N° 110, janvier 2015

Nouvelles sacrées (XIII)
Les attaques chimiques contre l’Iran


Khadidjeh Nâderi Beni


Îles de Madjnoun (dans la province du Khouzestân), 1988

L’utilisation d’armes chimiques est interdite par le protocole de Genève entré en vigueur en 1928,et n’a jamais été respecté par l’Irak durant la guerre contre l’Iran (1980-1988). A l’époque, l’Iran alerte la communauté internationale quant au recours à des attaques chimiques par Saddam Hussein, mais pour ce dernier, seule la victoire compte. Si l’utilisation de ces armes chimiques ne lui permet finalement pas de remporter une victoire décisive, elle permet néanmoins de désorganiser la stratégie défensive de l’Iran.

Selon les sources, les services secrets des Etats-Unis aident à l’époque les Irakiens à localiser les troupes iraniennes, facilitant ainsi ces attaques mortelles et augmentant leur potentiel destructif. Lors des bombardements chimiques, l’armée irakienne utilise du gaz moutarde, du gaz sarin et du cyclosarin contre les troupes iraniennes ainsi que les civils kurdes des régions frontalières. Selon les documents disponibles, durant la guerre Iran-Irak, près de 100 000 Iraniens - militaires et civils - ont été tués et blessés lors des attaques chimiques irakiennes.

La première utilisation d’armes chimiques par l’armée irakienne remonte au 19 octobre 1980, date à laquelle elle lance une attaque sur le front sud (la région du Khouzestân) et cause la mort de 20 militaires iraniens. La première attaque chimique de l’Irak contre la population civile iranienne remonte au 28 juin 1987 et touche la ville de Sardasht, dans la province de l’Azerbaïdjan de l’Ouest. Lors de cet assaut, une centaine d’habitants sont tués et plus de 2000 blessés.

Le 16 mars 1988, la guerre tirant à sa fin, une foule de combattants kurdes d’Irak s’allie aux militaires iraniens et prend le contrôle de Halabja dans les montagnes du Kurdistan irakien. Cette ville frontalière tombe alors dans les mains des rebelles kurdes qui sont soutenus par l’armée iranienne. Le lendemain, l’Irak accuse ces Kurdes de trahison et de collaboration avec l’armée iranienne ; à titre de représailles, la région de Halabja est largement bombardée aux armes chimiques. Dès le début du bombardement, 5 000 personnes sont tuées et des dizaines de milliers blessées - pour la plupart des femmes et des enfants. Les avions irakiens lâchent pendant cinq heures des gaz toxiques et perpètrent la pire attaque au gaz contre une population civile. Ce n’est cependant pas la première fois que cette localité kurde est attaquée par le gouvernement de Saddam : le 26 avril 1974, la révolte des Kurdes irakiens avait déjà été écrasée par des assauts aériens contre cette région alors le berceau de protestations antiétatiques. Cette attaque chimique est l’une des phases de l’opération irakienne Anfâl, dont l’objectif était de supprimer 180 000 Kurdes irakiens et d’annihiler la résistance kurde. Nous retraçons ici les attaques chimiques les plus importantes de l’Irak contre l’Iran selon un ordre chronologique :

- le 7 novembre 1983 : l’armée irakienne procède à des bombardements chimiques sur une petite zone opérationnelle située entre la rivière Shilar et les hauteurs de Lori à l’ouest de l’Iran ; suite à ces attaques, les habitants sont majoritairement touchés par de graves pathologies oculaires.

Attaque chimique de l’Irak contre la région de Halabja

- le 8 avril 1985 : durant l’opération iranienne de Badr dans la région de Hour-ol-Howeizeh, l’armée irakienne utilise des armes chimiques dans la zone des combats.

- le 13 janvier 1987 : la zone de l’opération Karbalâ-5 est attaquée pour le deuxième jour consécutif et ce à plusieurs reprises. Ces bombardements se prolongent le lendemain et les jours suivants, et causent la mort de nombreux combattants iraniens. Le 16 janvier, un avion d’assaut irakien est abattu par des tirs iraniens après avoir gazé la zone opérationnelle. L’ensemble des attaques chimiques de l’armée irakienne est alors finalement condamné, après un long silence, par la communauté internationale, et plus particulièrement par le Conseil de sécurité de l’ONU, le 9 mai 1987.

- le 26 février 1987 : les avions irakiens gazent une zone militaire iranienne, entre Shalamtcheh et Bassora.

- le 28 juin 1987 : le régime irakien gaze la région kurde de Sardasht en Iran, causant la mort immédiate de près de 100 personnes.

-le 8 octobre 1987 : les militaires iraniens installés dans la région de Soumâr, dans la province de Kermânshâh, sont attaqués au gaz moutarde par les avions irakiens.

- le 11 février 1988 : l’Irak lance une attaque chimique contre la région de Sardasht.

- le 16 mars 1988 : massacre de Halabja.

- le 21 mars 1988 : la région kurde de Kallâl, située près de Pâveh, dans la province de Kermânshâh, est bombardée aux armes chimiques.

- le 10 avril 1988 : la ville de Marivân, située dans la province du Kurdistan, est gazée par des avions irakiens.

- le 16 avril 1988 : de nombreux militaires iraniens installés à Fâv sont blessés lors d’une vaste attaque chimique de l’armée irakienne.

- le 18 mai 1988 : des villages limitrophes de Sardasht, dont Marzan Abâd et Beitoush, subissent des attaques chimiques de l’armée irakienne.

- le 14 juin 1988 : les forces iraniennes positionnées sur les îles de Madjnoun (dans la province du Khouzestân) sont gazées par les Irakiens.

- le 25 juillet 1988 : l’Irak lance des attaques chimiques contre Guilân-e Gharb et Sar pol-ezahâb, dans la province de Kermânshâh.

- le 2 octobre 1988 : l’Irak lance des attaques chimiques contre Oshnavieh, dans la province de l’Azerbaïdjan de l’Ouest, qui concernent près de 2400 civils kurdes.

Source :
- Nickhâh Bahrâmi, Mohammad-Bâgher, Djenâyat-e djangui (Les Crimes de Guerre), Téhéran, Centre des documents et des recherches de la Défense sacrée, 2013.


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