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TehranArtWalk
La nouvelle biennale des jeunes artistes iraniens.
Palais Saadâbâd
8 et 9 octobre 2013
A Téhéran, le monde de l’art, celui des arts plastiques et visuels contemporains, reste limité à quelques dizaines de galeries privées et à quelques musées d’un très grand calme. Ainsi, le Musée d’art contemporain de Téhéran, bâti à la fin des années soixante-dix, se contente d’exposer un nombre restreint des œuvres de sa collection, déjà montrées et remontrées ; de ce fait, le public est plus que clairsemé et l’ambiance bien morose. Il en va de même au musée d’art du Palais Niâvarân où, malgré une architecture moderniste bien intéressante, l’atmosphère est sépulcrale et les visiteurs plus que rares. Cependant, en ce mois d’octobre, l’activité des galeries semble dynamique et de nombreuses expositions d’art contemporain permettent au visiteur de rencontrer différentes formes d’art actuel, au diapason de l’art mondialisé ou bien attaché aux racines d’une esthétique et d’une culture persanes. L’apparition de nouvelles galeries laisse entendre que l’art contemporain iranien et son commerce seraient en expansion. Pour autant Téhéran, malgré son gigantisme, reste encore repliée sur elle-même en la matière et le marché de l’art contemporain est embryonnaire.
A l’initiative des deux Associations d’Amitié Iran/France et Iran/Pays-Bas, vient d’être créée une Biennale des jeunes artistes plasticiens iraniens : TehranArtwalk. Le promoteur de cette biennale est avant tout le Docteur Sohrâb Fotouhi, président de l’Association d’Amitié Iran/France. Sa dynamique et sa capacité d’organisateur d’événements sont hors pair, toujours dans le cadre de cette association qui accueille volontiers des personnalités scientifiques et universitaires, ou bien des artistes venus de France pour intervenir dans différents domaines de la culture dont elles sont spécialistes. Nul doute que le projet dont l’aboutissement est cette première biennale comble une lacune en matière d’extériorisation de l’art des très jeunes artistes iraniens. En effet, le nombre de possibilités d’exposer dans des espaces reconnus dans le monde de l’art comme lieux de qualité reste très restreint à Téhéran, les galeries étant encore en petit nombre et souvent inaccessibles à ces jeunes artistes pour effectuer leurs premiers pas après leurs études d’art. La galerie est toujours un espace commercial connaissant la nécessité impérative de vendre, aussi les jeunes artistes ont préalablement besoin de lieux hors commerce pour démarrer leur carrière et acquérir un début de notoriété. Aussi le travail du Docteur Fotouhi et cette première biennale interviennent à point pour répondre à un réel besoin, celui de ces jeunes artistes issus des formations universitaires et artistiques. Cette biennale me semble être une initiative pertinente qui offre, dans l’ordre des choses une opportunité d’exposer, souvent pour la première fois, à ces jeunes artistes ; ensuite ce sont eux, forts d’un début de curriculum vitae et d’une œuvre de qualité, qui pourront demander aux galeries et aux institutions artistiques de les accueillir.
Certes, la tâche fut harassante pour le Docteur Fotouhi, même si le montage de cette manifestation fut le fruit d’une collaboration avec un certain nombre de partenaires dont l’Association d’Amitié Iran/Pays-Bas avec le Docteur Hossein Hassani, avec l’Université d’art de Téhéran et avec l’Institut Mâh Mehr Pishgâm. L’inauguration fut un événement accueillant un public nombreux du monde de l’art, artistes, critiques, galeristes et y participèrent, signe de leur intérêt, les ambassadeurs de France, d’Italie, d’Espagne ainsi que les conseillers culturels français, italien, polonais et le représentant de l’ambassade des Pays-Bas. Outre les chaleureux discours de présentation et d’introduction du Docteur Fotouhi, un certain nombre de personnalités iraniennes et étrangères prirent la parole, donnant à cette première biennale tout le relief, le retentissement et l’élan nécessaires à son lancement. L’ambassadeur de France, Monsieur Bruno Foucher intervint également pour apporter son soutien à cette manifestation élaborée avec l’Association d’Amitié Iran/France. Afin de donner plus encore de relief à cette inauguration, la chorale Arasbârân interpréta avec bonheur un certain nombre de pièces et chants sous la direction de maître Serjic Mirzâeiân.
Cette biennale accueillit quelque deux cents œuvres en peinture, dessin, photo et sculpture, logées dans un vaste espace démontable aménagé dans les jardins du beau Palais Saadâbâd. Et là réside l’essentiel, le cœur de cette biennale : la qualité et la promesse des œuvres. La sélection a permis de retenir environ deux cents d’entre celles proposées, sur environ six cents, ce qui assure un bon niveau qualitatif malgré l’extrême jeunesse de nombreux artistes, pour certains d’entre eux encore en cours d’études artistiques. Le médium dominant était la peinture où de nombreux genres étaient représentés selon des modalités choisies par chacun : portrait, paysage urbain, abstraction, nature morte, en relation avec des œuvres ou des mouvements clairement identifiables ou bien en toute indépendance. Mais les travaux graphiques et la photo étaient également largement représentés, témoignant d’un savoir-faire déjà mature. La sculpture était également là, le plus souvent sous la forme de toutes petites pièces au pouvoir attractif indéniable, en partie en raison de leurs petites dimensions, celles qu’ont les maquettes qui favorisent une vision icarienne et les projections de l’imaginaire. Mais ces petites sculptures et quelquefois bijoux-sculptures revêtent une singularité inattendue, car d’un genre - le minuscule - fort peu vu ailleurs dans le monde. Je me suis laissé dire qu’en amont de ces œuvres se profilent l’œuvre et l’influence d’un maître, le sculpteur Parviz Tanavoli, dont j’avais longuement contemplé les œuvres au Musée d’art contemporain de Téhéran, quelques jours avant l’inauguration de cette biennale. Ainsi peut-on dire que cette biennale, cette première biennale, malgré la jeunesse de ses participants, permet de dresser un panorama de ce qui se trame en matière d’art contemporain pour les décennies à venir. Certes, il s’agit souvent de premiers pas pour ces artistes, mais le niveau qualitatif constaté est un encouragement pour que se développe et perdure cette biennale dans des conditions encore meilleures, comme il en va des biennales dans le monde, pour que les institutions d’art contemporain de Téhéran s’associent à ses prochaines éditions en apportant à la fois soutiens logistiques, financiers et en termes d’espaces.
Un catalogue vient à point pour que reste une trace de cette manifestation, trace précieuse pour les artistes dont chacun bénéficie d’une pleine page avec photos et résumé de CV. Le catalogue est un outil précieux pour tout jeune artiste.
Malgré un contexte de fait hors commerce, la biennale a donné lieu à un certain nombre de ventes, notamment à des galeries notoires, et dans les jours qui ont suivi, certaines des œuvres ainsi acquises se sont retrouvées exposées dans ces galeries aux côtés de celles d’artistes confirmés, ce qui est très positif.
Reste à attendre la biennale suivante, enrichie de cette première expérience.