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Thé ou café ?
Au-delà de son aspect médical, c’est une question
d’histoire, d’économie et de géopolitique
Le thé et le café sont les boissons les plus populaires du monde. Les amateurs de ces deux boissons sont sensibles aux résultats des recherches médicales qui sont publiés assez régulièrement concernant les réelles propriétés du thé et du café sur la santé. La question est devenue classique. Pourtant, il faut admettre que le jugement sur la consommation du thé et du café et leur comparaison - quasi-inévitable - va bien au-delà des simples considérations médicales. Tous les jours, les médias parlent des dernières informations du marché mondial du pétrole, matière première qui s’attribue la part la plus importante des transactions économiques dans le monde. Au deuxième rang figure le nom du café. Il est donc naturel que ce produit alimentaire et son plus grand rival qu’est le thé restent toujours d’actualité, étant donné leur importance indéniable dans le commerce et les transactions internationaux.
Selon Euromonitor [1], pour une tasse de café, trois tasses de thé sont bues dans le monde.
Sur la base de ces données, le thé semble être trois fois plus consommé que le café. En ce qui concerne l’Iran, nos compatriotes boivent trois tasses de thé pour une tasse de café. Jusqu’au XVIIIe siècle, le café était plus consommé dans les pays musulmans du Moyen-Orient et du nord de l’Afrique que dans les pays européens. Le temps arriva ensuite pour que les Anglais fassent du thé leur « boisson nationale », et ils exportèrent la tradition de la consommation du thé dans toutes leurs colonies et zones d’influence dans le monde.
De nombreux facteurs ont contribué, pendant des siècles, à l’évolution de la consommation du café et du thé dans le monde, pour que ces deux boissons locales et régionales deviennent des produits consommés à l’échelle de la planète. Plusieurs événements et évolutions historiques, politiques et économiques sont intervenus au fur et à mesure pour modifier les caractéristiques géographiques de la consommation du thé et du café dans le monde. Aujourd’hui, on peut dire que le choix entre le thé et le café est, dans les différents pays, l’héritage de la période de la colonisation, des échanges commerciaux régionaux et mondiaux, et de divers éléments géopolitiques.
Martin Luis, professeur de géographie à l’Université Stanford (Californie), explique comment le nom de l’Inde va de pair avec le thé, ou comment la Corée du Sud et les Philippines qui se trouvent dans une grande zone régionale de la consommation de thé, expriment leur préférence pour la consommation du café, en raison de l’influence des Etats-Unis dans ces pays depuis la fin du XIXe siècle. [2]
L’Iran est le quatrième grand consommateur de thé dans le monde. Les Iraniens consomment chaque année 110 000 tonnes de thé sec, alors que le taux de la production annuelle à l’intérieur du pays est actuellement de l’ordre de 25 000 à 30 000 tonnes (10e producteur mondial). Ce qui signifie que le pays importe une grande quantité de feuilles de thé séchées (thé vert) et surtout de feuilles de thé fermentées et séchées (thé noir).
Quant au café, l’Iran n’a jamais été un producteur de café, ce qui s’explique par les conditions climatiques particulières nécessaires pour créer de grandes implantations de caféiers.
Selon le président de l’Organisation du thé du nord de l’Iran, Mohammad-Ali Rouzbahân, le taux de consommation de thé sec en Iran est de 1,5 kg par habitant. [3] Selon les statistiques internationales, la Turquie et l’Irlande se placent en haut de la liste des pays consommateurs de thé. En Turquie, le taux de consommation de thé sec est de 2,8 kg par habitant. Ce chiffre est de 2,6 en Irlande. Mais toujours selon M. Rouzbahân, dans divers pays du monde, le thé est consommé de différentes manières. Dans certains pays, le thé est bu tout frais, tandis qu’en Iran, on laisse le thé infuser assez longtemps, ce qui diminue relativement le taux de consommation de thé sec.
Le taux de la production intérieure de café se chiffrant à zéro, les Iraniens achètent les marques que les grandes compagnies multinationales produisent et diffusent dans le monde entier. Pour le café, l’Iran dépend entièrement de l’étranger, et l’économie du café est une économie d’importation pure et simple. Mais l’économie du thé iranienne est assez compliquée, car le pays est à la fois un grand producteur et un grand exportateur de thé sec, ce qui signifie que la balance penche pour les importations, car la production nationale ne suffit pas à répondre au taux élevé de la demande. Dans ce contexte, la moindre perturbation du taux d’importation (venant essentiellement d’Inde, du Sri Lanka, et du Kenya) peut briser l’équilibre et mettre en danger les producteurs iraniens de thé sec. Cela est le cas depuis 2013 avec la baisse de la production nationale de thé, d’où la nécessité de l’intervention du Parlement au printemps et en été 2015 pour régulariser le marché et surtout le taux des importations pour défendre les producteurs intérieurs.
Tandis que pour les amateurs de café, la question importante est de choisir telle ou telle marque étrangère, pour les consommateurs de thé la question se pose souvent sous une autre forme : thé iranien ou thé étranger ? La situation du marché et les politiques économiques pèsent naturellement sur le choix du consommateur de thé iranien. L’existence de différentes marques iraniennes de thé noir, qui mêlent la production iranienne aux produits importés de l’étranger, explique cette indécision qui trouve ses origines dans les questions d’ordre économique et commercial. Il ne s’agit sans doute pas de la haute ou de la basse qualité du thé iranien, car tandis que de nombreux consommateurs iraniens préfèrent le thé indien ou sri lankais, le thé sec iranien est exporté en Turquie et en Pologne. [4]
D’après Ghâssem Rezâiyân, ancien président du syndicat des usines de thé, concernant les évolutions économiques et commerciales sur le marché iranien du thé, ce qui risque de changer la donne à long terme est que l’importation excessive de thé sec étranger change les goûts du consommateur iranien. Le thé iranien est un produit quasiment organique en raison de l’usage relativement faible d’insecticides et d’engrais chimiques par les producteurs iraniens.
Mais si nous mettons un instant de côté les aspects historiques et économiques du marché mondial du thé et du café, et si nous pensons seulement à une pause de quinze minutes pendant nos heures de travail… Voudrions-nous faire une pause-café ou une pause-thé ? Nous savons qu’une bonne tasse de thé va sans doute nous rafraîchir, mais nous savons aussi qu’il est difficile de résister à l’odeur agréable d’une bonne tasse de café.
Les propriétés positives du thé et du café sont souvent attribuées à leurs antioxydants. De ce point de vue, ces substances antioxydantes sont plus puissantes et plus nombreuses dans le café que dans le thé. Pourtant, les études scientifiques ont également montré que les antioxydants du thé peuvent diminuer le risque d’être atteint par un cancer des ovaires. Tout le monde sait que le café augmente la vigilance. Pour certains individus, le café améliore et facilite aussi la digestion. Il a aussi des effets positifs sur des maladies comme le diabète et la maladie d’Alzheimer. Pourtant, il faut éviter de considérer le thé et le café comme des médicaments anti-cancers. Une forte consommation de ces deux produits peut avoir des effets secondaires, alors que les scientifiques n’ont pas pu établir jusqu’à présent un lien précis de cause à effet en ce qui concerne les propriétés anti-cancer de ces deux boissons.
La consommation du thé et du café doit se faire selon un rythme et une dose raisonnables. La théine et la caféine ont des noms différents, mais sont chimiquement identiques. Quatre tasses de café et de thé contiennent 250 milligrammes de cet alcaloïde [5]. Les effets de la consommation du thé et du café dépendent aussi du métabolisme des consommateurs. Certains s’endorment facilement après avoir bu du café ou du thé, tandis que les autres risquent de ne pas en dormir de la nuit.
Pour bien gérer les boissons que nous buvons pendant 24 heures, nous devons surtout réserver la place principale à l’eau (50%). Trois ou quatre tasses de thé ou de café nous permettrons de profiter des effets de leurs substances antioxydantes, mais essayons de ne pas y ajouter de lait ou de sucre qui anéantissent leurs propriétés positives.
[1] "The coffee insurgency", in : www.economist.com, 16/12/2013.
[2] Ibid.
[3] "Production de 13 000 tonnes de thé sec à Guilan et à Mazandéran", in : www.farsnews.com, 20/07/2015.
[4] Ibid.
[5] Substance organique d’origine végétale, alcaline, contenant au moins un atome d’azote dans la molécule et possédant des propriétés basiques.