde. Selon la division géographique actuelle, l’Ilâm (Elam) antique comprenait les provinces du Khouzestân, Ilâm, Kohkilouyeh et Boyer Ahmad, ainsi qu’une partie des provinces actuelles de Fârs, Boushehr, Lorestân, Kermânshâh, Tchahâr Mahâl et Bakhtiâri. La tribu qui habitait dans ces régions fut nommée Hatamti puis Atamti, ce qui signifiait « montagneux » en référence à l’emplacement du peuple installé au pied des monts Zagros.
La langue élamite de la période antique a su garder sa place après l’invasion des Aryens. En tant que seconde langue écrite de la période achéménide, la plupart des inscriptions rocheuses datant de cette période portaient également une traduction en élamite et en babylonien.
Durant la période islamique, deux dynasties kurdes, les Ale Hassnavieh et les Bani Ayyâr régnèrenr sur l’Ilâm de 959 à 1113. Le fondateur de la première dynastie était un certain Hassnavieh fils de Hossein, l’un des chefs de la tribu Barzikani ayant pris le pouvoir en 959 au Kurdistân. Il régna sur les provinces de Hamedân, Kurdistân, Mâsbazan (la région de Posht-e kouh située entre la province du Lorestân et d’Ilâm) et l’actuel Lorestân. Ainsi la langue kurde est devenue la langue principale de cette région possédant une forte densité de population kurde.
De nos jours, le kurde domine aux côtés du persan dans cette province. Les Kurdes sont installés dans les villes d’Ilâm, Eyvân, Mehrân, Shirvân, Tchardâval, Badreh, une partie de Darreh-Shahr, Abdânân et Dehlorân. Les Lors se sont également mêlés à eux et vivent dans certaines zones des villes de Darreh-Shahr, Abdânân et Dehlorân. Un mélange qui a créé le dialecte lak parlé dans les villes de Shirvân et Tchardâval.
La langue kurde est une langue indo-européenne, classée par les linguistes parmi les sous-groupes des langues iraniennes du nord-ouest. De nos jours, ce qu’on appelle la langue kurde rassemble en réalité divers dialectes parfois si différents les uns des autres que les Kurdes ont parfois du mal à comprendre et à repérer certains mots pourtant identiques ou très similaires, mais prononcés différemment. Pourquoi ces différences ? La vie dans différentes zones géographiques et le voisinage avec différentes tribus ethniques peut être la raison majeure de la diversité des dialectes kurdes.
Cette langue se divise en trois grands groupes principaux. Le groupe septentrional, appelé kurmandji, qui est le plus important par le nombre de ses locuteurs : deux-tiers des Kurdes le parlent, en Syrie, en Turquie et au sein des communautés kurdes de l’ex-Union Soviétique. Il est aussi la langue parlée par les Kurdes d’Iran du nord-ouest, autour du lac d’Oroumiyeh, ainsi que par ceux du nord-ouest de l’Irak (Mossoul, Dohuk, Zakho, Amadiyya, etc.). Les plus anciens textes kurdes ont été écrits en kurmandji. Nous pouvons citer le poète mystique Ahmad Nishani, surnommé Melayeh Djiziri (v. 1570-1640), son disciple Feqiyeh Teyran et Ahmedeh Khâni, dont le roman Mem et Zin l’a rendu aussi célèbre parmi les Kurdes que Ferdowsi chez les Persans. L’usage oral ou écrit du kurmandji a été interdit dès les premières années de la république de Turquie et jusqu’en 1991, ainsi qu’en Syrie. Son enseignement y est toujours interdit, mais son enseignement et une importante littérature ont pu se développer dans l’ancienne république soviétique d’Arménie.
Le groupe central comprend le sorani, parlé au nord-est du Kurdistan d’Irak et qui est, depuis 2005, la langue officielle de ce pays aux côtés de l’arabe. Le sorani est la seule langue officielle de la région du Kurdistan. Bien que la littérature écrite en sorani soit apparue plus tardivement qu’en kurmandji, c’est-à-dire au XIXe siècle avec le fameux poète Nali, sa situation officielle au sein de l’Irak lui a néanmoins assuré une prépondérance écrasante dans le nombre des publications. En outre, il est également parlé et écrit dans les régions centrales du Kurdistan d’Iran.
Le troisième groupe, celui des langues kurdes méridionales, comprend plusieurs dialectes hétérogènes, tels que le kermânshâhi, le sandjabi, le kalhori, le laki et le lori. Aucune de ces langues n’a acquis un statut littéraire.
Parmi ces groupes, le troisième est plus présent dans la province d’Ilâm, surtout le dialecte kalhori, qui est parlé à Kermanshâh et dans certaines zones d’Ilâm dont les villages d’Eyvân, Shirvân, Tchardâval, et le lak, répandu de manière relativement large dans les provinces du Lorestân, Kermânshâh, Hamedân et dans certaines parties de la province d’Ilâm dans les villes comme Abdânân, Darreh-Shahr et Shirvân-Tchardâval. Il faut souligner que ce dialecte, qui est un mélange de kurde et de lori, est considéré par certains ethnologues comme appartenant aux sous-groupes des langues iraniennes aux côtés de la langue kurde.
Le kurde élamite est l’un des dialectes de la langue kurde méridionale. Ce dialecte, également nommé feyli, est parlé par la plupart des habitants des villes d’Ilâm, Mehrân, Sarâbleh, Badreh, Dehlorân, Darreh-Shahr, Abdânân et des régions kurdes en Irak. Nous pouvons ainsi dire que c’est le principal dialecte de la province d’Ilâm, mais qu’il demeure relativement inconnu car premièrement cette province est peu connue en tant que région à dominante kurde et lor et deuxièmement, après la défaite et la chute de la dynastie Hassnavieh, la dynastie Atâbakân (qui était une dynastie lor) a régné sur cette province et comme leurs souverains étaient d’origine lor, cela a conduit à considérer que la langue kurde élamite faisait partie des dialectes lori. Le terme même de feyli lui a été donné par les Kurdes d’Irak du fait de la présence des tribus lors feyli qui gouvernaient aussi cette province. Il est néanmoins actuellement le dialecte principal de la province actuelle d’Ilâm.
Le feyli ou kurde élamite est composé de 35 phonèmes consonantiques et 8 phonèmes vocaliques. Ce dialecte possède divers accents dont les plus importants sont le malekshâhi dans les villes d’Ilâm et de Mehrân et le Khazli dans une partie de Shirvân Tchardâval, l’abdânâni dans les villes d’Abdânân, Dehlorân et Darreh-Shahr, l’ilâmi dans les villes d’Ilâm, Mehrân, Shirvân-Tchardâval, et le badreh dans le village de Badreh.