N° 96, novembre 2013

Deux poèmes de Shams Langueroudi*


Adaptés du persan par

Sylvie M. Miller


Sois calme

Sois calme, mon amour, sois calme

La vie est pareille à la mer

Scintillante parfois

De soleil, de lumière et de l’odeur du sel,

Elle ruisselle de joie

Il arrive qu’on se noie, qu’on ferme les paupières,

Partout

L’obscurité

Sois calme, mon amour,

Sois calme, nous ferons

Surface, nous verrons

À nouveau le soleil

Scintiller sur la neige d’une terre en friche, mais

- cette fois,

Où tu voudras

Sois calme, mon amour,

Sois calme.

Extrait du livre Mallâh Khiâbân-hâ

(Les capitaines des rues)

Ode amoureuse

Vois

Comme les oiseaux
D’hiver viennent chercher
La chaleur de mon cœur !

Comme la demi-lune

Recherche sa moitié dans mon âme fiévreuse !

Comme mon amour est grand

Pour qu’un soleil gelé monte ainsi dans mes veines

Et cherche son refuge

Dans le feu de mon sang

Je t’aime,

Au bord de tes ruisseaux, les océans s’inclinent,

Humant la trace de tes pas,

Les orages s’écartent devant ton souffle pur,

Les ténèbres s’amassent autour de ta maison

Afin de se saisir du schéma de tes yeux

La main qui te créa et cet œil qui te vit t’échapper sans le dire

Furent bannis de l’Eden, mais c’est dans ton rire clair
Que l’Eden se trouvait

Ô, nourriture de vie ! Ô framboise des mots dans une ode à l’amour,

Aile d’astres perdus

Laisse-moi ramer vers toi tandis que le soleil
Se noie sur l’horizon

Laisse qu’avec le charbon des étoiles j’écrive,

Sur deux fragments de ciel :

"Je fus le sang pourri qu’un léopard blessé retenait dans sa gorge,
Ton piège m’a sauvé"

Ta bouche est le nid de la joie

Ta gorge, l’antre d’un oiseau
Tout arc-en-ciel

Enfui d’entre les mains du diable

Tes yeux sont deux versets perdus puis retrouvés
Sur le cours de ma route

Les boutons de ta robe : des plumetis d’étoiles qui

Penchées, pour te voir, sur la rampe des cieux

Tombèrent dans mes mains

Ô, poisson de Jonas !

Etincelle sans fin !

Tu me fus présentée par un horloger qui, aveugle, n’avait pas

Compris ce qu’est le temps

Et j’ai vu que tes ailes frémissaient dans le ciel
Dans l’attente de se poser
Sur mes épaules

Des ailes de l’argent des nacres qui me firent me noyer dans la mer

Assoiffée d’infini

Ma gazelle aux tons sable qui réussit à prendre le monstre du désert !

Lumière enchanteresse !

Douceur d’une aube mouillée d’étoiles !

Je fus ton dieu et te créai

Pour me prosterner avec toi

*Shams Langueroudi est un poète iranien contemporain né en 1950 à Langueroud, dans la province du Guilân.


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