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La nécropole zoroastrienne repose toujours calmement sur la pente de la montagne
La ville de Rey et la Tour du Silence
La mort, est-elle jamais vaincue ? On dit qu’il n’y a aucun remède. Son avènement tantôt brusque, tantôt lent nous a toujours étonné et attristé à la fois. Elle ajoute d’un moment à l’autre un nouveau personnage à la scène de l’Histoire ; comme nos ancêtres et nous. Oui, un jour nous ne serons que des ancêtres, de la postérité. Cette dernière se rappellera-t-elle de nous ? Peut-être oui. De toute façon notre passé n’est pas tombé dans l’oubli et la raison en est importante ; les grandes dynasties ne disparaissent pas dans le temps. Leur trace reste non seulement dans notre culture et notre civilisation, mais aussi nous semble-t-elle plus présente dans les cimetières, remplis soit de soupirs, sinon de silence. D’un cimetière une fois laissé à l’abandon ne s’entend à présent que le chant du silence. Il ne s’agit en fait que de la tour du silence, autrement dit du cimetière zoroastrien.
C’est vrai qu’au sein de la ville de Rey, la mère des villes du monde, furent enterrés les squelettes des zoroastriens, après avoir été séparés de leur chair. En effet pour les zoroastriens les quatre éléments de la nature, le vent, l’eau, la terre et le feu, sont des éléments sacrés et les zoroastriens n’enterraient pas à l’époque les morts dans la terre. De même, était-il illicite de mettre le cadavre dans l’eau ou bien de le brûler dans le feu parce que selon le livre sacré " Vandidâd ", le cadavre salit la nature une fois exposé aux quatre éléments. De ce fait ils mettaient le corps dans une tour du silence en hauteur pour que les animaux charognards comme le chien ou le vautour en mangent la chair. Puis ils plaçaient les os dans une tombe construite de pierre ou de boue et qui s’appelle "Ostodân", ou dans la langue pehlevi "Astodân". La première partie du mot signifie l’os, tandis que la deuxième (dan) est un suffixe signifiant le lieu. Dans le sixième chapitre de Vandidâd, il est écrit :
- ô, Créateur du monde charnel, Toi qui es sacré, laisse-moi savoir où faut-il emporter le cadavre du mort et où faut-il le mettre ?
Ahourâmazdâ répondit :
- Il vous faut le mettre en lieu haut au possible. Tout le monde sait que des chiens charognards et des oiseaux nécrophages errent tout le temps dans les hauteurs.
- ô, Créateur du monde corporel, Toi qui es sacré, laisse-moi savoir où faut-il emmener les os du cadavre et où faut-il les garder ?
Ahourâmazdâ répondit :
- Pour préserver les os, il vous faut faire des récipients spéciaux. Ceux-ci ne doivent pas être à la portée d’un chien, d’un renard et d’un loup, non plus exposés à la pluie1.
Aujourd’hui, le temps nous a éloignés de ces rites zoroastriens et du culte d’Ahourâmazdâ. Pourtant sur le pied des montagnes de la ville de Rey, les structures cylindriques et sans toit sont toujours debout, où la ville même, avec tous ses habitants disparaît derrière le rideau invisible du silence.
La Tour du silence de Rey est située au sud de la pente nord de la montagne de Rey, celle qui voisine le mont de Bibi Chahrbânou. Selon le Dr. Hossein Karimân qui a consacré dix sept ans de sa vie à la recherche historique et archéologique sur la ville de Rey, cette tour date de l’époque sassanide. Peut être même est-elle plus ancienne. Elle se situe à 35/36/15.5 de latitude et à 51/28/38,9 de longitude, à une hauteur de 1233 mètres de la surface de la mer. Elle est construite de pierre et de mortier de chaux et avoisine la septième unité de l’usine de ciment de Téhéran. N’est-elle pas étrange et mystérieuse pour ceux que la curiosité attire près d’elle ? A vrai dire, plus on s’approche de cette résidence de la mort, plus on se tait. On dirait que toute parole se brise et que la voix humaine donne sa place au souffle du vent. La Tour du silence tourne le dos à tous ceux qui bougent dehors, à tous ceux qui émettent la chaleur de la vie. Elle se courbe délicatement vers son intérieur embrassant la froideur des os détachés de chair depuis longtemps. Les deux entrées dans les côtés de sud et de l’ouest ont subi des destructions considérables. Le diamètre de la construction mesure environ 20 mètres et la hauteur des murs est de 6 mètres.
Est-elle comparable aux cimetières actuels ? Nous sommes aujourd’hui plus proches de nos défunts, car nos cimetières sont près de nos habitations. Nous allons visiter nos disparus, couchés dans leur petite chambre au seuil de laquelle est gravé le nom de chacun, avec la date de sa naissance et celle de son décès. Nous enterrons le corps d’un décédé dans sa totalité, vêtu de son linceul blanc ou d’un chic costume. Certes, aujourd’hui, nous n’avons pas la même attitude ni le même point de vue concernant l’existence, la vie, la mort et même les rites établis par nos ancêtres. Mais ce qui est toujours, c’est que la mort, elle, est inévitable.
A suivre…