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En ces années d’enchevêtrement des dynasties safavide et qâdjâre, la seconde alliée à la première dans les batailles contre ses ennemis et dans son accession au trône, le futur Nâder Shâh Afshâr saura tirer parti de l’inimitié qui prévaut dans les relations du jeune roi safavide Tahmâsp II qui règne depuis 1722, et Fath Ali Khân Qâdjâr, son tuteur.
Né en 1688 dans le Khorâssân, province du nord-est de la Perse, d’une modeste famille de paysans du clan Qirqlu de la tribu des Afshârs, Nâder n’est, à l’origine, qu’un obscur aventurier turcoman à la tête d’une petite armée de pillards. En 1726, profitant des relations explosives entre Safavides et Qâdjârs, Nâder œuvre, avec la complicité du Khân des Chameliers, l’une des deux grandes tribus qâdjâres, à l’assassinat, par Tahmâsp II Safavide, de Fath Ali Khân, de la tribu qâdjâre des Bergers, afin d’empêcher l’accession de ce dernier au trône de Perse. Après cet assassinat, Tahmâsp mourra rapidement, en 1732, dans des circonstances obscures.
Général de l’armée safavide, devenu tuteur de l’héritier Shâh Abbâs III - qui n’a que quelques mois à la mort de son père Tahmâsp et qui mourra à l’âge de quatre ans - Nâder Khân Qirqlu Afshâr devient, en 1736, roi de Perse sous le nom de Nâder Shâh, fondant la dynastie des Afshârides. Celle-ci sera la plus brève de l’histoire iranienne ; cinq rois qui régnèrent seulement treize années, de 1736 à 1749, pourront s’en revendiquer.
Guerrier redoutable, Nâder Shâh est surtout connu pour ses conquêtes. A la fin de son règne, son empire, centré autour de la province du Khorâssân et de sa capitale Mashhad, s’étendra des confins de l’Inde au Caucase. Basculant rapidement dans la démence, il sera assassiné en 1747 par ses propres officiers. Ses successeurs s’entre-déchireront, plongeant la Perse dans un sinistre épisode sanglant. Après lui, l’un de ses neveux prend le pouvoir sous le nom d’Adel Shâh après avoir éliminé tous ses cousins. Seul l’adolescent Shâhrokh, petit-fils de Nâder Shâh par son père et du shâh safavide par sa mère, est épargné, protégé par un ancien général de Nâder Shâh.
Mohammad Hassan Khân Qâdjâr, fils de Fath Ali Khân assassiné par Tahmâsp, ayant rétabli son pouvoir dans la province caspienne du Mâzandarân, Adel Shâh prend en otage son fils aîné Aghâ Mohammad Khân, craignant qu’il ne monte un jour sur le trône. Pour empêcher toute descendance, il le fera castrer alors qu’il n’a que sept ans. Au bout d’un an d’un règne barbare, Adel Shâh, trahi par sa garde personnelle passée à la solde de son frère Ebrâhim, sera détrôné par ce dernier et énucléé, la tradition empêchant un infirme de régner.
Ebrâhim lui succède sur le trône en 1748 mais sera assassiné par ses troupes quelques mois plus tard. C’est au tour de Shâhrokh de s’installer sur le trône des Afshârs, à l’âge de 16 ans. Contrairement à ses prédécesseurs, c’est un prince lettré et raffiné. A son accession au trône en cette année 1749, on perçoit un avenir plus radieux pour la Perse alors que l’ex-général de Nâder, qui l’avait protégé et aidé à accéder au pouvoir, s’absente pour une ambassade à Hérat. Profitant de l’absence de ce politicien avisé, l’obscur fils d’un docteur de la loi islamique descendant des Safavides renverse Shâhrokh, lui crève les yeux, le dépouille des joyaux hérités du sac de Delhi autrefois perpétré par Nâder Shâh, et se fait couronner sous le nom de Soleymân II à la fin de l’année 1749.
Le règne de Soleymân II ne durera que quarante jours, jusqu’au retour du Général parti à Hérat, qui le fait énucléer à son tour et rétablit Shârokh, malgré son infirmité, sur le trône. Sous le gouvernement effectif du Général, Shârokh se maintiendra dans le Khorâssân pendant un demi-siècle. Dernier roi de la brève dynastie afshâride, il décèdera en 1796 sans avoir redonné à son royaume la grandeur qu’il avait acquise durant le règne de son grand-père Nâder Shâh.
Profitant du chaos qui avait suivi l’assassinat de Nâder Shâh, plusieurs chefs militaires s’étaient en effet emparés du pouvoir dans différentes régions de l’Empire, participant à son démantèlement. C’est ainsi qu’Ahmad Durrâni fonda en Afghanistan une dynastie centrée à Kandahar, qui incluait notamment les régions du nord-ouest de l’Inde conquise par Nâder Shâh. L’Azerbaïdjan était gouverné par l’Afghan Azâd, un ancien général de Nâder Shâh. Le chef de la tribu Bakhtiâr, Ali Mardân, dominait le centre et le sud de la Perse. Après l’assassinat de celui-ci par ses propres chefs militaires, l’un de ses lieutenants, Karim Khân Zend, lui succèdera dans le sud du pays, créant à Shirâz la dynastie Zend qui règnera de 1760 à 1794.
Le qâdjâr Mohammad Hassan Khân, qui avait été nommé en son temps Grand Khân de tous les Qâdjârs nomades par Soleymân II, se fait reconnaître par les tribus, roi indépendant d’Estarâbâd et de Gorgân. A la déposition de Soleymân II, son pouvoir sera étendu aux provinces caspiennes du Mâzandarân et du Guilân. Son fils, Aghâ Mohammad Khân Qâdjâr, après s’être vengé de sa mutilation par l’assassinat du chef de la tribu des Afshârs, se fera couronner shâh en 1796, après un gouvernement de fait de la Perse d’environ dix années, installant sur le trône de Perse les rois qâdjârs pour une durée de près de deux siècles et demi.
Bibliographie :
Prince Ali Kadjar, Les Rois oubliés - L’épopée de la dynastie kadjare, Edition°1/Kian.
Yves Porter, Les Iraniens – Histoire d’un peuple, Edition Armand Colin.
Jean-Paul Roux, Histoire de l’Iran et des Iraniens, des origines à nos jours, Edition Fayard.