N° 115, juin 2015

La littérature persane en Chine


Nâdereh Badi’i*
Traduit par :

Khadidjeh Nâderi Beni


Le présent article est consacré aux ouvrages littéraires persans qui ont été, à l’époque contemporaine, traduits en langue chinoise. La longue histoire des relations sino-iraniennes se prolonge de nos jours et se développe de façon croissante dans divers domaines dont celui de la culture. Ainsi, ces dernières décennies ont été le témoin de l’augmentation de la traduction d’œuvres littéraires persanes en langue chinoise. Certains de ces ouvrages ont été traduits par des iranologues chinois à partir de la version originale persane, tandis que d’autres l’ont été à partir de leurs versions anglaise ou russe. En outre, certains chefs-d’œuvre comme les Quatrains de Khayyâm ont été plusieurs fois et par divers traducteurs, traduits et publiés en chinois.

De nombreux textes littéraires persans dont les Boustân et Golestân de Saadi, le Divân de Hâfez de Shirâz, le Masnavi de Molânâ, ainsi que certains essais religieux comme Asha’at-ol-Loma’ât (Les rayons des éclairs) de Djâmi sont régulièrement édités en langue originale et très appréciés dans les milieux musulmans et persanophones chinois. De façon générale, les musulmans chinois apprennent la langue persane dans les écoles religieuses de la République populaire de Chine. Selon les documents historiques, il apparaît également que l’islam a été introduit aux Chinois par l’intermédiaire du persan. Cela rejoint cette parole de Saadi que nous lisons dans son Golestân : « Je me rendis à Kâshgar [1] ; j’y vis un grammairien qui me demanda si je connaissais les poèmes de Saadi : là-bas, la majorité des poèmes étaient en persan. »

Couverture des Quatrains de Khayyâm traduits en chinois

L’accueil réservé à la culture iranienne en Chine demeure très favorable. Ainsi, depuis 1992, des cours de langue et de littérature persanes sont proposés dans les cycles supérieurs de certaines universités chinoises. La même année, la Commission chinoise de l’enseignement de la langue et de la littérature persanes a organisé à l’Université de Pékin le Séminaire de la littérature persane avec la collaboration d’une centaine d’iranologues chinois. Durant ce colloque important, des traductions de poèmes de Nimâ [2], Akhavân Sâles [3], M. Sereshk [4], Sohrâb Sepehri [5] et de Fakhroddin Mazâre’i [6] ont été déclamées. Le compte rendu du séminaire a ensuite été publié par l’Université de Pékin.

Les Quatrains de Khayyâm sont l’un des premiers ouvrages traduits en chinois durant le XXe siècle. La première traduction de ce recueil a été réalisée par le poète contemporain chinois Kuo Mo-Jo (1892-1978) et publiée en 1924. Ce dernier est parfois vu comme le précurseur de la nouvelle poésie chinoise. La traduction de cette œuvre, réalisée à partir de la version anglaise, a exercé une certaine influence sur la littérature moderne chinoise. La traduction la plus récente des Quatrains de Khayyâm en chinois a été réalisée ces dernières années par Jun Hun-Nin, professeur de langue et littérature persanes à l’Université de Pékin. Cette traduction, réalisée à partir de la version originale, comporte la version complète des poèmes de Khayyâm. Cet ouvrage est également orné de belles illustrations que Jun Shui, peintre contemporain chinois, a faites selon sa perception et sa connaissance de la poésie de Khayyâm. On peut y voir également quelques miniatures des deux grands peintres iraniens Rezâ Abbâssi [7] et Mahmoud Farshtchiân [8], ainsi que la copie d’un quatrain calligraphié par Mirzâ Gholâmrezâ Esfahâni [9]. Enfin, ce livre contient la traduction chinoise de l’article de Mozaffar Bakhtiâr [10], professeur à l’Université de Téhéran, sur les poèmes de Khayyâm et ses différentes traductions en langue chinoise.

Couverture du Masnavi de Molânâ traduit en chinois

Selon cette étude, tout au long du XXe siècle, les Quatrains ont été traduits en chinois par vingt-trois traducteurs, ce qui est un record ; les autres chefs-d’œuvre persans n’ayant pas rencontré le même succès auprès du lectorat chinois.

Nous dressons ici une liste des œuvres littéraires persanes qui ont été traduites et publiées en Chine jusqu’en 1992.

1. Les Quatrains de Khayyâm, traduits par Kuo Mo-Jo à partir de la version anglaise, Pékin, Editions Littératures étrangères, 1ère édition en 1924.

2. Golestân de Saadi, traduit par Wang Jin-Jay à partir de la version anglaise, Editions islamiques de Chine, 1947.

3. Golestân de Saadi, traduit par Chou Jiang-Fou à partir de la version anglaise, Pékin, Editions Littératures étrangères, 1958.

4. Une Anthologie des nouvelles persanes, traduite par Pan Chin-Lin à partir de la version russe, Pékin, Editions Littératures populaires, 1958.

5. Une Anthologie des œuvres de Sâdegh Hedâyat, traduite par Pan Chin-Lin à partir de la version russe, Pékin, Editions Littératures étrangères, 1981.

6. Le récit de Rostam et Sohrâb, traduit par Pan Chin-Lin à partir de la version russe, Shanghai, Editions Traductions, 1964.

7. Une Anthologie des poèmes de Malek-ol-Sho’arâ Bahâr, traduite par Shin Pin-Chun à partir de la version originale, Shanghai, Editions du Centre des auteurs, 1965.

8. Une Anthologie des poèmes de Hafez, traduite par Shin Pin-Chun à partir de la version originale, Pékin, Editions Littératures étrangères, 1981.

9. Les nouvelles d’Afandi (Mollâ Nasroddin), traduites par Juan Van-Chi à partir de la version persane, Pékin, Editions Lumières, 1982.

10. Une Anthologie des poèmes de Roudaki Samarghandi, traduite par Jan Hui à partir de la version persane, Bureau des éditions de la province de Xinjiang, 1982.

11. Les Neuf Forteresses (une anthologie des légendes iraniennes), traduites par Pan Chin-Lin à partir de la version anglaise, Shanghai, Editions Littératures étrangères, 1982.

12. Les Quatrains de Khayyâm, traduits par Han Gao-Sin à partir de la version anglaise, Shanghai, Editions Traductions, 1982.

Couverture d’un dictionnaire persan-chinois

13. Les Belles nouvelles de la littérature persane, compilées par Zahrâ Kiâ (Khânlari), traduites par Jan Hun-Nin à partir de la version persane, Bureau des éditions de la province de Shanxi, 1983.

14. Leyli et Madjnoun de Nezâmi, traduits à partir de la version persane par Jan Hun-Nin, Pékin, Editions du Centre des auteurs et traducteurs, 1983.

15. Une Anthologie des contes populaires iraniens, traduite par Juan Wan-Chi à partir de la version anglaise, Pékin, Editions de l’Art public, 1984.

16. Une Anthologie des poèmes de Nezâmi Gandje’i, traduite par Jan Hui à partir de la version originale, Bureau des éditions de la province de Jiangxi, 1988.

17. Une Anthologie des poèmes lyriques anciens, traduite par Jan Hui à partir de la version persane, Shanghai, Bureau de la Traduction, 1988.

18. Les Quatrains de Khayyâm, traduits par Jan Hui à partir de la version persane, Bureau des Editions populaires de la province de Hunan, 1988.

19. Leyli et Madjnoun de Nezâmi, traduits par Lo Yan Fou à partir de la version russe, Pékin, Editions Littératures étrangères, 1989.

20. Boustân (Jardin des Roses) de Saadi, traduit par Jan Hui à partir de la version originale, Editions de l’Université de Pékin, 1989.

21. Une Anthologie des contes populaires persans, traduite par Gao I, Bureau des éditions de la province de Jiangxi.

22. Les Quatrains de Khayyâm, traduits par Madame Bao Li à partir de la version anglaise, Editions de l’Université de Pékin, 1990.

23. Ferdowsi, Maître des poètes, écrit par Pan Chin-Lin, éditions de la province de Sichuan, 1990.

24. Ghâbousnâmeh de Keikâvous Ebn Eskandar, traduit par Jan Hui à partir de la version persane, Pékin, Editions Shan-Vo, 1990.

25. Une Anthologie des nouvelles de Shâhnâmeh, traduite par Jan Hun-Nin à partir de la version persane, Pékin, Editions du Centre des études sur la Culture iranienne, 1991.

26. Une Anthologie des quatrains persans, traduite par Jan Hui à partir de la version persane, Pékin, Editions du Centre des études sur la Culture iranienne, 1991.

27. Les Quatrains de Khayyâm, traduits par Jan Hun-Nin à partir de la version persane, Pékin, Editions du Centre des études sur la Culture iranienne, 1991.

28. Une Anthologie de la Littérature classique/contemporaine persane, compilée et traduite par un groupe d’iranologues chinois, Université de Pékin, 1991.

29. Histoire de la littérature persane, en deux volumes, traduite par Jan Hun-Nin, Editions de l’Université de Pékin, 1992.

30. Les Mythes de la Perse antique, compilés et traduits par Juan Wan-Chi à partir de la version originale, Pékin, 1992.

Il faut ajouter que le Grand Dictionnaire persan-chinois a été compilé et publié en 1981 avec la collaboration du département de Langue persane de l’Université de Pékin et l’Institut iranien du Loghat-Nâmeh de Dehkhodâ. Bien entendu, la bibliographie donnée dans cet article comprend les livres traduits dans le champ de la littérature persane. Il existe également un grand nombre d’ouvrages, compilés ou traduits en chinois, qui touchent à différents domaines et ne sont pas évoqués ici. Il s’agit des livres et essais écrits et traduits par les chercheurs chinois dans les divers champs de la culture et civilisation iraniennes dont l’histoire, l’art, la géographie, la politique, etc.

Notes

[1« Adabiât-e fârsi dar Tchin », publié in Kelk, n° 27, 1992.Ville historique située au long de la Route de Soie, à mi-chemin entre Ankara et Pékin.

[2Nimâ Youshidj (1895-1960), né à Yoush dans la province de Mâzandarân, est le père fondateur de la nouvelle poésie persane.

[3(1929-1990), poète contemporain de Mashhad.

[4Mohammad-Rezâ Shafi’i Kadkani surnommé M. Sereshk. Né en 1939 à Neyshâbour, il est poète, chercheur et professeur à l’Université de Téhéran.

[5(1928-1980), né à Kâshân, il est l’un des chefs de file de la nouvelle poésie persane.

[6(1930-1986), poète et traducteur iranien contemporain.

[7(1565-1635), peintre de renom de l’époque safavide.

[8Né en 1930 à Ispahan

[9(1830-1887), un grand maître de la calligraphie persane.

[10Né en 1939 dans une tribu bakhtiârie dans la province de Tchahâr Mahâl et Bakhtiâri, il est chercheur et enseigne à l’Université de Téhéran.


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