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Il existe aujourd’hui en Iran près de sept mille monuments funèbres qui font partie des trésors de l’héritage historique et religieux de la civilisation iranienne. Les mausolées des Imâmzâdehs sont également importants de par l’influence spirituelle, culturelle, sociale et politique qu’ils exercent. Un nombre considérable d’entre eux se situent dans la province de Guilân, au nord de l’Iran, qui n’a jamais été conquise par les Arabes musulmans hostiles aux Imâms chiites, c’est-à-dire par les personnes au pouvoir durant les califats omeyyade et abbasside. La région était donc un lieu de refuge privilégié pour les chiites et les descendants de nombreux Imâms. La province de Guilân compte 941 mausolées de ces Imâmzâdehs, et celui de l’Imâmzâdeh Hâshem est l’un des plus visités. D’après l’arbre généalogique se trouvant dans le mausolée, il est le fils de Mohammad, fils de Abdallah, fils de Hamzeh, fils de Mohammad, fils de al-Hanafiah, fils de ’Ali ibn Abi Tâleb. [1] Il est donc le descendant du premier Imâm des chiites, l’Imâm ’Ali. Descendant de l’Imâm ’Ali, Hâshem ibn Mohammad ibn ’Abdallah, plus connu sous le nom d’Imâmzâdeh Hâshem, est venu en Iran accompagné de l’Imâm Rezâ. Menacé par des agents du califat abbasside, il se réfugia dans les montagnes de l’Alborz où il tomba en martyre.
La première chose qui attire l’attention du touriste entrant dans la province de Guilân par la route Qazvin-Rasht est le mausolée d’Imâmzâdeh Hâshem. Situé sur une colline au premier arrêt de la route Téhéran-Rasht marquant l’entrée dans cette province verdoyante et à 25 kilomètres de la ville de Rasht, la vue du mausolée donne le sentiment d’entrer dans un autre espace. A proximité du sanctuaire se trouve le village Imâmzâdeh Hâshem, sous-préfecture de la ville de Sangar, vieux de quelques centaines d’années et auparavant appelé Asgar Sara Kâmdam. Le fleuve le plus important de la région passe à côté du village, qui se situe également à proximité d’un parc forestier essentiellement composé de sapins et de peupliers. Avec sa belle architecture traditionnelle et son dôme magnifique, ainsi qu’une situation exceptionnelle sur le flanc nord de la chaîne d’Elbourz et au bord de la vallée du fleuve Sefid-roud, ce mausolée reçoit de nombreux pèlerins toute l’année durant, surtout au printemps, en été, et pendant les fêtes religieuses où le nombre des visiteurs peut atteindre 2000 personnes par jour. Les gens viennent aussi pour passer quelques heures dans son environnement verdoyant. Les cérémonies religieuses et de souvenir du martyre des différents Imâms qui y sont organisées rendent compte de la foi et de l’attachement de la population locale aux Imâms. Le mausolée reçoit également de fréquentes visites de pèlerins venus du Caucase et de l’Asie centrale, en particulier de l’Azerbaïdjan.
Ce mausolée construit il y a près de huit siècles a été détruit plusieurs fois par les guerres et phénomènes naturels, et patiemment restauré. En 1900, à l’époque qâdjâre, Nâssereddin Shâh consacra une partie des revenus du village de Sarâvân à la restauration du mausolée. Le gouverneur de Rasht de l’époque, Manoutchehr Khân Mo’tamedoddoleh, changea radicalement l’apparence de cet édifice. Pendant la Première Guerre mondiale, l’explosion d’un dépôt de munitions de l’armée russe se trouvant sur la colline dominant le mausolée le détruisit presque intégralement. Il connut par la suite d’importants dommages durant la Seconde Guerre mondiale et au moment de la présence de l’Armée rouge dans la région, qui l’incendia et le détruisit intégralement, pour être ensuite reconstruit par la population locale. Alors qu’il faisait l’objet d’une restauration dans les années 1970, un ancien bâtiment en briques enseveli orné d’une coupole en forme d’œuf qui daterait du XIe siècle a été découvert. Par la suite, le 21 juin 1990, suite à un fort tremblement de terre, il fut de nouveau fortement endommagé. L’institution gérant les lieux sacrés de la province du Guilân ordonna alors sa destruction complète afin de pouvoir de nouveau édifier un édifice somptueux orné d’un très beau dôme grâce aux nombreux dons des habitants locaux.
Le mausolée connaît une affluence particulière la veille de l’anniversaire du martyre de l’Imâmzâdeh Hâshem. Bien que l’on ignore sa date exacte, certaines narrations affirment qu’il aurait eu lieu le 13 du mois de Ramadan. C’est donc la veille de cette date que les serviteurs du sanctuaire vont recouvrir le zarih d’étoffes noires et préparer une cérémonie où participent les responsables locaux aux côtés des habitants des villages voisins. Elle consiste en la récitation du Coran et des discours évoquant différents aspects de la doctrine chiite et de son histoire, pour se terminer avec des élégies consacrées au martyre de l’Imâmzâdeh. Un dîner est ensuite servi.
Outre le tombeau en lui-même, le sanctuaire qui occupe une superficie de 5866 m2, comprend également une grande salle où sont organisées les cérémonies religieuses (Hosseinieh), une mosquée, une bibliothèque, des salles de cours où est enseigné le Coran, un hôtel destiné aux pèlerins, un camping, un parking, un abattoir, une boulangerie, un petit bazar construit en 1979 selon une architecture traditionnelle, et un petit hôpital. Les tombes de 58 martyrs de la guerre contre l’Irak se trouvent à côté du sanctuaire. Un hammâm et un hôtel trois étoiles sont en outre en train d’être édifiés, ce qui sera néanmoins encore insuffisant pour répondre à l’affluence croissante des pèlerins.
Bibliographie :
Abhari, Ahmad, Tazkareh djâme’ al-Ansâb, Markaz-e asnâd-e Haêri, 1380 (2001).
Bahr-ol-Oloum, Mohammad, Târikh-e tashayyo’ va mazârât-e shahr-e Sâri</i (L’histoire du chiisme et les lieux funèbres de la ville de Sari), Vossough, 2007.
Imamzadeh, Encyclopedia of Islam, W.P. Heinrichs, Leiden, Brill, 2005.
Jafariân, Rassoul, L’histoire du chiisme en Iran, Qom, Ansarian, 2006.
Roshan, Mohammad, Jang nâmeh Seyyed Jalâleddin Ashraf (L’histoire de guerre de Seyyed Jalâleddin Ashraf), Hosseini, 1377 (1998).
[1] Il existe cependant d’autres hypothèses autour de la généalogie et de l’identité de cet Imâmzâdeh. 1. Selon une première hypothèse, il serait un descendant de l’Imâm Moussâ Kâzem. Il manque cependant des preuves pour étayer cette hypothèse, qui est surtout fondée sur la croyance populaire locale selon laquelle l’Imâm Moussâ Kâzem serait l’ancêtre de la grande majorité des Imâmzâdehs en Iran. 2. Il descendrait de Mohammad Hanifah ibn ’Ali ibn Abi Tâleb. Cette hypothèse fut avancée pour la première fois par l’auteur des Lettres de la guerre, Djalâleddin Ashraf et reprise par les écrivains suivants sans qu’il ne soit fourni de références à ce sujet. 3. Cet Imâmzâdeh serait en réalité un dénommé Sayyed Imâm Abou Hâshem al-Deylami al-Tahandjâni Zeïdi tué par les ismaélites d’Alamout au début du XIe siècle. Cette hypothèse n’a pas non plus été authentifiée. 4. Il serait Abou Hâshem ’Ali Hassani ayant la généalogie suivante : Abou Hâshem ’Ali fils de Abou ’Abdallah Mohammad Miânkolah fils de ’Ali fils de Soleymân fils de al-Ghâssem al-Rassi fils de Ibrâhim Tabatâbâ’i fils de Ismâ’il Dibâdj fils de Ibrâhim al-Qamar fils de Hassan al-Mossanâ fils de l’Imâm Hassan al-Modjtabâ, deuxième Imâm des chiites.