N° 121, décembre 2015

La dynastie zand
Aperçu historique general


Afsaneh Pourmazaheri


Originairement, la dynastie zand s’inscrit dans la lignée iranienne des Laks qui constituent un des peuples nord-caucasiens du Daguestan qui prit le pouvoir à la suite de l’effondrement de la dynastie des Afsharides et régna sur l’Iran jusqu’à l’avènement de la dynastie qâdjâre, autrement dit pendant près de 46 ans, jusqu’en 1779. Cette dynastie gouverna l’Iran à partir de 1749, avec Karim Khân Zand à sa tête. Karim Khân fut lui-même l’un des commandants de l’armée de Nâder Shâh Afshâr, l’accompagnant dans la quasi-totalité de ses expéditions, notamment celle au cours de laquelle ce dernier fut assassiné. Karim Khân, alors à la tête de l’armée, n’eut d’autre issue que de rentrer en Iran avec ce qui restait de l’armée iranienne.

Il fut juste et aimant pour son peuple a-t-on rapporté, et réputé pour sa générosité unique parmi tous les rois d’Iran. Il adopta comme titre celui de Vakil-o-Roâyâ (représentant du peuple), en écartant le titre tentant de « roi ». Quand il dut choisir le siège de son gouvernement, il opta pour Malâyer de manière provisoire, mais désigna plus tard Shirâz comme capitale permanente (notons que les Zand changèrent à plusieurs reprises la capitale du pays, passant de Malâyer à Shirâz, à Ispahan, de nouveau à Shirâz et enfin à Kermân).

Karim Khân Zand

Karim Khân s’efforça, en dirigeant responsable, d’améliorer les infrastructures et l’apparence de la ville notamment en construisant des arg (villes forteresses), des bazars, des hammams (bains), et des mosquées dont un nombre considérable demeure aujourd’hui en l’état. A la suite de l’effondrement de la dynastie afsharide, il parvint à réunir et à homogénéiser les contrées centrale, septentrionale, occidentale et méridionale de l’Iran. De même, son frère, Sâdegh Khân, réussit à libérer Bassora de la mainmise des Ottomans et à l’annexer à l’Iran en 1810. C’est ainsi que l’influence iranienne augmenta et devint palpable dans la région, surtout dans les îles du sud du golfe Persique, le Chatt-el-Arab et à Bahreïn.

Karim Khân Zand, de son vrai nom Tashmâl Karim, était originaire d’une lignée zand que l’on appelait « Bagleh », historiquement la plus puissante des tribus zands. En remontant encore le cours de l’histoire, on trouve même des traces des Zands parmi des tribus mèdes historiquement reconnues ; notamment celles qui pratiquaient l’élevage de bétail dans les monts de Zagros et plus tard dans les pâturages des alentours de Malâyer. On les lie généralement à l’une des branches de l’ethnie des Lors ; ceux qui habitaient, sous les Safavides, près de Malâyer et de Boroujerd.

Après la mort de Nâder Shâh Afshâr, Karim Khân signa un pacte de solidarité avec deux Lors bakhtiârs nommés Abolfath Khân Bakhtiâri et Alimardân Khân Bakhtiâri. Conformément à ce pacte, Alimardân Khân Bakhtiâri fut désigné Vakil-od-Dowleh (régent), Abolfath Khân Bakhtiâri gouverneur d’Ispahan, et Karim Khân lui-même, commandant en chef de l’armée.

Mosquée de Vakil, Shirâz

L’entente ne dura malheureusement pas longtemps car Alimardân Khân Bakhtiâri fit assassiner Abolfath Khân Bakhtiâri alors gouverneur et prit les armes contre Karim Khân ; tentative qui signa sa fin.

Au bout de seize années, Karim Khân parvint à assujettir tous ses adversaires dont les plus notables furent Mohammad Hassan Khân Qâdjâr et Azâd Khân Afghân. Il réussit ainsi à conquérir les régions centrales, du nord et celles du sud-ouest du pays. Bien qu’il ait favorisé leur commerce en Iran pour des raisons politiques, il se méfia tout au long de son règne des Anglais, craignant que l’Iran ne subisse le même sort que l’Inde.

Après la mort de Kârim Khân, à peine sa dépouille enterrée, ses subalternes s’engagèrent sur la voie de la guerre, chacun louchant sur le trône au point de négliger le danger grandissant d’Aghâ Mohammad Khân Qâdjâr, qui allait en menaçant de plus en plus les assises de la dynastie zand. En 1794, Lotf Ali Khân Zand, dernier roi et gouverneur de la lignée, fut massacré avec ses compagnons par Aghâ Mohammad Khân Qâdjâr et ses troupes. Ceux qui avaient tourné le dos à la cour de Lotf Ali Khân, dirigés par Hâj Ebrâhim Kalântar, se rallièrent alors à Mohammad Khân Qâdjâr dans l’espoir d’obtenir une position plus avantageuse au sein du nouveau gouvernement.

Bazar de Vakil, Shirâz

Aghâ Mohammad Khân transféra la capitale, Kermân, à Shirâz où il fit assassiner tous les descendants des Zands et ceux qui étaient en relation avec cette famille. Après avoir émasculé le fils de Lotf Ali Khân et exilé ou assassiné le reste de sa famille, il s’assura qu’aucun danger ne le menaçait pour enfin pouvoir destituer à jamais les Zands. Il prit également le soin de ramener certains parents (ou du moins les derniers des Zands) de la dynastie zand à Téhéran avec lui et de les incarcérer dans une vieille forteresse à Yâft-Abâd [1]. Ces derniers s’affranchirent plus tard à la fin de la dynastie qâdjâre et, s’appropriant les terres environnantes, s’y installèrent de manière permanente. Ils réclamèrent vers la fin du règne de la dynastie pahlavi l’acquisition et la possession totale de Yâft-Abâd après plusieurs années de conflits avec le prince qâdjâr Farmânravâ qui, lui aussi, avait des vues sur la région. Les Pahlavi optèrent finalement en leur faveur et c’est ainsi que de nos jours, on retrouve encore à Yâft-Abâd un grand nombre de familles qui affirment descendre de la lignée des Zands.

Les Zands rescapés se réfugièrent dans l’Empire ottoman ou émigrèrent le plus loin possible à l’intérieur même des frontières de l’Iran pour mettre leur famille à l’abri du danger que représentait Agha Mohammad Khân. A l’heure actuelle, on trouve des descendants des Zands dans les provinces iraniennes historiquement difficiles d’accès ou loin de la capitale, notamment dans le Lorestân, à Kermânshâh, dans le Fârs, ou encore dans le Khôrâssân et à Hamedân.

Peinture de Aghâ Mohammad Khân Qâdjâr dans le palais de Soleymânieh à Karadj

D’autre part, un grand nombre des chefs zands, trouvant la situation politique du pays menaçante, décidèrent, avant même que le danger ne les atteigne, de fuir en s’expatriant vers la région elle-même hostile de Boyer Ahmad. Quand la soif de vengeance d’Aghâ Mohammad Khân fut assouvie, ils revinrent dans le Yâssouj, s’y installèrent, s’y enrichirent et devinrent l’une des tribus les plus importantes de cette contrée. Hâj Niâz, l’un des chefs du clan, s’attaqua plus tard à la région d’Ardekân dans le Fârs. N’ayant ni la force ni le courage de l’affronter, les habitants de ladite région le nommèrent chef sans opposer la moindre résistance et il devint alors l’une des figures historiques d’Ardekân et de Fârs.

En matière de relations internationales, les Zands favorisèrent le commerce avec plusieurs pays, notamment européens, dont l’Angleterre, qui devint un partenaire commercial de choix. Cependant, l’histoire l’atteste, malgré des débuts prometteurs, Karim Khân ne parvint pas à mettre en place de véritables liens de bonne entente avec les Anglais. Pris de rage, il détruisit un jour les cadeaux offerts par les représentants de la cour d’Angleterre sous leurs yeux, en soutenant haut et fort que l’Iran n’avait aucun besoin de porcelaines anglaises et que les plats argentés fabriqués à l’intérieur du pays valaient mille fois mieux que les leurs. Mis à part ces quelques rares instants de colère, Karim Khân était un homme judicieux et sensé.

Cour de Sâdegh Khân

Il octroya à la Compagnie des Indes Orientales l’autorisation d’exploiter un comptoir commercial à Boushehr en leur accordant des aides pour accélérer ce projet. Il exonéra les marchands anglais des droits de douane pour les marchandises qu’ils faisaient entrer en Iran en échange des tissus en laine qu’ils étaient censés offrir à la cour d’Iran. Pour promouvoir le commerce à l’intérieur du pays, le roi zand interdit même l’exportation de l’or et de l’argent en dehors des frontières iraniennes, ce qui obligeait automatiquement les commerçants étrangers à acheter des produits iraniens avec l’argent qu’ils gagnaient dans le pays. Ainsi, les marchands importaient des marchandises dans le pays et en exportaient d’autres. Ce système, qui était une sorte de troc international, aidait à promouvoir les transactions internationales.

Lotf Ali Khân Zand avec son ministre Mirzâ Hossein

Sa conquête de Bassora en 1775, plus qu’une tentative politique, suivait des visées commerciales. Avec cette conquête, il espérait d’une part affaiblir le commerce dans l’Empire ottoman, et de l’autre, le promouvoir en Iran notamment dans les ports, à Boushehr. Ce fut une ruse imaginée pour obliger l’Etat ottoman à céder de bon gré. Karim Khân se méfiait aussi des Hollandais dont l’influence allait croissant en Iran. En 1776, ces derniers conquirent l’île de Khark, île iranienne qui était une étape importante du transit de marchandises entre les Ottomans et l’Europe. Karim Khân poussa en représailles l’un des brigands les plus redoutables du pays, un dénommé Mir Mahnâz, à les attaquer et les expulser de Khark.

Karim Khân avait également établi des relations commerciales privilégiées avec les Russes qu’il jugeait plus honnêtes que les Occidentaux, dont il critiquait la politique expansionniste, en opposition avec ses propres vues politiques et sociales.

Quant à son attitude par rapport au peuple, on peut soutenir qu’il s’impliqua fermement dans l’amélioration du niveau de vie, notamment du petit peuple. Lui-même vivait simplement et faisait bon usage de l’argent qu’il avait à sa disposition. C’était un roi aimé et de nombreuses anecdotes circulent à propos de sa bonté et de son humanité. Mais après sa mort, l’Iran plongea dans une période de chaos débouchant sur le règne des Qâdjârs, dont les séquelles se font aujourd’hui encore ressentir.

Forteresse (arg) de Karim Khân

Bibliographie :
- Haghshenâs, Seyyed Ali, Hâkemiat-e Târikhi-e Irân bar Jazâyer-e Tonb va Abou-Mousâ (La souveraineté de l’Iran sur les îles de Tomb et Abou-Mousâ), éd. Sanâ, Téhéran, 2010.
- Perry, J. R., Karim Khan Zand : A History of Iran 1747-1779, University of Chicago Press, Chicago, 1979.
- Perry, J. R., trad. Saki, Ali-Mohammad, Karim Khân Zand, One World Publications, 2006.
- Rajabi Neyri, Mohammad, Târikh-e Zandieh (Histoire des Zands), Mesbâh.
- Tabâtabâ’i, Javâd, Ta’âmoli darbâreh-ye Irân (Une réflexion sur l’Iran), tome I, incipit sur la théorie de la dégradation de l’Iran, Nashr-e Negâh-e Moâser, Téhéran, 5e éd., 2006.
- Zarrinkoub, Abdolhossein, Târikh-e Irân az âghâz ta soghout-e Saltanat-e Pahlavi (Histoire de l’Iran des débuts à l’effondrement de la dynastie pahlavi), Amir Kabir, 2007.
- Watson, Robert Grant, A History of Persia from the beginning of the nineteenth century to the year 1858, Smith, Elder & Co., London, 1866.

Notes

[1Yâft-Abâd : Aujourd’hui le quartier de Yâft-Abâd est l’un des quartiers importants et anciens du sud de Téhéran.


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1 Message

  • La dynastie zand
    Aperçu historique general
    13 janvier 2016 14:34, par fereidoun-zanganeh

    a l’époque de zand, quel été la situation des zoroastrien a cet époque, puisque leur temple ATESHKADEH est a YAZD et pour quoi vous ne parle pas de cet religion monothéismes persan de 3700 ans avent J.C
    Ce que majorité des chercheur, en Europe ne sont pas au courant ou par jalousie, n admettre pas , l’origine de la Franc- Maçonnerie est dans le tradition symbolique de Zoroastrien, le reportage de journaliste VO MEHDY FALAHATI de programme last page, ou SAFEHI AKHAR montre l’origine de Zoroastriens, avec dr SASAN FAR président de Zoroastrien mondial, et la tradition de cet religion.
    vous pouvez voir sur You tub,avec mes salutation fraternel.

    repondre message