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Les poissons de la mer Caspienne sont étonnamment diversifiés, tant du point de vue de leurs espèces que de leur style de vie. Du point de vue de la taille aussi, cette mer rassemble à la fois le béluga, le plus grand poisson d’eau douce du globe, et des poissons minuscules, les gobies. La longueur et le poids de chaque espèce de poisson sont déterminés par des facteurs héréditaires, mais les conditions de l’environnement aquatique (température, quantité de nourriture) peuvent également affecter ou altérer les modèles de croissance. Déterminer la durée moyenne de leur vie n’est pas une tâche facile. Très peu de poissons de la Caspienne meurent de leur mort naturelle : tout au long de leur vie, surtout jeunes, ils font face à la mort du fait des facteurs défavorables liés à la qualité et à l’environnement de l’eau, aux prédateurs et aux maladies. Certains poissons comme le saumon ou la lamproie meurent d’épuisement après les frayères (lieu où se reproduisent les poissons). Chez les poissons comestibles et commercialisés, l’espérance de vie est encore réduite par la surpêche. C’est la raison pour laquelle les poissons plus gros et plus âgés sont très rares et attirent l’attention des chercheurs.
Outre le béluga, les principaux gros poissons de la Caspienne sont l’esturgeon, le sevruga (acipenser stellatus), l’esturgeon à ventre nu (acipenser nudiventris), le saumon, et le saumon blanc. On peut aussi y pêcher de gros poissons-chats, des carpes, brochets, sandres, ainsi que des mnemiopsis leidyi (espèce de cténophores pélagiques transparents, prédateurs et invasifs), des hypophthalmichthys (genre de poissons téléostéens), et des carpes de roseau. Les bélugas deviennent cependant de plus en plus rares. Les plus gros d’entre eux font jusqu’à 6 mètres de longueur, avec un poids de plus d’une tonne. En 1924, à l’embouchure du fleuve de la Volga, près du village de Biryuchya Kos, un béluga femelle pesant 1228 kg a été capturé, contenant 246 kg de caviar. En juin 1937, au large de la côte ouest de l’Azerbaïdjan, un béluga mâle pesant 1004 kg a été pêché par un filet. Enfin, en avril 1975, dans le delta de la Volga, un béluga femelle pesant 745 kg avec 148 kg de caviar a été pêché. Ces gros poissons avaient entre 60 et 70 ans. En revanche, l’esturgeon n’atteint pas une si grande taille. Les plus gros spécimens âgés de 40-45 ans ont une longueur allant jusqu’à 220 cm, et un poids allant jusqu’à 70 kg. En août 1980, un esturgeon de 215 cm de long pesant 76 kg a été capturé dans la Basse Volga ; il avait 38 ans.
La taille de l’esturgeon étoilé (acipenser stellatus), un autre poisson que l’on trouve dans la mer Caspienne, est inférieure à celle du béluga et de l’esturgeon commun. Les plus grands d’entre eux atteignent une longueur allant de 190 à 215 cm, et un poids de 40 à 50 kg (parfois 60 kg ou plus pour les plus gros spécimens). En juin 1916, un esturgeon étoilé de 68 kg a été pêché et un autre en 1980 de 35 ans, avec une longueur de 185 cm et pesant 40 kg. Dans un passé récent, des saumons ayant une longueur atteignant 120 cm et un poids dépassant les 20 kg ont été pêchés dans la mer Caspienne. Il est aussi attesté qu’au début de ce siècle, de gros saumons pesant plus que 40-50 kg ont été capturés - à noter que le saumon de la Caspienne est le plus grand représentant européen de ce genre.
L’Inconnu (stenodus leucichthys) est un poisson blanc appelé également nelma ou belorybitsa, de la famille des salmonidés. La longueur du corps des plus grands individus de 8 à 10 ans est de 110 à 130 cm et leur poids, de 11 à 15 kg. Cette mer comptait également auparavant un très grand nombre de poissons-chats, mais ils se font cependant de plus en plus rares ces dernières années. Si durant le siècle dernier, on pêchait des poissons d’une longueur de 150 et même 200 cm pesant de 70 à 100 kg, la majorité des poissons sont maintenant beaucoup plus petits et les très grands et gros sont devenus des proies rares.
Le grand brochet est un poisson illustrant bien cette réalité. Vivant surtout dans les fleuves qui se jettent dans la Caspienne, les gros spécimens sont désormais devenus très rares. Sa population a également connu un important déclin : si on le pêchait dans l’ensemble du littoral de la Caspienne au siècle dernier, il se fait de plus en plus rare, au moins dans le delta des fleuves. Les grands brochets d’un mètre de long et pesant en moyenne dix kilos, qui étaient auparavant communément pêchés, sont maintenant aussi assez rares, conséquence de la surpêche.
Les sandres (de la famille des percidae) font également partie des espèces de poissons de la Caspienne ayant vu une réduction drastique de leur population au cours des dernières années. Leur longueur et leur poids sont moindres que certaines espèces : ils ne dépassent généralement pas 55 cm, et 1,3 kg. La carpe, comme la sandre, fait partie des espèces rares de la Caspienne. Cependant, contrairement au second, le nombre de grosses carpes a considérablement augmenté au cours de ces dernières années : elles prolifèrent principalement dans le bassin de la Volga pour se jeter ensuite dans la Caspienne. La longueur du corps d’un poisson de 12 ans d’âge est en moyenne de 85 cm, et son poids de 11 à 13 kg.
La brème commune, un poisson vivant en eaux douces et profondes, est principalement pêchée dans les premières années de sa puberté, entre 12 et 14 ans. Elle atteint parfois jusqu’à un demi-mètre de longueur et pèse en moyenne 2,8 kg. La longueur et le poids du vobla sont relativement modestes : 17 cm et 120 grammes en moyenne, mais il y existe de grands spécimens de 10 ans d’âge, mesurant en moyenne 34 cm, et pesant de 800 à 900 g.
Le rotengle était dans un passé récent un petit poisson peu prisé par les pêcheurs. Il représente actuellement une part importante des captures, en particulier près de l’embouchure de la Volga. Aujourd’hui, en raison de la baisse du niveau des mers et du fait de sa capacité de s’adapter aux eaux peu profondes couvertes d’une végétation abondante, il a tendance à proliférer. L’augmentation de sa population a été de pair avec celle de sa longévité, de sa longueur et de son poids moyens. Les plus gros d’entre eux, à l’âge de 9-10 ans, ont une longueur de 35 cm et un poids de 1,2 kg en moyenne.
Les gros poissons comme le mnemiopsis leidyi, le hypophthalmichthys et la carpe de roseau vivent en eau douce à l’embouchure des fleuves, puis se jettent dans la Caspienne où ils s’adaptent ensuite à leur nouveau milieu. La mer Caspienne constitue aussi l’habitat de nombreux autres types de carpe, comme la carpe herbivore qui peut atteindre une longueur de 110 cm et un poids de 24 kg. La carpe blanche est un peu plus petite, mais des spécimens d’une longueur de 80 cm et d’un poids de 9 kg y ont été pêchés.
Les petits poissons constituent 20% de la faune de la Caspienne. En font partie les trois types de sprat (appelé également kilka en russe et en persan), l’ablette, la loche de rivière, les épinoches, et les formes de gobiidae et têtards ukrainiens. La longueur du plus petit gobie ne dépasse pas 2,2 cm. Il est considéré comme étant le plus petit vertébré de la Caspienne. Les petits poissons ayant la plus grande valeur commerciale sont les sprats. Leur longueur ne dépasse pas 150 mm, et leur poids 15 g. La mer Caspienne est également l’habitat de très nombreux anchois, ou encore de sardines dont la population reste relativement stable, et ce du fait qu’elles se trouvent dans leur majorité à une certaine distance de la côte et restent à une profondeur relativement importante, ce qui leur permet de ne pas être exposées à la surpêche.
Pour conclure cet aperçu sur les poissons, nous présentons une comparaison de l’un des plus petits poissons de la Caspienne, le sprat, avec l’un des plus grands, l’esturgeon. La population des premiers est presque le double de celle des seconds. Cette différence découle notamment des différences biologiques significatives propres à chacun de ces poissons. Les sprats arrivent rapidement à maturité et se reproduisent dès la seconde année de leur vie, tandis que les esturgeons viennent plus tardivement à maturité, à l’âge de 9 à 14 ans. Les sprats se nourrissent de zooplanctons, dont ils sont les principaux consommateurs ; quant aux esturgeons, ils se nourrissent principalement d’organismes benthiques et de poissons, entrant ainsi en compétition avec d’autres poissons consommant la même nourriture. Ces deux poissons sont massivement pêchés. L’esturgeon est apprécié pour sa finesse, ses qualités, et surtout car il est à l’origine du caviar. Les seconds sont des poissons pêchés en masse à partir desquels on produit de grandes quantités de conserves. En outre, les sprats sont un élément essentiel du régime alimentaire des poissons prédateurs - dont l’esturgeon - et d’autres animaux marins.
Cette espèce de phoque unique dans la région vit en majorité sur la côte nord de la mer Caspienne, même si on en trouve également sur la côte sud. Il mesure jusqu’à 150 cm et pèse 70 kg en moyenne. Son cou est assez court et sa tête, petite. Les bords de ses moustaches ondulées sont aplatis. Sa couleur diffère en fonction de l’âge et du sexe de l’animal. Généralement, la surface supérieure du corps est de couleur sombre, tandis que la zone abdominale est gris clair. Des taches gris clair et brunes de dimensions variées sont également visibles sur l’ensemble du corps, mais davantage sur le dos que sur le ventre. Le phoque de la Caspienne effectue des migrations saisonnières régulières courtes. En hiver, la quasi-totalité de la population se concentre dans la zone glacée du nord de la Caspienne. Avec la fonte des glaces, les phoques se déplacent vers le sud et au début de l’été, on les trouve en majorité dans les eaux du centre et du sud de la Caspienne. Là, ils se nourrissent de manière intensive et au début de l’automne, ils migrent de nouveau vers le nord de la Caspienne.
La nourriture de base des phoques de la Caspienne est constituée de différents types de gobies, puis de sprats. Un nombre moins important de phoques se nourrissent d’atherinas (de la famille d’atherinopsidae), de crevettes et d’amphipodes. Ils mangent aussi du hareng en petite quantité à certaines périodes de l’année. En résumé, la composition de la nourriture varie en fonction des saisons.
La période de reproduction est plus courte comparée à celle d’autres espèces de phoques : elle commence au milieu de la dernière dizaine de janvier pour s’achever à la fin de la première dizaine de février. Elle se déroule surtout sur les glaces du nord de la Caspienne. La femelle met bas un blanchon mesurant en moyenne 75 cm et pesant 4,3 kg. Il est recouvert de longs poils soyeux presque blancs. La durée de l’allaitement est d’environ un mois et pendant cette période, le blanchon atteint de 85 à 90 cm, tandis que son poids quadruple. A la fin de la période de la lactation, les jeunes blanchons muent, et leurs longs poils sont remplacés par un pelage de couleur gris foncé sur le dos, et gris clair sur le ventre. A mesure que le blanchon grandit et à chaque mue annuelle, les taches prennent une couleur plus brillante. Les femelles atteignent la puberté vers l’âge de 5 ans, et la majorité d’entre elles deviennent mères à l’âge de 6 ans. Après cela, la plupart des femelles matures se reproduisent une fois par an.
Concernant leur comportement, les phoques de la Caspienne ne forment jamais de rassemblements concentrés et denses sur les glaces. Les femelles et leurs petits se situent généralement à une certaine distance les uns par rapport aux autres. Cependant, pendant la mue qui vient après la saison des amours et l’accouplement, lorsque les glaces disparaissent de la surface de la mer, les phoques forment des groupements relativement denses. Durant les mois d’été, les phoques vivent en eau libre de façon non-coordonnée, et ce principalement dans les grandes eaux du centre et du sud de la Caspienne. A l’automne, ils se rendent dans la partie nord-est de la mer et vivent sous forme de groupes denses rassemblant mâles et femelles de tous âges sur les îles de sable.
A la fin du XIXe siècle et au début du XXe, la population des phoques de la Caspienne dépassait vraisemblablement le million de têtes. Dans les années 1970, il avait été estimé à environ 500 à 600 000 têtes. Le recensement de 2007 a estimé qu’ils n’étaient plus qu’environ cent mille, faisant de ce phoque une espèce menacée, comme tant d’autres actuellement dans la région.
Bibliographie :
Vossoughi, Gholâmhossein, Mâhiân-e âb-e shirin (Les poissons d’eau douce), éd. de l’Université de Téhéran, 2006.
Abdurachmanov, J. A., Biologia fauna kaspiiskova moria (La biologie de la faune de la Caspienne), rapport de l’académie des sciences de la république soviétique d’Azerbaïdjan, 1945.
Arsenyev, V., Atlas morskix mlekopitaioshix CCCP (Atlas des mammifères marins de l’URSS), 1980.