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Shahdâd est une région désertique située à l’ouest du désert de Lout, à 100 km au nord-est de Kermân. Ville la plus peuplée du désert de Lout, Shahdâd jouit d’une ancienneté de plus de 6000 ans. Les alentours de ce désert furent pendant longtemps considérés comme exempts de toute trace de civilisation, et de ce fait peu fréquentés par les archéologues. Néanmoins, en 1346 (1967), l’Institut des recherches géographiques de l’Université de Téhéran [1] envoya un groupe constitué des meilleurs archéologues pour faire des recherches sur l’histoire du désert. Pendant six ans, ce groupe y a découvert un nombre important d’objets anciens datant du 3e millénaire av. J.-C. Certains archéologues considèrent la région de Shahdâd comme le point de départ de toute étude sur la civilisation du sud-ouest de l’Iran pendant les 3e et 2e millénaires av. J.-C.
Outre des poteries, on y découvrit des pots en bronze et un étendard en métal (derafsh-e felezi) considéré comme étant le plus ancien étendard du monde ; c’est un drapeau comportant une hampe et une charnière en bronze sur laquelle est gravé un dessin de dattier à côté de deux autres arbres, cinq hommes de tailles différentes, un lion ainsi que quelques serpents ressemblant fortement aux serpents de la civilisation de Djiroft [2]. Ce qui retient l’attention est le dessin tracé sur sa hampe : la figure du Simorgh, oiseau fabuleux des mythes iraniens, qui figure également sur l’étendard Kâviâni (darafsh-e kâviâni) réalisé par Kâveh Ahangar (Kâveh le forgeron) pour combattre Zahhâk [3] le sanguinaire. Dans les mythes persans comme dans la civilisation sumérienne, cet oiseau légendaire symbolise le soleil et la sagesse.
Les fouilles archéologiques de Shahdâd furent suspendues pendant 17 ans à la suite de la Révolution islamique. A leur reprise, ces recherches permirent la découverte des vestiges d’une ville ancienne datant du 3e millénaire av. J.-C., et dont l’étrangeté réside dans le fait que les murs et les portes, les niches et les plafonds et, en un mot, l’ensemble des parties des édifices y sont de très petites dimensions. Pour cette raison, elle a été nommée Shahr-e Koutouleh-hâ c’est-à-dire "la ville des Nains" ou, plus familièrement, des nabots. A la lisière de cette ville, des fouilles ont également été réalisées au sein d’un cimetière contenant près de 800 tombes et datant du troisième millénaire av. J.-C.
Pendant ces dernières années, les études faites à partir des ruines ensevelies de cette ville attestent de l’existence de quelques fonderies et ateliers, de monuments architecturaux, et d’outils industriels de toute sorte qui montrent l’état d’avancement technique de la région. En analysant ces objets, les archéologues ont déduit que les habitants s’occupaient à divers métiers y compris l’agriculture, l’artisanat et notamment la joaillerie. D’après certains archéologues, il est possible que cette ville soit en réalité ce qui reste d’Aratta, l’une des provinces de l’Etat élamite [4] et qui est citée dans les textes sumériens sous le nom de « ville perdue ». Les portes couvertes de boue ainsi que certains témoignages laissent à penser qu’à l’époque, suite à un fléau naturel ou à une menace inconnue, les habitants auraient quitté la ville dans l’espoir d’y retourner un jour ; mais elle resta inhabitée durant 5000 ans.
L’attrait touristique du désert de Shahdâd ne se résume pas exclusivement à son passé historique, car il jouit en outre de richesses naturelles uniques. On peut notamment citer les fameux kalouts : à 45 km au nord-ouest de Shahdâd, il existe de nombreuses pyramides de sable dont la plus élevée mesure 480 m de haut. Ces pyramides, ou monts de sable, nommées kalouts [5] , créées par l’érosion et les vents désertiques s’étendent sur une surface de plus de 11 000 km2. L’écoulement du fleuve Roud-e shour (La Rivière salée), qui prend sa source aux montagnes de Birdjand et se déverse dans les profondeurs des kalouts, a par ailleurs accéléré ce phénomène. Avec une température maximale de 50oC, l’eau de cette rivière est excessivement salée et dense.
Près des kalouts, on retrouve la région où la température maximale mondiale a été enregistrée en 2005. Il s’agit de la région de Gandom Beryân (Blé grillé), qui commence à 80 km de Shahdâd et s’étale sur une surface de 480 km2. Aucun être vivant, même des micro-organismes, ne peut subsister dans de telles conditions. De plus, cette région est couverte de matières volcaniques noires qui attirent la chaleur du soleil. En hiver, la température maximale y atteint 67oC tandis qu’en été, elle atteint jusqu’à 100oC, ce qui en fait la zone la plus chaude et aride du monde.
Un autre panorama remarquable du désert de Shahdâd est constitué par un ensemble de pots naturels de sable où de nombreux arbrisseaux de tamaris poussent. Ces pots de fleurs, nommés nebkâs, sont composés de sable, de vase et d’argile. Parmi d’autres paysages à admirer, nous pouvons également mentionner les collines de Rebdou et de Hammada, de forme polygonale et qui offrent une très belle vue aux visiteurs.
Actuellement, le désert de Shahdâd est considéré comme étant l’un des sites touristiques les plus remarquables d’Iran et attire de ce fait de nombreux touristes chaque année.
Source :
Bakhtiâri Saïd, Atlas-e ostân-hâye Irân (Atlas des provinces de l’Iran), Téhéran, 1383/2004.
[1] Mo’assesseh-ye pajouhesh-hâye djoghrâfiâyi-e Dâneshgâh-e Tehrân.
[2] Ville située au nord-est du pays.
[3] Roi tyran légendaire de l’Iran qui tuait chaque jour un certain nombre de personnes et il donnait à manger les cerveaux aux deux serpents qui étaient poussés sur ses épaules.
[4] Apogée aux XIIIe et XIIe siècle avant J. -C.
[5] Kalout est un mot composé formé de kal qui désigne le village, et lout qui signifie vide et aride.