Pour une grand-mère

 

 

Au milieu des plants lourds de tabac pur vacillent

Des reflets d’Astre que les feuilles énumèrent,

Ton brun œil près du bleu dont les clins font le trille

Comme les fronts dorés du reflux de la mer.

 

Le principe de l’âme, inconnaissable aux hommes,

Chante à ta surface sa clarté tel ouvert,

L’œil qui se pénètre à l’horizon qui se pomme

Du peu d’Astre demeuré au creux du ciel clair.

 

Nous t’entendons réciter dans le long tumulte

D’un sièclebarbare d’un poète les vers,

Comme une musique entre les tirs qui exulte

Et filtre dans l’étéle métal de l’hiver.

 

Il y a sur la colline des livres, une âme,

Des vignes qui cajolent, de leurs méandres verts,

Le regard des enfants qui dans la paix s’exclament :

« Cueillons le fruit du jardin, dont l’âme est la terre ! »

 

Nous revenons toujours admirer,aux terrasses,

Le flot lent de l’eau qui semble être la visière

Liquide d’une étoile gigantesque et lasse

Et cracher ses rayons dans sa fine et légère

 

Digestion éternelle ! La mer où tu es née

Bleuit le firmament, verdit ce qui est vert,

Les grands citrons, le jasmin dont l’air est ciré,

Sale la terre brune et blanche, roussit le fer,

 

Parfume la pierre où le ciment interfère

Et nos propres souvenirs, à nous tes enfants,

Qui entendons toujours ta voix comme un vent faire

Gonfler de l’air marin nos souvenirs bouffants.

 

 

 

 

Une rêvasserie

 

 

Pur, le premier émerveillement de l’artiste

Tombe, dans son œil ouvert,

Comme un soleil brûlant qui sur un sein insiste,

Sur un globe de verre.

 

La rétine absorbe longuement la lumière

Dont elle se consume :

Les rayons y trempent comme en une rivière

L’Astre offre son volume.

 

Des gorges arrosées de torrents translucides,

Dans de vierges planètes

Que l’orgueil et la cupidité dilapident

Tournoient dans l’œil honnête,

 

Innocent. Des nuages assombris se gorgent

De soleillées sévères

Dont ils s’outrent comme l’humanité se forge

Sous la masse des fers

 

Et dont elle forge tout ce qu’elle découvre !

La nature, consolante,

Les animaux naïfs que la crainte recouvre,

Les eaux vives ou lentes

 

Qui sont nos abreuvoirs clairs et nos bassins tendres

Et dont le bruit conspire,

Dans le vacarme des grandeurs des Alexandre,

Avec nos doux soupirs

 

Et le soupir profond, sous un azur éteint

D’un beau corps nourrissant

Dont je goûte le sel, le sucre et le satin

A la chair se plissant

 

Dans un tissu mauve que l’encre et la peinture

D’un tableau lourd et rance,

Prolongent jusques aux pieds d’un corps qui murmure

A Dieu dans la jouissance

 

Et près du plaisir le plus purement charnel,

Ressent de la matière

Dont se tire l’amour du ventre maternel,

L’infini Univers !

 


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