N° 127, juin 2016

Le directeur du Louvre en Iran


Babak Ershadi


Jean-Luc Martinez, 52 ans, est un archéologue et historien de l’art français spécialisé dans la sculpture grecque antique. Il est président-directeur du Musée du Louvre depuis 2013.

 

En avril 2016, le président-directeur du Musée du Louvre, Jean-Luc Martinez, a effectué une visite de cinq jours en Iran à la tête d’une délégation du Louvre. Il s’agissait du premier voyage de M. Martinez en Iran. Mais cela a été aussi le premier voyage d’un directeur du Louvre en Iran depuis neuf ans, M. Henri Loyrette (directeur du Louvre 2001-2013) s’étant déplacé à Téhéran en 2007.

Le but annoncé de ce voyage était de négocier avec les responsables iraniens du développement des projets d’échanges culturels entre l’Iran et la France, et des projets communs entre les musées iraniens et français. M. Jean-Luc Martinez, accompagné de son épouse, a dirigé une délégation de cinq membres qui a rencontré et discuté avec les responsables iraniens, y compris le chef de l’Organisation iranienne du Patrimoine culturel, de l’Artisanat et du Tourisme Massoud Soltanifar. M. Martinez était accompagné par Mme Marielle Pic (directrice du département des antiquités orientales du Musée du Louvre), Mme Yannick Lintz (directrice du département des Arts de l’Islam), et M. Alberto Vial, conseiller diplomatique du Musée du Louvre

 

Signature d’un accord culturel irano-français le 29 janvier 2016 par Jean-Luc Martinez et Bahman Nâmdâr-Motlagh devant les présidents iranien et français à Paris

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Fin janvier 2016, le président iranien Hassan Rohani avait effectué une visite officielle en Italie, puis en France. Au cours de ce voyage à Paris, le président iranien était accompagné par une délégation politique, économique et culturelle. C’était une bonne occasion pour que les deux gouvernements renouent leurs relations culturelles après la conclusion des accords nucléaires en juin 2015 entre l’Iran et le groupe 5+1 dont la France faisait partie.

A l’occasion du voyage du président Rohani en France, la semaine culturelle de l’Iran a été organisée du 26 janvier au 4 février 2016 à Paris, à l’initiative de la mairie de Paris avec la collaboration de l’Organisation iranienne du Patrimoine culturel, de l’Artisanat et du Tourisme.

L’arrivée d’un groupe d’écoliers pendant la visite du Musée-Bibliothèque national Malek

Alors que le président iranien s’entretenait à Paris avec son homologue français des questions d’intérêt bilatéral, les membres culturels de la délégation iranienne se chargeaient d’une autre mission dans la capitale française : le président de l’Organisation iranienne du Patrimoine culture, de l’Artisanat et du Tourisme, Massoud Soltanifar et son adjoint Bahman Nâmdâr-Motlagh ont visité le 27 janvier le Musée du Louvre. Invités par le président-directeur du Louvre, Jean-Luc Martinez, les deux responsables iraniens ont visité les différentes sections du musée, dont les galeries de l’art et de l’histoire de l’Iran et la section de l’art et de la culture islamiques. Le lendemain, MM. Jean-Luc Martinez et Bahman Nâmdâr-Motlagh ont signé un accord culturel irano-français devant les présidents iranien et français. Ces accords portaient sur les projets communs dans les domaines artistiques, culturels, archéologiques et touristiques.

 

Signature du livre d’or du Musée-Bibliothèque Malek par Jean-Luc Martinez
« En souvenir d’une belle visite dans un musée exceptionnel en espérant de beaux projets au Louvre et à Téhéran. Jean-Luc Martinez, président-directeur du Musée du Louvre »

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Pendant son séjour à Téhéran, le directeur du Louvre a visité les plus grands musées de la capitale iranienne comme le Musée national d’Iran et le Palais du Golestân. La première visite a été effectuée le 9 avril au Musée-Bibliothèque national Malek ; l’occasion pour M. Martinez d’apprécier les collections culturelles, historiques et artistiques de la période islamique du premier musée privé iranien ayant un statut de Waqf [1]

A l’issue de cette visite, le directeur du Louvre a admiré l’œuvre du fondateur du musée, Hossein Malek, qui a fait don de ce musée et de ses collections exceptionnelles d’objets culturels et historiques à l’Astan Qods Razavi.

La délégation du Louvre a visité les collections de pièces de monnaie, de miniatures, de calligraphies et de manuscrits du Musée-Bibliothèque Malek, et ont également pris connaissance des derniers travaux destinés à moderniser la documentation et le catalogage de ce musée.

Palais du Golestân à Téhéran
  1. Martinez a estimé que les standards du Musée-Bibliothèque Malek pour cataloguer les œuvres culturelles et artistiques de la période islamique, notamment les tapis, les calligraphies et les miniatures pourraient inspirer les autres musées du monde dont le Louvre. Il a fait état de l’intérêt du Louvre de mener des projets communs avec le Musée-Bibliothèque national Malek. A l’issue de cette visite, Jean-Luc Martinez a signé le livre d’or de ce musée.

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Le 11 avril, le directeur du Louvre et ses collègues ont rencontré le ministre iranien de la Culture et de l’Orientation islamique, Ali Djannati. Au cours de cette rencontre, M. Djannati a évoqué la levée des sanctions qui ont été imposées injustement à l’Iran pendant plusieurs années sous prétexte du programme nucléaire civil de l’Iran, et la visite du président Rohani en France en janvier 2016, estimant que l’Iran et la France ont fait réciproquement preuve de leur volonté à améliorer leurs relations politiques, économiques, culturelles et sociales.

Le ministre de la Culture a exprimé ensuite sa préoccupation vis-à-vis de la destruction des œuvres historiques et culturelles dans les pays voisins, notamment en Irak et en Syrie, par des organisations extrémistes comme Al-Qaïda et Daech, et il a plaidé pour une action internationale pour protéger ces œuvres qui font partie du patrimoine de l’humanité. M. Djannati a souhaité l’application des accords de coopération bilatérale irano-français en matière d’art, de culture et de tourisme. De son côté, le directeur du Musée du Louvre a demandé au ministre iranien de la Culture de prendre des mesures qui faciliteraient les échanges entre le Louvre et les musées iraniens, surtout en ce qui concerne l’échange d’experts et de conservateurs de musée.

Place Naghsh-e Djahân à Ispahan

 

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Pendant son voyage de cinq jours en Iran, la délégation du Louvre a aussi visité la ville d’Ispahan au centre du pays. Jean-Luc Martinez et ses collègues se sont rendus dans plusieurs sites historiques de la ville, entre autres, le palais Tchehel-Sotoun et la célèbre place Naghsh-e Djahân. Le directeur du Louvre a qualifié Ispahan de gigantesque « ville-musée » en soulignant que chacun des monuments historiques de cette ville est un véritable musée en soi.

A Ispahan, la délégation du Louvre a participé aussi à un atelier spécialisé sur la civilisation de l’orient musulman. Jean-Luc Martinez a déclaré aux journalistes que la participation à cet atelier était une occasion pour lui et les membres de la délégation du Louvre d’avoir une meilleure idée de la civilisation iranienne et islamique.

Palais Tchehel-Sotoun à Ispahan

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« La France a un regard tourné vers les arts et le patrimoine culturel et historique de l’Iran depuis le XVIe siècle. Cet intérêt pour l’Iran est arrivé à son apogée aux XVIIIe et XIXe siècles », a déclaré Jean-Luc Martinez dans une interview à l’agence IRNA.
 [2]Interrogé sur les programmes du Louvre pour protéger les œuvres historiques et culturelles menacées dans les pays voisins de l’Iran par les groupes terroristes extrémistes, le directeur du Louvre a déclaré qu’il a proposé au gouvernement français un plan détaillé destiné à protéger des œuvres menacées non seulement au Moyen-Orient, mais partout dans le monde. [3] Il a ajouté que l’UNESCO dont le siège est à Paris a également présenté ses propositions au gouvernement français dans ce domaine. « Etant donné sa capacité scientifique et ses expériences, le Louvre peut se charger éventuellement du stockage provisoire de certaines de ces œuvres menacées » [4], a-t-il précisé.

Jean-Luc Martinez a ajouté que lors de ses rencontres avec les responsables iraniens, la question de la tenue d’expositions d’œuvres du Louvre en Iran a été également évoquée. « Le Louvre n’appartient pas uniquement à la France. C’est une institution à vocation internationale. Nous entretenons de bonnes relations avec beaucoup de pays. Nous pouvons envisager, par exemple, des expositions d’œuvres égyptiennes du Louvre en Iran. Depuis très longtemps, le Louvre a joué un rôle important dans l’histoire de l’égyptologie, compte tenu de la longue présence des archéologues français dans les missions de fouilles en Egypte. » [5]

Palais Tchehel-Sotoun à Ispahan

Plus tard, le directeur général de l’Organisation iranienne des musées a confirmé la nouvelle. M. Mohammad-Rezâ Kârgar a annoncé que dans le cadre des accords culturels nouvellement signés entre l’Iran et la France, les musées iraniens et français dont le Louvre développeront leur coopération dans divers domaines. M. Kârgar a ajouté que lors de sa rencontre avec Jean-Luc Martinez, la possibilité de l’organisation dans des musées iraniens d’expéditions d’œuvres du Louvre, notamment des œuvres égyptiennes, avait été évoquée. Des œuvres d’autres civilisations anciennes comme la Chine et Rome pourront aussi être exposées par le Louvre en Iran.

Mohammad-Rezâ Kârgar a expliqué que le but principal du voyage d’une délégation du Louvre en Iran était de préparer le terrain à l’application des accords et des notes d’entente irano-française, en ce qui concerne notamment la possibilité de stages de formation au Louvre pour des experts et les conservateurs de musées iraniens ainsi que la coopération en matière de muséologie, de documentation et de catalogage. En outre, les deux pays peuvent évidemment envisager des projets archéologiques communs en Iran ou dans d’autres pays.

    Notes

    [1Wafq : donation faite à perpétuité à une œuvre d’utilité publique, pieuse ou charitable

    [2La France a un regard tourné vers l’Iran depuis des siècles, in : www.irna.ir, 10 avril 2016.

    [3Suite aux destructions du patrimoine en Syrie et en Irak, Jean-Luc Martinez a remis en novembre 2015 au Président français le rapport intitulé "Cinquante propositions françaises pour protéger le patrimoine de l’humanité".

    [4Ibid.

    [5Ibid.


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