N° 103, juin 2014

Nouvelles sacrées (VI)
Shalamtcheh


Khadidjeh Nâderi Beni


Située à la limite extrême de la frontière irano-irakienne, Shalamtcheh est considérée comme le premier axe de l’invasion irakienne contre l’Iran en 1980. Quelques siècles auparavant, les sources historiques disponibles attestent que Shalamtcheh a été le lieu d’arrivée de l’Imâm Rezâ (as) lors de son passage au Khouzestân.

Pendant la Défense sacrée (1980-1988), Shalamtcheh est le théâtre de plusieurs opérations dont Beit-ol-Moghaddas, Karbalâ 4 et 8, Ramadân et plus particulièrement Karbalâ-5 qui marque, selon les experts militaires, le début de la fin de cette longue guerre. La région est située à l’est de la ville stratégique de Bassora et jouit de ce fait d’une grande importance. Autrement dit, étant donné que Shalamtcheh est l’un des passages permettant de rejoindre Bassora, son contrôle est l’un des objectifs principaux des offensives iraniennes sur le front ouest. En outre, cette région stratégique est fortement gardée par six lignes défensives irakiennes qui sont parallèlement étendues sur une superficie de plus de 2000 km2.

Hossein Kharrâzi

La première ligne est une forteresse imprenable parsemée de bunkers pour les soldats, de vastes garages pour les chars d’assaut, de tranchées, etc. Derrière cette forteresse, une voie pour les manœuvres de chars et des terrains surélevés où les chars s’installent pour tirer directement sur la troupe attaquante a été dégagée.

La deuxième ligne de défense se situe à une distance de 100 mètres de la première ; elle comprend une digue de 205 m de largeur et 4 m de hauteur ainsi que des sites destinés à l’installation des divisions d’infanterie et des chars.

La troisième ligne est un remblai massif devant lequel se trouve un canal de 4 m de largeur et 2 m de profondeur ; en outre, on y a prévu des casemates pour embusquer des fantassins, des chars ou des véhicules blindés.

La quatrième ligne est établie derrière le lac Al-Do’ydji qui s’écoule dans un village du même nom, et où se trouvent également une forteresse et des remblais en forme de croissant.

La cinquième ligne s’étale sur les bords du fleuve Djâssem. Le siège de l’armée irakienne est installé dans l’intervalle des quatrième et cinquième lignes ; il est doté de six brigades de conscrits ainsi que de deux brigades de la garde républicaine, d’une artillerie et d’une base logistique.

Les sixième et septième lignes comportent un canal nommé Zoudji et un remblai qui se trouve à l’ouest du canal. De plus, des champs de mines, de nombreuses casemates et des fils barbelés entourent toutes ces lignes.

L’opération Karbalâ-5 est planifiée et le Sepâh ainsi que l’armée iranienne sont chargés de percer ces lignes défensives massives et de conquérir Shalamtcheh pour enfin pouvoir remettre en cause la sécurité de Bassora, lieu stratégique car abritant un port important et des réserves de pétrole vitales pour l’Irak. Cette opération est lancée le 9 janvier 1987 (19 Dey 1365), c’est-à-dire deux semaines après la réalisation de l’opération Karbalâ-4 lors de laquelle les Irakiens sont parvenus à repousser les troupes iraniennes. Etant donné le manque de temps, on se focalise sur la finalisation des préparatifs jusqu’au commencement de l’opération : on déplace et on installe les équipements, les divisions d’infanterie et les troupes blindées, on surveille la mobilité de l’armée ennemie, etc.

Profitant du clair de lune, les troupes réussissent à s’embusquer dans les points déjà prévus et s’apprêtent à entrer en opération. A 2 h du matin, la vaste offensive s’amorce. Le lendemain, le village irakien Al-Do’ydji est pris par les Iraniens qui s’y installent pour faire feu sur Bassora et ses fortifications. Les troupes iraniennes sont soutenues par un bon nombre d’hélicoptères et de chasseurs-bombardiers. Durant les premiers jours, la plupart des lignes de défense irakiennes sont brisées les unes après les autres.

Shalamtcheh, janvier-février 1987. Ali Azimi, gazé durant l’opération Karbala 5, prie.

N’ayant plus de soutien aérien dans le champ de bataille, l’armée irakienne décide à titre de représailles de bombarder plusieurs grandes villes iraniennes. Près de 3000 Iraniens sont tués lors de ces bombardements. Huit jours après, l’Iran parvient à conquérir Shalamtcheh et continue à y stabiliser sa situation. Le 22 janvier, les Iraniens brisent l’ensemble des lignes défensives et progressent jusqu’à 12 km au sein de la banlieue de Bassora. Pendant ce temps, l’armée irakienne mène une contre-attaque à une plus grande échelle afin de repousser les militaires iraniens installés à Shalamtcheh et pendant laquelle le grand commandant iranien Hossein Kharrâzi [1] tombe en martyr. L’Irak rencontre cependant une grande résistance iranienne et doit rapidement quitter la région tout en reconnaissant officiellement la présence militaire de l’Iran à Shalamtcheh.

Selon les données statistiques, 18 brigades irakiennes sont anéanties durant cette opération ; en outre, plus de 600 chars, 250 canons anti-aériens, 1500 véhicules, 70 avions de combat sont détruits et plus de 40 000 soldats irakiens tués.

L’Iran arrive à occuper 150 km2 du territoire irakien, à prendre le contrôle des gendarmeries de Shalamtcheh et de Boumiân, la chaussée asphaltée de Shalamtcheh ainsi que les îles de Fayyâz et de Omm-ol-Tavil. Il libère également de nombreux villages de cette région.

Source :
- Amiriân, Mohammad, Seyri dar târikh-e djang-e Iran-Arâgh (Un regard sur l’histoire de la guerre Iran-Iraq), en 5 volumes, Centre des études et recherches de la Guerre, Téhéran, 1367 (1988).

Notes

[1Né en 1336/1957 à Ispahan, il fut le fondateur de la Division d’infanterie d’Ispahan ; durant la Défense Sacrée, il dirige de nombreuses opérations dont Beit-ol Moghaddas, Ramadân, Badr, Fath-ol Mobin, etc.


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