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La chute de la dynastie sassanide, l’établissement du califat islamique et les conséquences de ces changements éloignèrent, du moins pendant un certain temps, l’attention habituellement portée à la musique, cependant l’antécédent technique de cet art et sa place dans l’Iran préislamique l’empêchèrent de disparaître tout à fait.
D’ailleurs, les conditions sociales et politiques de l’époque exercèrent une influence considérable sur les artistes et les mélodies tristes remplacèrent la musique gaie de l’époque sassanide.
Au Xème siècle, les califes Abbâssides perdirent leur pouvoir et de nouvelles dynasties virent successivement le jour en Iran. La situation de la musique en fut troublée, toutefois elle continua son chemin. C’est aux Xème et XIème siècles que l’identité nationale et culturelle nouvelle de l’Iran prit forme. C’est pendant ces siècles que des instruments musicaux tels que la harpe et le luth furent ressuscités et de nouveau utilisés.
Au cours de cette époque, les premiers exemples de la musique religieuse iranienne apparurent sous forme de ta’zie> [1], rowze (récitation de l’histoire des martyrs) et nowhe (lamentation religieuse). En outre, par la voie du soufisme, la musique prit une forme nouvelle et originale. Sous le règne des Safavides, la poésie, la musique et les belles-lettres furent peu considérées ; les rois safavides ne protégeaient guère les poètes et les musiciens et s’opposaient même parfois à leurs arts. Ainsi seule la poésie religieuse connut une certaine diffusion. On peut considérer l’époque safavide comme l’âge le plus sombre de l’histoire de la musique persane, même si la musique continua de vivre la même sévérité sous le règne des Zands et des Afshârians.
Les choses changèrent avec l’établissement de la dynastie qâdjâre où deux éléments influencèrent la diffusion de l’art musical : d’une part, les rois qâdjârs étaient très attachés aux chants religieux tels que les ta’zie, rowze, nowhe, l’appel à la prière (azân) et les invocations chantées, et d’autre part, il était de bon ton pour les nobles de savoir jouer d’un instrument et de disposer de musiciens et de chanteurs personnels.
Les seldjoukides protégeaient les arts, la littérature et la science plus que les anciens califes, ainsi plusieurs rois seldjoukides furent de grands mécènes.
Les Ghaznévides, de même que les Samanides, étaient très actifs dans les domaines artistiques et culturels. Au milieu du XIIe siècle, les Ghurides remplacèrent les Ghaznévides et continuèrent à leur tour à protéger les arts et les sciences.
L’invasion moghole porta un coup mortel aux arts et à la culture persane. La musique connut ainsi un changement radical de ses thèmes qui, de joyeux et personnels, se transformèrent en airs déchirants célébrant la mort qui frappait de toutes parts. Le désespoir et l’apathie remplacèrent l’esprit gai et optimiste du peuple. Pourtant, la cruauté et la sauvagerie moghole ne put définitivement éteindre l’astre lumineux de l’antique culture persane. Quoiqu’il en soit, cette époque, suite brillante des siècles de l’apogée scientifique, artistique et littéraire persano-islamique, représente l’une des époques les plus intéressantes de l’histoire iranienne.
C’est en particulier lors de cette époque que les mystiques et les soufis jouèrent un rôle important dans la protection et la diffusion de la musique, au travers de leurs rites particuliers. Les concerts soufis et amoureux (sama’) et la danse faisaient partie des rites courant dans les assemblées de derviches. Le sama’ et sa diffusion dans les assemblées de soufis ont une importance particulière dans l’histoire de la musique iranienne et l’on peut dire que c’est cette forme de musique qui a permis la sauvegarde d’une grande partie du patrimoine musical.
De la mort du dernier Khan puissant mongol à l’avènement de Tamerlan, plusieurs sous-dynasties naquirent des vestiges de l’empire moghol. Ces dynasties avaient une cour où les poètes et les artistes étaient toujours présents.
Tamerlan ne sut jamais gouverner comme Gengis Khan, toutefois, il fit de sa capitale Samarkand une ville magnifique en y rassemblant les savants, les artisans et les artistes de tout le pays. Il n’ignorait pas non plus la poésie, la littérature et la musique.
Après la mort de Tamerlan, une guerre éclata entre ses deux fils et ses petits-enfants. Malgré cela, ses héritiers continuèrent à protéger les poètes et les artistes et leur cour était le lieu de réunion des poètes et des artistes. Ainsi la poésie et les beaux-arts connurent une diffusion certaine et purent prospérer.
Abdol Ghâder Marâghei, le musicien le plus éminent et le plus représentatif de l’époque timouride, est l’auteur de nombreux ouvrages importants sur la musique, parmi lesquels l’on peut citer le Jame’-ol-alhan et Maqased-ol-alhan. Ses deux enfants et ses petits-enfants furent également musiciens.
L’apparition de la dynastie safavide constitue l’un des événements importants de l’histoire de l’Iran. Avec l’avènement de la dynastie safavide, l’officialisation du chiisme en tant que religion d’Etat, le développement politique et artificiel des sciences religieuses et l’opposition royale à certains domaines artistiques et scientifiques, nous sommes témoins d’un déclin rapide des arts.
Aucun ouvrage important sur la musique ne vit le jour à partir du XIVème siècle et la musique nationale iranienne ne cessa de décliner. La poésie, les belles-lettres et la musique de même que la science, la philosophie et le mysticisme (qui sont en relation étroite avec la poésie, les belles-lettres et la musique) furent ignorés.
A cette époque, l’industrie et le commerce se développèrent en Iran et, grâce à la compétence et à l’habileté de quelques uns des rois de cette dynastie tels qu’Abbâs le grand et Abbâs le Second, le pays devint sûr et prospère. Cette situation permit un léger renouveau dans la plupart des domaines artistiques.
Les œuvres architecturales, picturales, calligraphiques, etc. de cette période témoignent de l’attention que portaient les sultans safavides aux beaux-arts. Au contraire, la poésie, les belles-lettres et la musique ne se développèrent guère, et connurent même un certain déclin. Le long règne des rois safavides ne vit ni poète de talent ni grand musicien. Les rois safavides n’encourageaient pas les poètes et les musiciens, au contraire ils s’opposaient même parfois à eux.
Dans l’optique politique qu’ils avaient choisie, les rois safavides organisaient pendant les mois de moharram et de safar (les deux premiers mois de l’année lunaire musulmane) des cérémonies de deuil ; l’organisation de ces cérémonies encouragea ceux qui avaient une belle voix. Ceux-ci furent connus sous le nom de rowzekhân (narrateur professionnel de l’histoire des martyrs) et se mirent à répertorier minutieusement les airs et les mélodies musicales. Peu à peu, le nombre de ces chanteurs religieux augmenta.
La chute de la musique, en particulier scientifique, amorcée vers la fin du XIIIème siècle, s’accéléra dès lors. Les maîtres de la fin de l’époque timouride et de la cour de Herat encore vivants à l’époque safavide décédèrent sans véritable héritier artistique. Avec leur mort et la politique religieuse du roi Ismaël et du roi Tamerlan, et le comportement de celui-ci à l’égard des artistes, la musique connut un déclin qui dura plus de cinquante ans. Bien que Shâh Abbâs lui-même ait été artiste et qu’il ait prêté beaucoup d’attention à la musique (ce qui donna jour aux activités de beaucoup de musiciens célèbres), cela ne dura pas beaucoup et après ce roi, cet art tomba en décadence, et à la fin de l’époque safavide, cet art périclita complètement.
Parmi les rois safavides, seul Shâh Abbâs s’intéressa à la musique et protégea les musiciens. Dans toutes ses cérémonies, la musique, le chant et la danse étaient présents et il prenait plaisir à les écouter et à regarder la danse. Ce roi portait attention à l’art et à l’industrie ; sous son règne, la ville d’Ispahan devint le grand foyer des artistes et la plus grande représentante de l’art et de l’industrie iraniens. Shâh Abbâs respectait et chérissait tous les artistes de tous les domaines. Lui-même était artiste, il composait des poèmes, peignait, jouait de la musique, composait des airs et connaissait les techniques musicales.
A l’époque du Shâh Abbâs, de grands musiciens et chanteurs, et des exécutants habiles apparurent dont on peut trouver les noms de certains dans le deuxième volume du livre La Vie de Shâh Abbâs de M. Nasrolah Falsafi.
A cette époque, Ispahan possédait de nombreux cafés, grands et luxueux, souvent situés autour de la place Naghshe Jahân. Ces cafés étaient les lieux de rencontre des artistes et des hommes de goût. Outre la musique, la danse et les différents jeux, dans les cafés l’on faisait la lecture du Shâh-Nâmeh et beaucoup de gens s’y rendaient pour écouter cette récitation. La lecture du Shâh-Nâmeh (Shâh-Nâme khâni) n’était pas facile et la plupart des narrateurs (Shâh-Nâmeh khân) étaient eux-mêmes poètes et hommes de lettres possédant de belles voix. Le roi Abbâs s’intéressant également beaucoup à la lecture du Shâh-Nâmeh, il s’était entouré de poètes comme Abdorazâgh Ghazvini et Molla Bikhodi Gonâbâdi qui lui faisaient la lecture de ce livre.
L’époque de Shâh Abbâs a une importance extrême dans l’histoire de la musique iranienne. Cet art qui, faute d’un grand mécène et protecteur avait décliné, prospéra de nouveau sous les auspices de ce roi artiste.
L’un des instruments qui aidèrent à préserver l’existence de la musique nationale iranienne est la timbale (Nâghârehzani). Le jeu de la timbale iranienne fut une tradition commune jusqu’aux dernières années de l’époque qâdjâre, mais perdit au fur et à mesure son importance à l’époque du roi Nâssereddin, après l’importation de la musique militaire occidentale, et périclita. Le Nâghâreh a une vielle histoire. On appelait Nâghâreh tout un groupe d’instruments différents, tels que la timbale, le tambour, la trompette, la grosse caisse (kuss), la trompe (karna), le hautbois (sornâ), la flûte, le tambour biface (dohol), le tambourin (daf),… et également les sons qu’ils produisaient. On nommait le nâghâreh " Nôbat " et le joueur de Nâghâreh " nôbati, nôbatnavaz et Nâghâreh chi " [2], et le lieu où l’on jouait était appelé " nâghârehkhâne, nobatkhâne et kusskhâne". Le Nâghâreh était généralement fabriqué en cuivre ; on l’attachait devant la selle du chameau et on en jouait tout en se déplaçant.
Sous l’ère safavide, surtout à l’époque de Shâh Abbâs, les Nâghârehkhane n’étaient plus une propriété exclusive de l’appareil royal et le roi concéda son droit aux commandants des armées et aux gouverneurs de grandes provinces. Chaque Nâghârehkhane comprenait un groupe d’interprètes habiles dont les chefs étaient des maîtres renommés.
Quelques uns des musiciens de l’époque safavide
Eskandar Beik nomme plusieurs musiciens de l’époque safavide dans son livre, parmi eux : Hafez Ahmad Qazvini, Mohammad Mo’men, Molâ Ibrahim Tabrizi, Molânâ Emir Malek Deylami, Abdi Chirâzi, Molânâ Motrebi Qazvini,…
Après le règne de Shâh Abbâs le Grand, la musique périclita et personne ne protégea plus les musiciens. Sous le règne du roi Soltân Hossein, les prières, les incantations (owrâd), la magie, la sorcellerie et les superstitions prospérèrent et le pouvoir des fanatiques religieux augmenta. On ne respectait plus la musique et les musiciens, considérés comme indécents et opposés à la loi religieuse, et celui qui s’occupait de musique était considéré comme perverti et corrompu. La situation devint telle que dans les cérémonies de mariages, à la place des musiciens et des chanteurs, on invitait des narrateurs de l’histoire des martyrs (rowzekhân). Les empreintes de cette mentalité se remarquent plus ou moins jusqu’à la fin de l’époque qâdjâre.
Sous le règne de Nâder Shâh également, l’ignorance de ce roi militaire porta un coup final à cet art. L’invasion afghane, la conquête d’Ispahan et la chute de la dynastie safavide fixèrent les beaux-arts dans leur apogée et ruinèrent beaucoup d’œuvres. Sur ordre de Mahmoud, on dépouilla Ispahan et de nombreuses œuvres splendides de l’époque safavide furent détruites. Les pillards afghans conquirent également la ville de Chiraz et assassinèrent beaucoup de gens.
L’apparition de Nader et les combats entre les prétendants au trône détériorèrent encore la situation, jusqu’à ce que Nader vainquit ses adversaires et s’emparât du trône. Ce conquérant ne s’intéressait guère à la science, l’art et la littérature. Après son meurtre, la situation de l’Iran se troubla de plus en plus et l’anarchie et le désordre envahirent le pays. L’avènement de Karim Khan le Zand mit fin à ce désordre. Celui-ci tenta d’améliorer la situation. Mais, malgré tous ses efforts, cette période ne connut guère d’artistes importants, aussi chevronnés que les maîtres anciens et les apprentis n’atteignirent jamais la même habileté que leurs maîtres. C’est uniquement en calligraphie que Derviche Abdol Madjid Tâleghâni atteignit la perfection en style shekasteh (nasta’liq cassé).
A cette époque, les techniques de l’ancienne musique iranienne n’étaient plus respectées et les principes et les règles de cet art, auparavant perçus comme nécessaires, avaient été oubliés. Sous le règne de Karim khan, la musique populaire fut encouragée. Seule une minorité de maîtres, qui respectaient les traditions des anciens, essayait de protéger la musique et de la préserver de l’oubli.
Parmi les musiciens célèbres de la fin de l’époque zand, on peut nommer Mirza Nasir Ispahâni, médecin, mathématicien, poète et musicien de la fin du XVIIIe siècle et Moshtâgh Ali Shâh Ispahâni qui jouait parfaitement du setâr [3].
Après le meurtre d’Aghâ Mohammad khân, Fath Ali Shâh devint roi en 1797. Il invita quelques-uns des musiciens célèbres de l’époque zand (chanteur, interprète et maître) à sa cour. La musique nationale iranienne fut transmise à la cour de Fath Ali Shâh par les mêmes maîtres, chanteurs et musiciens et prospéra. De même, les poètes de l’époque zand, après avoir été invités à la cour qâdjâre, propagèrent leur méthode poétique et se présentèrent comme les précurseurs des poètes de l’époque qâdjâr.
L’histoire de la composition des sept systèmes modaux (dastgâh) de la musique iranienne n’est pas tout à fait claire. On sait uniquement que depuis le XIVème siècle, les principes et la méthode musicale des anciens connurent un déclin. Pour maîtriser le désordre de la musique nationale et la remettre en ordre, les maîtres musiciens la réunirent et la divisèrent, conformément à leur sujet, en systèmes modaux (dastgâh), chansons (âvâz) et figures modales (gousheh). Il est probable que la division de la musique iranienne en sept systèmes modaux (dastgâh) et les figures modales concernant fut réalisée et officialisée sous le règne de Fath Ali Shâh ou au début du règne de Mohammad Shâh.
Il existe dans la tradition musicale nassérienne des modes et des systèmes musicaux nouveaux (comme : Bayât, Tork, Afshâr, Leili et Majnoun, Shûr, Bayât-e-kord, etc.,…) dont même les noms ne sont parfois pas cités dans les livres et les traités de musique de l’époque safavide. En outre, les airs locaux ou les modèles mélodiques (gousheh) sont connus sous le nom d’un lieu, d’une famille ou d’une tribu (comme : Bakhtiâri, Sikhi, Shoushtari, Guilaki, Qâdjâr, Qarâyi, …) ou sous le nom de leurs compositeurs (comme Mahdi Zarâbi, Nasirkhâni, Morâdkhâni, Hâdji Hassani). Cette appellation, vu le manque des notes de musique, aida beaucoup à faciliter l’enseignement de cet art et à préserver l’existence des chansons et des airs.
Une autre particularité de la musique de l’époque qâdjâre est l’interprétation du préambule instrumental (pichdarâmad) qui commença à avoir cours vers la fin de cette période. Après le changement du régime despotique royal en monarchie constitutionnelle, qui eut pour résultat la libération des rassemblements, l’organisation des fêtes et des concerts et la découverte des orchestres étrangers, l’on sentit la nécessité de commencer le concert par des mélodies et des morceaux d’un tempo rapide et très rythmé et l’on composa donc ce préambule d’après les systèmes vocaux (dastgâh) et les chansons de l’époque. Le préambule instrumental est considéré comme l’une des innovations de Gholâm Hossein, connu sous le nom de Darvish khan.
L’organisation des rowzes [4], courant en Iran longtemps avant l’époque safavide se développa à l’époque qâdjâre. Parmi les rowzekhânes (les narrateurs des rowzes) apparurent des chanteurs célèbres dont certains connaissaient parfaitement les techniques de la musique et des sonorités. Sous le règne de Nassereddin Shâh, les cérémonies de deuil comportaient de magnifiques cortèges funèbres déambulant dans les rues.
La timbale (Nâghâreh zani) qui a une vielle histoire en Iran, servait à jouer des airs très anciens et permit la préservation de ces airs. Ce qui reste aujourd’hui du répertoire ancien sont les vieux airs persans composés à l’époque qâdjâre par les maîtres de cette époque (musiciens et chanteurs), qu’ils enseignèrent à leurs héritiers artistiques. D’ailleurs, il ne faut pas ignorer l’influence des chanteurs et des musiciens professionnels, autrement dit les joueurs de la musique de divertissement (motreb), les artistes et leurs troupes. Ces troupes ont historiquement toujours existé, se transformant au gré des situations économiques et sociales de leur temps. Elles jouaient un rôle important dans la préservation et la transmission de leur propre musique. Certains grands maîtres appartenaient à ces troupes.
En 1847 l’école de Dar-ol-fonun fut fondée par Mirza Taqi khan Amir Kabîr. Des leçons de musique militaire occidentale furent programmées pour la première fois dans le département militaire de cette école par le général français Alfred Jean-Baptiste Lemaire. Cette musique nouvelle remplaça la musique ancienne des nâghârkhânes.
Cette école initiait les élèves aux règles et aux principes théoriques et pratiques de la musique occidentale. En 1873, le premier chant national et la marche du couronnement de Nassereddin Shâh furent composés par Lemaire et joués devant le roi.
Lemaire mourut à Téhéran, en 1909 et fut remplacé à son poste par Gholâm Reza Khan Sâlâr.
Le domaine de la musique militaire joua un rôle important en Iran. En effet, l’initiation des musiciens iraniens à la musique occidentale se fit au moyen de la musique militaire et les étudiants de cette école firent plus tard parti des grandes figures de la musique iranienne. Le mot musique entra alors, en persan.
Depuis des siècles existaient en Iran des troupes de chanteurs et des musiciens qui travaillaient ensemble (des troupes de râmechgaran qui s’appelaient également pâdasteh). Sous l’ère qâdjâre, il y avait de nombreuses troupes de ce genre en activité et certaines d’entre elles étaient très célèbres. Les deux troupes les plus fameuses de l’époque de Fath Ali Shâh étaient celles de Mina et de Zohreh. Elles comprenaient plus de cinquante comédiens, musiciens, chanteurs et danseuses et différents instruments, tels que le tar (luth à long manche et à table de parchemin), le setâr, vièle à pique (kamântche), la cithare à cordes frappées (santour), le tambourin (dâyere), tambour en forme de calice (donbak),… . En outre, chacune de ses deux troupes avaient un chef habile et renommé : les maîtres Mehrâb et Rostam.
Le roi Nâssereddin Shâh s’intéressait quant à lui à la peinture et à la musique et protégeait donc les artistes. Tout au long de son règne, les princes et les courtisans tentaient de devancer les autres dans le mécénat artistique. Les musiciens et les chanteurs de chaque appareil étaient connus sous le nom de l’appareil auquel ils appartenaient. L’on peut nommer Gholi khan et Ali Akbar khan de Shâh, Hadji khan d’Eynoddoleh, Ali khan du Régent.
L’ère pahlavi est l’âge de la régénération de la musique iranienne. A cette époque, les principes de la culture occidentale furent représentés et des formes nouvelles composées. L’enregistrement de la musique prospéra et la musique trouva une bonne place dans le peuple. Mais d’autre part, la musique traditionnelle iranienne était de plus en plus négligée. Ce fut alors que des institutions administratives furent créées pour la musique. Ainsi, à l’époque de Mohammad Reza Pahlavi, on s’éloigna des traditions anciennes et nationales et une culture nouvelle copiée sur le modèle occidental fut célébrée.
Après la Révolution islamique et sa victoire en 1979, la production musicale cessa et seul un petit nombre d’artistes s’occupa de la production de musique révolutionnaire. Dix ans plus tard, un ordre de l’Imam Khomeyni fit rentrer les choses dans l’ordre et la production musicale reprit.
D’après les musiciens de la première période de l’époque pahlavi, Reza Shâh préférait la musique nationale iranienne à la musique occidentale mais il trouvait la musique occidentale mieux conforme au progrès du pays. Il apporta des changements à l’organisation de la musique et remplaça l’Administration générale de la musique des armées par l’Administration générale de la musique. De nombreux chants et marches militaires furent composés sous son règne. C’est également sous son règne que l’interprétation de concerts publics et l’apparition de chanteuses eut lieu. Le chant fut inscrit au programme des écoles sur l’instigation d’Ali Naghi Vaziri, qui fonda en 1923 l’Ecole supérieure de musique. Dans cette école, on enseignait la musique iranienne avec une méthode nouvelle, basée sur les règles et les principes de la musique européenne. Il établit le premier grand orchestre composé d’instruments iraniens et occidentaux et donnant des concerts, enregistra des disques.
En 1928, il devint le directeur de l’Ecole de musique. Il fut remplacé en 1935 par Gholâm Hossein Minbachian, son adjoint, qui supprima la musique iranienne du programme officiel. Cependant, de grands musiciens tels que Morteza Nei Davood, Abdol Hassan Saba, Moussa Ma’roufi, Morteza Mahdjoubi, etc. continuaient toujours leurs activités non officielles.
L’Organisation nationale de la musique fut fondée en 1918 sous la surveillance de Gholâm Hossein Minbachian et la première collection de la revue de la musique fut publiée sous la direction de Sâdegh Hedayat. Le programme de cette organisation se limitait à l’interprétation des chants, des marches et quelques morceaux des musiciens occidentaux. Reza Shâh défendit à cette époque l’organisation des cortèges funèbres dont le ta’zieh, avec pour conséquence le déclin momentané de la musique religieuse. L’enregistrement des disques prospéra et la présence des grands maîtres de la musique iranienne à la radio de Téhéran améliora cet accueil. La seconde génération de musiciens iraniens, disciples de Derviche khan, étaient alors les maîtres de la musique traditionnelle et s’occupaient de l’éducation des élèves et de l’interprétation des programmes. En 1939, la première revue de musique persane fut publiée par l’organisation de la musique du pays.
Sous le règne de Reza Shâh, les formes de la musique iranienne se diversifièrent et de belles œuvres musicales, de beaux chants et chansons d’amour, ou des chants nationaux et patriotiques furent composés. Somme toute, l’époque de Reza Shâh fut l’âge où les institutions gouvernementales de musique furent établies.
De même, la deuxième période de l’ère pahlavi fut l’âge de l’éloignement des traditions anciennes et nationales. En 1942, après la conquête de Téhéran par les Alliés, les affaires administratives concernant la musique cessèrent presque totalement..
Ali Naghi Vaziri fut de nouveau nommé directeur de l’Administration de musique du pays. Il élabora un programme concernant la musique iranienne et la musique occidentale mais son travail fut violemment critiqué par les étudiants.
En 1942, l’orchestre de l’Ecole de musique organisa plusieurs concerts et la nouvelle collection de la revue de musique fut publiée sous la direction de Rouhollâh Khâleghi. L’interprétation de la musique dans les cinémas et les théâtres se prospéra de nouveau.
Deux ans plus tard, l’on proposa de supprimer la musique iranienne du programme des écoles d’art et les musiciens ayant étudié en Europe prirent la tête du mouvement de musique officiel. Rouhollâh Khâleghi fonda alors l’Association des amateurs de musique nationale en 1944 et organisa de nombreux concerts de musique traditionnelle. Il était également le directeur de la revue Tchang (Harpe) qui fut publiée dès 1946. L’Association de musique nationale joua un rôle important dans la restauration de l’identité nationale et la fortification du patriotisme.
[1] Tragédie religieuse ayant pour thème central la passion de l’imam Hossein.
[2] Timbalier, le musicien qui bat la timbale a certaines heures de la journée.
[3] Le luth persan classique à long manche et à trois cordes.
[4] L’assemblé où se fait la récitation de l’histoire des martyres.