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Les mosquées, avec leur style et leur forme uniques, constituent l’un des symboles et lieux centraux de la culture musulmane. Dès l’arrivée de l’islam en Perse et avec la construction des premières mosquées, ces édifices ont occupé un rôle à part entière dans l’histoire à la fois sociale, religieuse, mais aussi politique du pays, tout en jouant un rôle non négligeable dans le domaine de l’éducation. La chute de la dynastie sassanide à la suite de la conquête musulmane a conduit à l’utilisation de formes architecturales perses traditionnelles dans les édifices religieux musulmans en Iran. Les arts tels que la calligraphie, celui du stuc, l’utilisation des miroirs et des mosaïques, ont ainsi été progressivement intégrés à l’architecture des mosquées en Perse.
La vision monothéiste de la tradition iranienne d’avant et après l’islam a eu une influence non négligeable dans le domaine de l’architecture religieuse, en conférant une forme et un sens propre à chaque élément architectural tel que l’espace, la forme, la couleur, la lumière et la matière. Plus spécifiquement, l’architecture islamique iranienne est influencée par deux courants : l’un constitué essentiellement d’éléments extérieurs à la culture indigène de l’Iran, et l’autre influencé par des éléments propres à la culture perse d’avant l’islam. Ainsi, la présence d’arcs, de voûtes, de dômes sur base carrée et de vérandas constitue un héritage des époques parthe (250-226 av. J.-C.), sassanide (224-652 av. J.-C.) et achéménide (559-321 av. J.-C.). Avec l’arrivée de l’islam, l’architecture iranienne a été influencée par la Chine et l’Occident, et de nouveaux motifs et matériaux ont été utilisés dans la construction des mosquées. Bien que variée, l’architecture des mosquées iraniennes reste régie pendant plusieurs siècles par les principes suivant : l’existence d’une cour extérieure au centre de la structure, l’usage de la statique, ainsi que le recours à des matériaux locaux.
La lumière est la principale caractéristique de l’architecture des mosquées en Iran. Symbole de la sagesse divine et de la manifestation de Dieu, elle joue un rôle important pour casser la rigidité des structures gigantesques en pierre. Un carrelage poli couvre souvent le sol, et de petits morceaux de miroir sont incrustés dans le plafond pour réfléchir avantageusement la lumière. Leurs reflets sont ainsi amplifiés par la lumière et représentent une pluralité qui incarne l’unité. Le blanc est le symbole du caractère sacré et de la pureté de l’intérieur de la mosquée. Le bleu azuré, couleur dominante dans les mosquées iraniennes, symbolise l’immensité du ciel et l’absolu. Le turquoise est aussi un symbole de la sainteté, tandis que le jaune évoque la lumière. Le vert, combiné avec le jaune et le bleu, est un symbole de paix et d’espoir, mais aussi de science et de foi. L’eau omniprésente sous forme de fontaines est le fondement de la vie et l’élément purificateur. Sa présence permet aussi d’introduire une certaine souplesse et beauté dans la structure. Elle fait également office de miroir en reflétant l’image de la mosquée.
Outre ces motifs et symboles communs, les mosquées iraniennes comprennent en général des éléments tels que le dôme, le cloître, la cour, le portique et le mihrab orienté vers La Mecque. Nous en donnons ici un aperçu rapide.
- Les phares ou les minarets ont pour rôle principal de focaliser la lumière. Ils ont notamment été construits pour guider les piétons perdus dans le désert et éveiller les âmes ensommeillées. Ils constituent une incarnation de l’orientation divine.
- Le dôme a une base circulaire, comme image d’un tout infini. La division du cercle initial en arcs égaux symbolise la pluralité nécessaire pour atteindre l’unité, symbole du Tout-puissant. Les dômes iraniens sont coniques, unis et discrets. Le bassin d’eau dans la mosquée, qui sert notamment aux ablutions, est situé au milieu de la cour. Il fait aussi office de miroir qui reflète le ciel avec son fond de tuiles bleu azur. Il rend ainsi possible la rencontre du ciel et de la terre.
- Le miânsarâ, ou tablier dans la cour centrale, est l’une des caractéristiques architecturales islamiques iraniennes. De forme rectangulaire, carrée ou polygonale, il est considéré comme un lieu de repos pour les voyageurs.
- Le cloître, colonne intérieure autour du tablier et présent dans l’architecture religieuse dès la période parthe (250-226 av. J.-C.), se compose d’une voûte ; il donne et se referme sur le tablier sur trois côtés. Il renferme les espaces de sortie qui retiennent les rayons du soleil et facilite le passage de l’air. Il est décoré par des muqarnas, des briques, du stuc et du carrelage.
- Le mihrab est généralement situé sur le côté sud du mur de la mosquée, et est orienté vers La Mecque.
La plupart des mosquées historiques construites par les autorités officielles sont situées dans le centre-ville, à proximité des marchés et de l’Hôtel de Ville. Leur importance était telle qu’on ne trouvait pas de ville sans mosquée. Le plan structural de la mosquée, qui dérivait de l’architecture parthe et sassanide, était doté soit d’un seul, de deux ou même de quatre porches, ainsi que d’une combinaison de quatre arches. L’Iran compte de nombreuses mosquées célèbres pour leur beauté, leur importance culturelle et symbolique, ainsi que leur structure architecturale proprement iranienne. Les plus renommées sont la Mosquée de Dezful (Masjed-Jâmeh), la Grande Mosquée et la Mosquée bleue de Tabriz, la Mosquée Nasirol-Molk de Shirâz, les grandes Mosquées de Hamedân et de Bastak à Hormozgân, la Grande Mosquée (Mosquée Jâmeh d’Ispahan), la Mosquée du Shâh et la Mosquée de Sheikh Lotfollâh à Ispahan, la Mosquée Aghâ Bozorg à Kâshân, la Grande Mosquée de Nâïn, la Mosquée de Goharshâd et la Mosquée du tombeau de l’Imâm Rezâ à Mashhad, les Grandes Mosquées de Neyshâbour et de Ferdows, les Grandes Mosquées de Borujerd et de Qazvin, la Mosquée de l’Imâm Zâdeh Hossein et la Mosquée Al-Nabi de Qazvin, la Mosquée Jamkarân de Qom, la Mosquée de l’Imâmzâdeh Hâshem de Damâvand, la Grande Mosquée de Yazd, et la Mosquée de l’Imâmzâdeh Sâleh de Shemirân.
Parmi ces dernières, trois mosquées appartenant à des périodes historiques différentes retiennent particulièrement l’attention : la Mosquée Jâmeh d’Ispahan (style khorâssâni de l’époque seldjoukide), la Mosquée Goharshâd (style azéri de l’époque timuride) et la Mosquée Sheikh Lotfollah (style Isfahâni de l’époque safavide).
La mosquée Jâmeh d’Ispahan a été construite au XIe siècle par les tribus turcophones d’Asie centrale ayant migré vers le plateau iranien, la Transoxiane et l’Asie Mineure. Le faste artistique de cette période est notamment dû à la paix qui régnait à l’époque des Seldjoukides, et a donné naissance à des œuvres d’art importantes, dont cette mosquée. Cet édifice est considéré comme le monument le plus ancien de la ville. Sa façade actuelle date de l’époque seldjoukide, mais la mosquée a connu de nouvelles extensions et rénovations au cours des époques ultérieures en particulier à l’époque des Safavides. On y trouve plusieurs entrées qui relient la cour principale aux espaces environnants et dont la technique de construction montre qu’elles ont été construites à des époques différentes. Cette mosquée est construite sur un cloître à quatre bases de style khorâssâni. Les quatre cloîtres nommés Soffeh Darvish, Soffeh Ostâd, Soffeh Shâgerd et Soffeh Sâheb, confèrent une touche proprement persane à l’édifice. La surface intérieure de la mosquée, ainsi que les minarets et les tuiles remontent au XVe siècle. Les parties principales de la mosquée comme le shabestân, les piliers circulaires, les corniches, etc., ont quant à elles été construites sous l’ordre de Nezâm-ol-molk (vizir des sultans seldjoukides Alp Arsalan et Malik Shâh), et donnent une physionomie particulière à l’édifice.
Le cloître avec le dôme en brique et le toit décoré en muqarnas a été construit au XIIe siècle. Un autre dôme remarquable a été construit en 1060 à l’époque de Taj-ol-Molouk, autre vizir seldjoukide, et ressemble plutôt à un temple du feu. Il est situé dans la partie nord de la cour de la mosquée en face du dôme Khâjeh Nezâm-ol-Molk. La mosquée comprend au total neuf mihrab et deux minarets (autour du cloître du Sud). Selon les historiens, il existait deux autres minarets sur le côté nord, qui sont cependant totalement détruits aujourd’hui. La plus belle chaire incrustée parmi celles existantes en Iran se trouve dans cette mosquée.
La mosquée de Goharshâd à Mashhad s’inspire principalement du style azéri, et sa construction remonte à l’époque timouride. Pendant les XIIIe et XIVe siècles, l’Iran a, à deux reprises, fait l’objet d’attaques de la part des Mongols. L’invasion de Tamerlan au XIVe siècle fut particulièrement destructrice. Après sa mort, son fils Shâhrokh, amateur d’art et religieux, a soutenu le développement des œuvres d’art architecturales religieuses en Iran. La mosquée de Goharshâd fait partie de cet ensemble historique et artistique. Créée sur ordre de la femme du roi au début du XVe siècle au sud du sanctuaire sacré de l’Imâm Rezâ, elle a été principalement construite à partir de briques et de plâtre dans un style architectural oriental. Avec sa vaste zone périphérique, ses sept portes d’entrée menant au sanctuaire sacré, et ses quatre cloîtres grandioses axés sur les quatre points cardinaux, cette impressionnante structure est l’un des joyaux de ce sanctuaire. Le dôme en tuiles turquoise a une hauteur de 40 mètres et un diamètre de 10 mètres. Il est construit sur un espace cylindrique de faible hauteur et sa partie principale, épaisse et ventriculaire, a une belle forme hémisphérique. Le carrelage autour du dôme est en tuile homogène turquoise. Un autre cloître peu profond est recouvert de tuiles blanches sur fond jaune et décoré de calligraphies de style coufique. Les bordures du dôme sont décorées de dessins et recouverts de briques et de céramiques.
La mosquée de Sheikh Lotfollâh à Ispahan constitue un bon exemple du style isfahâni propre à l’époque Safavide. Elle a été construite sur ordre de Shâh Abbâs Safavide durant la première moitié du XVIIe siècle. Elle est hyponyme d’un scientifique religieux libanais venu en Iran et devenu le beau-père de Shâh Abbâs. Le roi a ordonné un réaménagement du bâtiment pour en faire un lieu de prière et de retraite ainsi qu’une école, juste devant l’entrée de la place Naghsh-e Jahân et en face du palais d’Ali Qâpu. Elle est unique de par la forme de son dôme et de ses carrelages. Bien que la construction de la mosquée tende vers l’est, sa paroi, vue de l’extérieur, est orientée vers le nord et l’autel est construit en direction de La Mecque. Sa forme extérieure ne comporte aucun signe d’inclinaison ni d’angle. Le dôme de la mosquée Sheikh Lotfollâh est l’un des rares dômes uni-couverts des Safavides. Les motifs décoratifs bleu-foncé à côté de la couleur crème du fond et des tuiles blanches sont l’une des particularités de cette mosquée. Les parois latérales de la cour sont rehaussées de bleu et comprennent des fleurs, des buissons et une écriture crème. A l’intérieur, les décorations incluent de grandes étoiles jaunes dorées couvertes de liserés entrelacés. Cette mosquée est singulière car elle n’a pas de minaret, et son dôme ainsi que ses deux toits sont monolithiques. Elle est de petite taille, et abrite un petit oratoire.
De manière générale, le style préislamique a grandement influencé l’architecture des mosquées en Iran. La forme et la fonction du minaret, du dôme et du porche sont étroitement liées aux architectures achéménide, parthe et sassanide. Tout est orienté vers la création d’un espace de paix et de silence pour tourner l’attention essentiellement vers Dieu. Les fleurs, les plantes et les oiseaux seuls y sont représentés, à l’exclusion de prophètes et de toute figure humaine. D’un point de vue historique, les mosquées de style seldjoukide ressemblaient à celle des Arabes, simples et décorées en briques, la mosquée timouride, était connue pour sa grandeur, sa résistance et ses couleurs variées, et enfin la mosquée safavide marque l’apogée de l’ornementation, de l’art de la tuilerie et de la peinture en Iran. Destinée à créer un sentiment de présence et de révérence, elle est considérée comme l’un des sommets de l’architecture persane.
Bibliographie :
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- Pirniâ, Karim, Memâri-e eslâmi-e irân (L’architecture islamique de l’Iran), Dâneshgâh-e Elm éd., Téhéran 1993.
Pirniâ, Karim, Sabkshenâsi-e memâri-e irâni (Analyse du style de l’architecture iranienne), Nashr-e Mémâr, Téhéran, 2004.
Râvandi, Mortezâ, Târikh-e Ejtemâi-e Irân (L’histoire sociale de l’Iran), tome I, éd. Amirkabir, Téhéran, première édition 1975
Shâteriân, Rezâ, Tahlil memâri-e masâdjed (Analyse de l’architecture des mosquées), Nopardâzân, Téhéran, 2010.