N° 123, février 2016

Les maisons traditionnelles de Téhéran


Marzieh Shahbâzi


La capitale iranienne est dotée d’un riche patrimoine de nombreuses maisons traditionnelles. Elles datent en grande majorité de l’ère qâdjare et tout en étant de très beaux exemples de l’architecture traditionnelle, elles gardent chacune un caractère propre. Au cours des années, ces habitations ont changé et subi différentes modifications. <i>Maison Ghavâmoddoleh</i>

La Maison Ghavâmoddoleh

Cet édifice a été bâti sous le règne du monarque qâdjâr Mohammad Shâh. Il appartenait à un diplomate proche de la cour, Mirzâ Mohammad Ghavâmoddoleh Ashtiâni. Racheté par l’Organisation du patrimoine, il a été restauré et il est possible aujourd’hui de le visiter.

La partie de l’habitation qui reliait les corps des bâtiments birouni (partie publique de la demeure) et andarouni (partie privée) a été détruite lors des travaux d’extension de la rue Mirza Mahmoud. La grande terrasse, elle, a été convertie en salle des miroirs, phénomène architectural de l’époque qâdjâre, influencé par le développement des relations avec les Européens. Parmi les caractéristiques de ce monument, citons la parfaite symétrie dans la disposition des briques et des incrustations en bois de la façade, les sept portes typiques de l’architecture islamique iranienne, le bassin central entouré d’un jardin qui correspond exactement à un autre dans l’andarouni, et deux tours de vent symétriques qui invitent les visiteurs à se rendre aux étages supérieurs.

Deux escaliers mènent à l’intérieur de l’édifice ; le rez-de-chaussée comprend deux grandes salles, deux couloirs et trois petites chambres et le premier étage, deux couloirs et douze chambres, disposés en même nombre dans les deux ailes est et ouest. Le sous-sol, uniquement accessible par le jardin intérieur, est situé sous les salles.

La salle des miroirs du rez-de-chaussée, pièce la plus vaste de la maison, est située dans le birouni et était la salle de réception des invités et des politiciens (souvent étrangers) de l’époque. Ainsi, les ornements de la pièce sont fortement influencés par des modèles occidentaux.

L’autre salle de réception de l’édifice, orientée sud et très ensoleillée, était utilisée en hiver. Elle compte une partie caractéristique, réservée au roi. Cette aile de l’habitation comprend huit pièces, uniquement accessibles par le corridor qui les longe. Les ornements intérieurs sont tous identiques, notamment des moulures, des fresques murales et des niches ornementées servant d’étagères.

Edifice Ma’soudieh

L’Edifice Ma’soudieh

Cette demeure datant de la période qâdjâre est située sur la place Bahârestân à Téhéran. D’une superficie de quatre mille mètres carrés, comprenant andarouni et birouni, elle a été construite en 1916 par le gouverneur d’Ispahan, Mas’oud Mirzâ, dont le nom a été donné à l’édifice. Ce dernier est représentatif des spécificités de l’architecture traditionnelle, avec son jardin à l’iranienne et le classicisme de la décoration, qui est cependant légèrement marquée par le style occidental. L’édifice comprend cinq bâtiments, tous très ornés, avec des moulures, des carrelages typiques, des calligraphies, des fresques, des peintures murales et autres ornements architecturaux d’une délicatesse recherchée.

En raison de sa situation géographique, cet édifice a servi durant plusieurs événements politiques. Lors de la Révolution constitutionnelle, ce bâtiment était le quartier-général des constitutionnalistes, dans leur combat pour l’établissement d’une monarchie constitutionnelle. En 1908, c’est à proximité de cette demeure que l’attentat à la bombe contre le roi Mohammad Ali Shâh eut lieu, événement qui mena à la répression féroce des opposants, au canonnage de l’Assemblée nationale et à des combats et fusillades à l’intérieur de cette maison. Maison d’Amir Bahâdor

C’est également dans cette demeure que beaucoup d’institutions culturelles nationales ont vu le jour. Ainsi, cet édifice a abrité la première bibliothèque nationale et le premier musée national : c’est en 1925 qu’une pièce de cet édifice devient la première bibliothèque officielle du pays, l’ancêtre de la bibliothèque nationale actuelle ; et quelques années plus tard, une autre pièce de cette maison abrita des objets antiques venus des différentes provinces, et devint ainsi officiellement le premier musée national d’Iran, avant la construction du Musée de l’Antiquité.

Entre 1963 et 1964, cette demeure a provisoirement abrité une école militaire. En 1966, lors de la séparation du ministère de l’Education de celui de l’Art et de la Culture, elle hébergea également pendant quelque temps le ministère de l’Education.

La Maison d’Amir Bahâdor

L’éminente maison bicentenaire de la rue du Pont d’Amir Bahâdor porte le nom de son premier propriétaire, gouverneur, courtisan et ministre de Mozaffareddin Shâh. Un véritable chef-d’œuvre classique dans la construction duquel les moindres détails du style architectural de la période nasséride [1] ont été respectés.

Les propriétaires suivants ont à leur tout tiré profité de cet édifice : citons Ali Asghar Hekmat, ministre des Affaires culturelles sous Rezâ Shâh Pahlavi, qui organisait de somptueuses réceptions dans l’immense cour centrale de cette habitation pour les étudiants boursiers en partance pour l’étranger ; ou le poète, écrivain et journaliste Sâdegh Rezâzâdeh Shafagh qui tenait dans la salle de réception du premier étage un salon littéraire ; ou encore Seyyed Hassan Taghizâdeh, l’un des chefs de file de la Révolution constitutionnelle, qui y organisait des rencontres non-officielles avec des ambassadeurs et des attachés étrangers.

Des photographies, calligraphies, documents et manuscrits historiques témoignant du passé mouvementé et prestigieux de cette habitation en ornent aujourd’hui les murs et les larges corridors.

Au nord de cet édifice se trouve l’ancien bureau de Fath Ali Shâh Qâdjâr, qui est également la plus ancienne pièce architecturale de ce vieux quartier de Téhéran. Précisons également pour l’anecdote qu’une cape en velours de Nâssereddin Shâh Qâdjâr, souvenir de son deuxième voyage à l’étranger, a été pendant des décennies l’une des attractions de cette maison.

L’intérêt de cette demeure réside dans la richesse culturelle du quartier, marqué par la cohabitation des religions musulmane, juive et chrétienne. Il existait autrefois une église catholique et une école française dans ce quartier, qui était le lieu de célébration d’événements religieux de ces différentes confessions, comme le Nouvel an chrétien ou les commémorations de l’Ashourâ.

L’édifice Fâzel Arâghi

L’édifice Fâzel Arâghi

Cet édifice, situé à l’ouest de la place Ferdowsi, appartenait à Fâzel Arâghi, conseiller et ex-président du Conseil d’Etat. Depuis 1955, une aile de cet édifice abrite un centre de recherches médicales.

La façade en relief rehausse l’intérêt de cet édifice. La partie la plus avancée comprend une porte toute en verre au centre du rez-de-chaussée et une fenêtre également en verre juste au-dessus, au premier étage. En haut du bâtiment, près du toit incliné, une inscription faite de briques en relief orne le bâtiment. Toutes les fenêtres et portes de cet édifice sont entourées par une fine marge turquoise de brique en relief. Ses tuiles sont d’une délicatesse recherchée et portent des scènes de la vie des rois de la Perse antique.

Maison du commandant Assad

La Maison du commandant Assad, révolutionnaire constitutionnaliste bakhtiâri

C’est en 1912 que ce qui est considéré comme la plus belle maison traditionnelle de la capitale iranienne est construite au nord-est de la place Imâm Khomeyni pour Ja’far Gholi Khân Bakhtiâri. Elle est en fait la dernière partie restante d’une belle et célèbre construction ilkhanide. Ce bâtiment historique est situé rue Ferdowsi dans l’enceinte de la Banque Nationale, qui l’a acquis au début du XXe siècle. Cet édifice offre un superbe mélange d’éléments ilkhanides du XIIIe siècle et d’architecture qâjdâre du XIXe siècle.

Desservie par une allée ilkhanide, pavée et bordée d’arbres, cette demeure a logé de nombreuses personnalités historiques, iraniennes et étrangères. De l’allée, seule une petite partie existe toujours, près de la maison Assad. Ce bâtiment a été depuis reconverti en musée de la Banque Nationale pour rassembler les cadeaux et les dons des autres banques du monde. L’accès de ce musée privé est malheureusement réservé aux invités de la Banque.

Maison Shaghâghi

La Maison Shaghâghi

Datée de la fin de la dynastie qâdjare, la maison Shaghâghi est située au nord du 12e arrondissement de Téhéran, dans la rue Koushk, entre les rue Ferdowsi et Lâleh zar. Souvent appelée la maison Koushk, du nom de sa rue, la maison de la famille Shaghâghi, désormais administrée par l’Organisation du Patrimoine iranien, abrite le centre d’études de cette organisation.

La Maison Emâm Djom’eh

C’est dans l’un des quartiers historiques de Téhéran que se trouve cette célèbre maison traditionnelle, au nord de la rue Nâsser Khosrow. Bâtie au début du XIXe siècle, elle appartenait d’abord au chancelier de Nâssereddin Shâh, Mirzâ Aghâ Khân, avant d’être rachetée par l’Imâm du Vendredi (Imâm Djom’eh) de Téhéran.

Maison Emâm Djom’eh

Notes

[1Période du règne de Nâssereddin Shâh Qâdjâr.


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